Entretien avec Álvaro Mártinez (The Nice House on the Lake, Justice League Dark, Detective Comics)

Pour notre seconde interview du Paris Fan Festival, l’équipe de DC Planet a pu échanger avec Álvaro Mártinez artiste espagnol qui aura marqué les esprits des fans de DC pour ses collaborations avec l’auteur James Tynion IV : d’abord Detective Comics, puis Justice League Dark Rebirth et enfin l’incroyable The Nice House on the Lake.

Comme pour Mike Perkins, nous vous proposons donc une retranscription de notre moment avec ce dessinateur plein de talent et de gentillesse, mais gare au spoiler sur The Nice House on the Lake, car notre ami offre une petite info capitale dans la fin du deuxième tome.

Álvaro Mártinez Bueno : l’interview

Depuis le début de votre carrière à aujourd’hui comment la vision de votre travail a changé ? 

Je pense qu’elle a beaucoup changé, ça fait 10 ans. Ma place dans l’industrie a énormément changé. J’ai commencé en tant que freelance à faire des numéros fill-in et ensuite j’ai eu un contrat d’exclusivité, et maintenant je détiens les droits des comics que je crée et je ne travaille plus sur des franchises telles que Batman ou Justice League. Donc ça a énormément changé, parce que je détiens les droits de mes comics, même s’il y a d’autres créateurs. Aussi, j’aime à penser que je suis devenu un meilleur artiste. J’espère que je me suis amélioré. Mais ce qui n’a pas changé est la passion que j’ai à créer des comics. Elle est toujours la même, voire même plus forte. Aussi, j’apprécie le fait d’avoir eu la chance de rencontrer d’autres créateurs durant ces 10 années. Par exemple, hier soir j’ai rencontré Olivier Coipel et c’était génial de pouvoir parler avec lui. C’est la chose que j’apprécie le plus, étant moi-même un fan. 

Donc pour vous les comics creator owned sont votre avenir ?

Pour l’instant. Je ne vois pas de problème à retourner vers les super-héros, des franchises comme DC ou Marvel, mais sans doute que pour les 3, 4 ou 5 prochaines années je ne ferai que du creator owned. 

Si un scénariste vous demandait de venir sur un projet DC vous…

Eh bien je ne serais pas contre, mais on a déjà les prochaines années de prêtes. Et pendant ce temps je continue de travailler sur de nombreuses couvertures chez DC. Je ne veux pas perdre de connexions avec le monde des super-héros. Parce que c’est mon genre favori. 

Et pour revenir à votre travail sur les super-héros. Dans Detective Comics vous avez travaillé avec beaucoup d’artistes et l’on se demandait comment cette collaboration fonctionne ? Est-ce que vous échangez souvent ? 

Non, j’aimerais. Enfin, parfois, par exemple Javier Fernandez, qui a aussi travaillé sur Detective Comics. On est amis donc on parle souvent. Mais je n’ai pas eu un seul contact avec Eddy Barrows, ou les autres artistes. Parce qu’il y a toujours l’éditeur qui coordonne tout, si j’ai besoin de références pour un costume, ou un design c’est la personne à qui je demanderais. Ce serait probablement mieux si on avait des contacts avec les autres artistes, mais on ne peut pas toujours parce que tu ne les connais pas, ou ils n’ont pas de réseaux sociaux, ou ils n’ont pas le temps. Donc c’est le travail de l’éditeur de rendre le tout fluide. 

Est-ce qu’on vous demande de dessiner de la façon d’un autre artiste ? 

Non. Je le fais probablement seul, parce que, lorsque je faisais du fill-in au début de ma carrière, j’ai travaillé sur un comics pour lequel je connaissais l’artiste et j’ai essayé d’adapter un peu mon style pour que la transition ne soit pas trop brutale. Mais ça venait de moi. Personne ne m’a demandé de changer mon style. 

Vous aimez l’homogénéité ? 

Oui. Je pense que c’est mieux pour les lecteurs, n’est-ce pas ? 

Oui. Et vous nous avez dit que dans un avenir proche il n’y aura pas de super-héros pour vous, mais y a-t-il, à l’avenir, un personnage que vous aimeriez faire ? 

Oh tellement. Mais vous êtes DC… J’ai beaucoup de personnages Marvel que j’aimerais…

C’est pas grave, allez-y.

J’aimerais vraiment faire les X-Men, évidemment. Ghost Rider, Dr Strange, Black Panther. Et chez DC j’aimerais beaucoup faire Flash. Wonder Woman, j’adorerais la faire. Parce que lorsque je travaillais sur JL Dark, j’ai découvert que j’adorais la dessiner. Je n’étais pas vraiment un fan du personnage, je l’appréciais juste, mais j’ai réalisé que j’adorais la dessiner. Donc je ferais un long run sur Wonder Woman, sans hésitation. 

