Invité de la deuxième édition du Paris Fan Festival la semaine dernière, Mike Perkins est un artiste britannique initialement exclusif à Marvel qui a récemment signé deux excellents ouvrages chez DC. On le retrouve d’abord aux côtés de Greg Rucka sur la série Lois Lane de 2019, qui débarque chez Urban Comics le 7 juillet, puis avec Ram V pour la série Swamp Thing Infinite, apportant une nouvelle vision du personnage.
Lors de la convention, l’équipe de DC Planet a eu la chance de s’entretenir pendant quelques minutes avec Mike Perkins, ce dessinateur au style unique et qui ne manque pas d’humour, une interview dont nous vous proposons tout de suite une retranscription !
Mike Perkins : l’interview réalisée au Paris Fan Festival 2023
Comment êtes-vous entré chez DC ?
J’étais pendant 14 ans sous un contrat d’exclusivité chez Marvel, et DC a toujours voulu que je travaille pour eux. Et Dan était l’éditeur à l’époque et l’on se rencontrait toujours en convention, mais il savait que j’étais en exclusivité chez Marvel. Donc on est devenu de bons amis, comme je ne cherchais pas de boulot on pouvait juste boire des coups sans penser au travail et lorsque j’étais prêt à partir de chez Marvel, Dan était là. Ça c’est passé comme ça. Je me rappelle m’être rendu à mon premier rendez-vous avec Dan et je lui ai dit “Est-ce que je peux te donner une liste de noms de personnages et de créateurs avec qui je veux travailler ? Il m’a répondu “Ouais, ouais.” et j’ai sorti ma liste de ma poche arrière. « La voilà » et sa femme lui a dit “Oh j’adore ce gars”. Ça c’est passé comme ça.
Qui étaient les personnes avec qui vous vouliez travailler ?
C’était très étrange en fait, ça s’est déroulé à la convention de Chicago et je suis tombé sur Greg Rucka et je lui ai dit “Oh Greg, il faut qu’on bosse de nouveau ensemble”, parce qu’à l’époque on avait seulement fait une courte histoire sur Captain America. Et Greg m’a dit “J’adorerais, mais j’ai pas vraiment envie de travailler chez Marvel”, je lui ai répondu “Oh, je viens de manger un petit déjeuner avec Dan.” Donc il me répond “Ok, on en parle plus tard”. Après, alors même qu’il n’avait pas parlé à Dan il m’appelle et me dit “Mike, toi et moi sur Lois Lane.” Et je lui réponds “C’est sur ma liste !”
A ce propos, vous êtes majoritairement un artiste horreur, comment avez-vous travaillé sur Lois Lane avec ces tendances horrifiques ?
Ouais, je ne sais pas, en fait je suis arrivé dans l’horreur, mais vous savez avant j’avais fait Captain America et Union Jack, ce genre de comics. Je n’ai pas un interrupteur dans mon cerveau, c’est un procédé naturel. Je savais exactement ce que je voulais faire avec Lois Lane. Ma Lois est tout simplement Karen Allen dans Indiana Jones et les Aventuriers de l’Arche Perdue. Je vois Lois comme ça. Donc c’était assez simple à mettre en scène.
Donc vous ne voulez pas seulement faire de l’horreur ?
Non, je fais juste ce que j’ai envie de faire.
Vous étiez un encreur auparavant…
En fait, avant tout, en Angleterre tu fais tout; l’encrage, les dessins, la couleur, le lettrage. Donc je dessinais et encrais toujours mon travail. Lorsque je suis allé travailler à Crossgen en Floride ils voulaient que je fasse seulement de l’encrage et c’était cool pour un temps. Mais ça me démangeait de travailler de nouveau sur les dessins et ça a été assez difficile de m’imposer de nouveau comme dessinateur et encreur. Mais j’adore encrer les autres, parce que tu apprends tellement. Je n’aime pas que les autres m’encrent. J’ai eu seulement quelques trucs que je n’ai pas encré moi-même. Même dans Captain America j’encrais mes dessins.
Vous encrez donc vos planches dans Lois Lane et Swamp Thing ?
