Une fois n’est pas coutume, nous avons pris l’habitude d’avoir presque tous les ans un évènement qui plonge Gotham dans sa petite guerre intramuros. Ainsi, on a pu enchainé l’arc Cité de Bane, Joker War, Etat de Terreur et aujourd’hui Gotham War. A croire que cela peut faire des heureux dans le marché de l’immobilier. Mais blague à part, ce crossover événementiel, qui fait se croiser les séries Batman et Catwoman, est un récit d’une incroyable calamité comme il ne s’en est plus lu depuis des années. Tâchons de voir ensemble comment se décline ce fiasco où tout est à jeter et rien à garder.
Une histoire qui repose sur un non-sens
Pour commencer, on peut remercier Urban Comics d’avoir pris la peine de faire le tri dans le chapitrage car Gotham War est un jonglage entre les séries de Batman et Catwoman, mais aussi de numéros spéciaux et de tie-ins. Ainsi, l’histoire débute après l’évasion de Catwoman et de sa nouvelle alliée, une certaine Marquise, et décident de mettre au point un plan pour diminuer la criminalité de la ville de Gotham. Pour cela, elles partent du principe de recruter tous les criminels afin de les…former au vol par effraction. Mais attention, uniquement des plus riches car tout le monde sait que ce sont toutes de mauvaises personnes dans l’âme. Bien entendu, ce n’est pas du tout du goût de Batman dont les parents, riches, et ont été tués à cause d’un voleur.
Catwoman se fait ainsi appeler la duchesse de Gotham. Des planques et des camps d’entrainement sont mis en place pour offrir aux criminels tout le support logistique nécessaire tels que le gîte, les formations et les équipements afin de voler en tout légitimité. Et en parlant de formation, Catwoman fait appel à Red Hood/Jason Todd (et on va revenir sur lui plus tard car il le mérite bien) pour les former au combat lors des rencontres éventuelles face à des policiers ou agents de sécurité. On assiste à une vraie organisation du crime organisé où Catwoman s’enfonce de plus en plus dans le pathétique à mesure de l’avancement dans ce volume. Mais le pire, c’est que pratiquement toute la Batfamily est convaincue de cette initiative et prend même sa défense.
Des personnages en décalage complet
Ce troisième volume de Batman Dark City s’articule autour de trois personnages qui sont Batman, Catwoman et Red Hood. Ce dernier a rejoint la guilde de Catwoman car il s’est laissé convaincre par celle-ci que voler était un acte plus qu’acceptable. Ce qui démontre qu’il est doublement naïf, lui ancien Robin autrefois, car il est surtout adepte de la justice expéditive n’hésitant pas à user de la force létale. Je ne sais pas quel est le plus pathétique la caractérisation de ce personnage. Est-ce que c’est de le voir trainer amicalement aux côtés de criminels, ou bien de se justifier à chaque fois qu’il croise la route du Chevalier Noir. C’est d’un ridicule tellement c’est en décalage complet avec son identité.
Pour ce qui est de la position de la Batfamily, sachez que pratiquement tous les membres défendront au prix de leurs dents les choix de Catwoman, quitte à renier leur enseignement et le serment prêté à Batman dans la lutte pour la justice. Je vous laisse le (dé)plaisir de découvrir ces scènes dont on se demande s’il s’agit d’une bêtise involontaire ou d’une trahison calculée. Le seul personnage épargné est Damian Wayne, qui refuse tout compromis, et se range du côté de son père. Cependant, c’est trop peu exploité car cela ne dure que quelques scénettes. Quant à Batman, il demeure un solitaire têtu alors qu’avoir un allié n’aurait pas été de refus.
Des intrigues qui s’enchainent chaotiquement
Comment énoncé ci-dessus, Gotham War est une histoire qui regroupe les numéros de différentes séries, ce qui signifie que les intrigues sont gérées par plusieurs scénaristes, et ne parlons même pas des dessinateurs. Ainsi, l’histoire peut se dérouler dans le présent, le passé, en parallèle à une trame spécifique ou bien s’agir d’un rêve. Mesdames et messieurs les dirigeants de chez DC, les chapitres spéciaux ou les tie-ins n’ont jamais et ne seront jamais de bons arguments, il faut arrêter d’utiliser ce concept. Et je ne vous parle même pas de la fin qui est l’une des pires écritures que j’ai lu depuis des années. Sans vous spoiler, je citerai juste les mots « destruction de batwing », « hommage à Batman : Le Défi« , ou « cambriolage de riche », et osez me dire que c’est acceptable.
Quand au dessin, c’est le même constat. Jonglé entre neuf dessinateurs, répartis dans ces 360 pages, n’est pas agréable à la lecture. Les différences de style cassent l’immersion et ne respectent même pas le travail du dessinateur précédent. Par exemple, un certain personnage nous est introduit avec une moustache, un bouc et un style vestimentaire spécifique, puis dans un autre numéro plus loin il apparait avec une bonne grosse barbe de 10 jours et un accoutrement au ras des pâquerettes. Honnêtement, il n’y a rien à sauver dans ce Gotham War. Même Jorge Jimenez qui est présent dans plusieurs chapitres, et qui rehausse un peu l’intérêt lors de deux (petites) scènes de combats, ne peut faire aucun miracle.
Enfin, comme beaucoup de volumes de la collection DC Infinite sortis récemment, ce Batman Dark City se trimballe avec des chapitres consacrés à Knight Terrors. Et bien, dites vous qu’ils sont mieux écrits et appréciables à lire que n’importe quel autre chapitre de ce tome. C’est triste, mais voilà où on en est.
Une catastrophe. Voilà ce qui peut résumer en un mot ce troisième tome de Batman Dark City. On ne parle même pas de déception car personne n’attendait ou ne voulait de cet évènement qu’est Gotham War. Non seulement il raconte une histoire qui n’a aucun sens (légitimer le crime par un autre crime tout de même !), mais il trahit des personnages tels que Catwoman ou toute la Batfamily. Jusqu’au dernier chapitre, j’ai espéré une pirouette scénaristique, mais non. Il s’agit bel et bien de la vision de Chip Zdarsky et Tini Howard. Pour le salut de votre temps et de votre âme, passez votre chemin et fuyez ce comics.
Et dire que je l’ai acheté par complétisme … Faut que je me soigne !