Qu’est-ce que vous aimez autant chez Wonder Woman ?

Je ne sais pas. Ça me vient naturellement. Elle est si forte, elle m’inspire. Et ça ne m’arrive pas souvent avec des personnages. Il y a des personnages qui passent, mais Wonder Woman, elle s’est imposée. 

Et Justice League Dark était un comics horrifique, comment est-ce qu’on fait de l’horreur avec Wonder Woman ? 

Wonder Woman est la lumière dans l’obscurité. Donc elle fonctionne vraiment, vraiment bien dans ce livre. Elle est un phare. Il y a des monstres, des trucs terrifiants, mais elle éclaire tout autour d’elle. Dans un sens, ça marche grâce à ce contraste. C’était vraiment fun de faire Justice League Dark. Le panel de personnages est super fun, parce qu’on a un singe qui parle, une énorme chauve-souris, etc.

A quel moment vous vous êtes rendu compte que les histoires horrifiques étaient votre truc ? 

Pour être honnête je ne suis pas un fan d’horreur, mais James l’est, vraiment. Et on travaille ensemble depuis plusieurs années maintenant et il m’a embarqué. Mais je ne suis pas fan d’horreur. 

Donc vous ne piochez pas vos inspirations de films ? 

Si, j’ai vu beaucoup de films d’horreur, lu des livres, mais ce n’est pas mon genre favori. Ce serait probablement la science-fiction ou les super-héros. Mais le truc c’est qu’une histoire comme The Nice House on the Lake est de l’horreur qui convient bien à mon style, mon approche. Ce n’est pas un slasher, ou du body horror, c’est plutôt de l’horreur psychologique. Ce genre-là convient bien à mes intérêts, mon style et la façon dont j’approche mon art. Donc je suis à l’aise avec le genre d’horreur de The Nice House on the Lake. 

Oui, j’allais vous demander comment vous créez l’horreur comme celle de The Nice House ont he Lake. Sans violence, sans gros monstres. Un genre d’horreur silencieuse. 

C’est ça. C’est plutôt dans l’atmosphère des dessins. C’est une série difficile à illustrer, parce qu’on a 10, ou 11 personnages qui s’habillent comme des gens normaux. Ils n’ont pas de costumes. Chez les super-héros, ils ont toujours des armures ou autres. Dans ce cas-là, c’est un défi pour moi en tant qu’artiste de les rendre facilement reconnaissables, la plupart du temps c’est 10 personnes qui parlent, assises dans une pièce. Cela peut être difficile de rendre ça intéressant pour l’artiste et le lecteur. C’est une histoire horrifique, donc on doit compter énormément sur l’atmosphère, le jeu des personnages et la lumière. j’essaye de toujours le rendre intéressant pour le lecteur. C’est difficile à dessiner. 

Mais vous le faites exceptionnellement bien. Et il y aura une prochaine partie de Nice House on the Lake, vous serez de la partie ?

Oui, c’est notre livre à James et moi. 

Et voulez-vous changer l’atmosphère ?

Non, c’est une suite de l’histoire, mais on change… en fait c’est un peu tôt pour en parler, mais on change l’endroit. C’est toujours une maison au bord d’un lac, mais à un autre endroit. Et il y a un nouveau groupe de personnages. 10 nouveaux personnages, mais c’est toujours le même concept. Tous les personnages de la première saison et ces 10 nouveaux personnages. Donc ce sera plus grand, plus audacieux, plus fou pour moi. 

C’est un grand nombre de personnages. 

Vraiment oui, mais je trouverai un moyen.

Et comment vous êtes-vous rencontré avec James Tynion IV, votre principal collaborateur aujourd’hui ? 

En fait, on a commencé à travailler ensemble parce que notre éditeur Chris Conroy, qui édite Nice House, était éditeur sur Batman Eternal et James travaillait sur la série, donc il m’a offert un job. Juste comme ça, James a aimé mon travail, donc il m’a demandé sur Batman et Robin Eternal et Detective Comics. Et on a travaillé ensemble pendant 2 ans avant même de se rencontrer en personne. Donc on travaillait facilement ensemble et l’amitié est venu par la suite. C’est une relation professionnelle qui est devenue de l’amitié. Cela fait des années que je travaille juste avec James.  

Ça a matché. 

Oui ça a matché. 

Et avez-vous plus de choses de prévues avec James à l’avenir ? 

Non juste Nice House. Cela va probablement m’occuper pendant les deux, trois, voire quatre prochaines années. Je deviens plus lent. La première saison m’a pris un an et demi.