Oui Oui Oui
Donc c’est votre condition.
Ce n’est pas vraiment une condition, c’est juste la façon dont fonctionne mon travail. Quand j’essayais de m’établir dans les États-Unis, ils voulaient me faire travailler avec un encreur. Mais à un moment on arrive à un stade où l’on peut dire non, je veux vraiment encrer mes dessins. Et la façon dont je travaille aujourd’hui, surtout avec Swamp Thing, mes traits sont très fins et donc la majeure partie du dessin est fait pendant l’encrage. C’est la façon dont je travaille aujourd’hui.
L’encrage est un métier de l’ombre, on connaît très peu d’encreurs…
Oui Oui
… mais pour vous c’est très important ?
Oh oui, vraiment important. Parce que même si j’ai été encré par des artistes excellents ce n’est pas mon travail au bout du compte. Quelqu’un d’autre est passé sur tes traits et a encré sa propre vision. Donc pour moi c’est plus l’idée de coucher mon propre travail sur le papier. Mais l’encrage est en lui-même quelque-chose de vraiment intéressant parce que l’on ajoute cette profondeur, cette texture. Il y a toujours des artistes que j’adorerais encrer. Il faut juste trouver le temps.
Pour revenir à Swamp Thing, c’est un personnage qui a vu une foule d’artistes incroyables. Comment faites-vous du personnage le vôtre ?
Eh bien je crois que nous étions vraiment chanceux… enfin pas vraiment chanceux, mais nous en avons fait un personnage différent, nous ne faisions pas Alec Holland. Levi, notre personnage, allait devenir sa personne propre. Donc je pense qu’au moment de se lancer c’était très important pour nous parce qu’il y a tellement de grands artistes et scénaristes qui ont travaillé sur Alec Holland et l’ont fait vraiment bien. Et ça a été fait de nombreuses fois. Donc pour nous, cette histoire a été raconté de nombreuses fois et il était temps de tourner la page. Donc dans un sens c’est libérateur parce que c’est notre personnage. Il y avait seulement une seule chose que je voulais, c’est que notre Swamp Thing n’ait pas d’oreilles. J’ai toujours pensé que pour Swamp Thing avoir des oreilles était vraiment bizarre. Donc je ne voulais pas dessiner ça !
Donc vous n’avez pas puisé d’inspirations chez Wrightson, Paquette ?
Oh si bien sûr, tu prends toujours ton inspiration des travaux précédents, mais tu ne peux pas laisser ça t’intimider, autrement ça te pétrifie. Lorsque tu regardes l’héritage du personnage, tu te dis “Je peux pas, je peux pas faire ça”. Tu ne peux pas réfléchir comme ça. Tu dois prendre du recul pour pouvoir travailler, tu dois te convaincre que tu es bon et travailler avec ça.
Est-ce que vous avez des inspirations qui viennent de l’horreur ?
Pas vraiment. Vous savez c’est étrange, je connais beaucoup de créateurs d’horreur et la plupart du temps ce sont les types les plus sympas. C’est quelque chose qu’ils déversent sur les pages, plutôt que de le garder à l’intérieur. Alors que tu regardes tous les comédiens et ce sont des dépressifs chroniques. C’est ce genre de truc.
Il y a un mangaka, Junji Ito….
Oui, oui.
… il est comme ça, il écrit et dessine ces trucs vraiment bizarres et il semble être le mec le plus heureux.
Oui, oui, oui (rires).
Mais pour en revenir à Swamp Thing, comment travaillez-vous avec Ram V ? En sachant qu’il allait insuffler la culture indienne, avez-vous fait des recherches ?
Non, non, entre Ram et moi c’est une vraie collaboration. En général, tu reçois un script et tu le dessines. Mais Ram et moi, nous parlons beaucoup, on conçoit différentes idées. Par exemple Ram visualise une page d’une façon bien particulière et il va me demander si je suis ok avec cette idée. Parfois je lui réponds que ce serait mieux de partir dans telle direction et parfois je regarde son idée et lui dit que c’est brillant, on va faire ça ! C’est donc une vraie collaboration, on parlait BEAUCOUP. C’était l’une des meilleures choses avec Swamp Thing.
Est-ce la première fois que vous avez ce niveau de collaboration ?
Non, non, je veux dire il y a toujours un certain niveau de collaboration. Lorsque j’ai fait mon comics creator owned La Malédiction de Rowans avec Mike Carey. C’était plutôt moi qui écrivait et l’envoyait à Mike et Mike, étant Mike, il a rendu le tout 200 % meilleur. Donc il y a ces collaborations. Mais oui c’est probablement une des premières fois que l’on travaille aussi proche l’un de l’autre.
Hier à une conférence, Ram V racontait qu’il envoyait parfois quelques pages seulement de ses scripts et ensuite les artistes dessinent les pages, puis Ram V envoie les suivantes. Est-ce que c’était comme ça avec Swamp Thing ?
Parfois. Parce que Ram est très occupé. Donc parfois il m’envoyait des parties du scénario. Mais j’ai déjà travaillé comme ça auparavant. Par exemple avec Ed Brubaker sur Captain America. Ce n’est pas la façon dont je préfère travailler. Je préfère tout voir en face de moi, pour pouvoir bien visualiser, voir où l’histoire va, mais parfois tu n’as pas cette option.
Avez-vous quelque chose d’autre de prévu avec Ram V ?
Non on a discuté de plusieurs choses. Des comics creator owned et d’autres choses. Donc nous avons parlé de choses comme ça. En fait, en ce moment je travaille sur un autre comics DC qui ne sort pas avant mars, donc je suis concentré dessus pour le moment. Et c’est vraiment excitant. Ils ne l’ont pas encore annoncé donc je reste muet.
Pas même le nom du scénariste ?
Hmmm, je ne sais pas, il ne vaut mieux pas.
Est-ce que ce sera un livre d’horreur ?
Non ce sera sombre et plein d’ombres.
Pour revenir à votre liste, y a-t-il encore des artistes et personnages qui étaient dedans et avec qui vous voudriez encore travailler ?
Oui, oui, genre Deadman.
Ah, on en parlait.
Ah oui ?
On a eu un gros débat sur ce qu’est votre prochain projet et on a décidé que ça devait être Deadman, on l’a même écrit ici.
Non, non, Deadman est un de ces personnage que j’adorerais faire. Vous savez, l’univers DC est tellement vaste, il y a tellement de personnages que je peux encore écrire. J’aime plutôt le mystique. Si j’avais la chance de faire le Spectre ou Dr Fate.
Constantine ?
Oui oui, clairement. En fait on en a parlé avec Ram.
Ça serait vraiment cool.
Oui, oui il a déjà toute l’histoire dans sa tête, mais il faut juste trouver le temps. Pas seulement pour nous, mais aussi pour DC.
Et y a-t-il d’autres scénaristes avec qui vous voulez travailler ?
Oui, il y a beaucoup de gars. J’ai toujours aimé le travail de Jeff Lemire et j’aimerais travailler avec lui. J’ai parlé avec Garth (Ennis) hier et j’aimerais faire quelque-chose avec lui, je pense que ce serait cool.
Vous aimez dessiner des merdes (rires).
Oui (rires).
Non, mais un des livres avec lequel j’ai été le plus surpris était Walk Through Hell, qu’il a fait avec Marts Mike (l’éditeur). C’était vraiment subtile et dans la modération. C’était une approche différente pour Garth et je l’ai vraiment aimé. C’est comme ses comics de guerre qui ont un ton vraiment sérieux. Il y a beaucoup de gars vous savez, Grant Morrison, avec qui je n’ai jamais travaillé.
Je suppose qu’iel est la personne avec qui tout le monde veut travailler.
Oui, oui, mais en fait, ne lui dites pas ça, Ram possède un grand nombre des qualités que tous ces scénaristes ont. Donc vous savez, s’il continue à me donner des histoires je vais dire « Ok allons-y ».
Lois Lane – Ennemie Publique dessiné par Mike Perkins arrive le 7 juillet chez Urban Comics. Swamp Thing Infinite, aussi dessiné par Mike Perkins est déjà disponible en deux tomes en France, toujours chez Urban Comics.