Histoire de prod #4 : Superman II

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Avant tout, Histoire de prod, qu’est-ce que c’est ? Le nom est assez parlant, il s’agit d’une analyse et d’un retour sur l’histoire de la production d’un film, d’une série ou d’un jeu-vidéo (pour l’instant nous avons seulement fait des films, mais le reste arrive en force prochainement). Chaque œuvre qui voit le jour est en elle-même un petit miracle, quelle qu’en soit la qualité finale.

Nous allons revenir sur la suite du film qui nous a fait croire qu’un homme peut voler.

Je ne peux que vous conseiller d’aller relire le deuxième Histoire de prod histoire de vous rafraichir la mémoire, ça fait tout de même trois ans depuis la sortie de celui-ci.

Mais, tout de même léger résumé

Les Salkind forment un duo d’hommes d’affaires père fils qui ont récupéré les droits cinématographiques de Superman et qui sont pour reprendre les mots de Margot Kidder : « des connards ». C’est pas moi qui le dit c’est Margot Kidder ! Ceux-ci mettent donc en place le projet après une pré-production compliquée et finissent par jeter leur dévolu sur le réalisateur Richard Donner. Néanmoins, la production ne sera pas moins chaotique, entachée par les accrochages entre Donner et les Salkind, ainsi que par une attaque au couteau (allez vraiment lire l’histoire de prod numéro 2 !). Alors que les deux films devaient être tournés en même temps, la réalisation du deuxième opus est mise de côté le temps de terminer le premier. Puis le film sort sous les acclamations générales, c’est un énorme carton et le deuxième film, dont une bonne partie des scènes étaient déjà dans la boîte, peut reprendre sa production.

Donner vs Salkind

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De gauche à droite Pierre Spengler, Richard Donner et Ilya Salkind

Après la sortie du premier film et son excellente réception, ainsi que son gros succès au box-office, la mise en chantier de la suite, déjà en grande partie filmée, ne se fait pas attendre. Cependant, les choses vont se compliquer dès le départ. En effet, Donner est définitivement viré par les Salkind. Ici s’opposent deux versions de ces événements. D’un côté, Donner assure qu’il a juste reçu un télégramme des Salkind lui disant qu’il n’était pas le bienvenue sur le tournage de la suite. Tandis que, du côté des Salkind, ceux-ci assurent que Donner a refusé de travailler de nouveau avec le producteur Pierre Spengler. Le père et le fils étant très « loyaux », ils leur étaient impossibles de faire appel à Donner de nouveau. Comme souvent, la vérité se trouve sans doute entre les deux. Donner n’a jamais caché son mépris pour Spengler, il ne lui adressait même plus la parole durant le tournage du premier film, donc qu’il ait refusé de tourner avec lui est plus que probable. Mais il est aussi quasi certain que les Salkind n’ont à aucun moment essayé de vraiment négocier avec lui et que les deux ont vu là une opportunité parfaite pour se débarrasser de l’encombrant réalisateur. Warner n’est pas enchantée par l’idée de se débarrasser de Donner, mais ils ne peuvent rien faire : en tant que distributeurs ils n’ont aucun poids sur ses décisions, seuls les Salkind ont un droit de décision.

Dans un premier temps, les Salkind pensent tout naturellement à remplacer Donner par Richard Lester, toutefois celui-ci était occupé sur le tournage de son film Cuba. Alors que Donner s’occupe de la promotion du premier film en Europe, les Salkind approchent de nouveau Guy Hamilton, réalisateur de Goldfinger, qui aurait déjà dû réaliser le premier film mais avait été écarté à cause d’obscures histoires de taxes. Néanmoins, celui-ci n’était pas disponible non plus. Les choses finirent enfin par aller dans le sens des Salkind : Lester finit tout juste le tournage de Cuba lorsque le tournage du deuxième film peut commencer. Et, quand bien même le réalisateur n’est pas du tout fan de comics et que le personnage de Superman et ce qu’il représente ne l’intéresse pas tellement, devant le salaire de 500.000$ (quand-même 2 millions quand on l’ajuste à l’inflation) proposé par Warner, il accepte bien volontiers. Mais pour lui une chose est claire, il ne ferait pas du Richard Donner.

« Donner mettait en scène un mythe spectaculaire. Il y avait un aspect David Leanien (Lawrence d’Arabie) dans certaines séquences et une échelle énorme. Il y avait une nature épique, ce qui n’est pas dans ma vision, donc mon travail n’a pas suivi cet aspect… Ce n’est pas moi. C’est sa vision. Je suis plus excentrique et je joue plutôt avec un aspect décalé. »

Richard Lester

Une pré-production troublée

Les choses démarrent très mal. Déjà, Marlon Brando est écarté d’office du film. Pour rappel, l’acteur avait porté plainte contre les producteurs à la sortie du premier film et il aurait dû toucher 11.75% du total des recettes du box-office américain. Une somme non négligeable que les Salkind refusent tout simplement de payer. Ils doivent alors tout simplement supprimer toute apparence de Jor-El du film. Et pour remédier à l’absence du père, une solution assez simple est trouvé par les Salkind, si on ne peut pas utiliser le père, alors utilisons la mère. Une évidence pour Ilya :

Je lui ai dit, pourquoi est-ce qu’on aurait pas la mère qui parlerait à Superman ? La mère parle d’amour. Et ça marche, en terme de logique et de structure.

Ilya Salkind

Cependant, cette idée était beaucoup moins évidente pour Mankiewicz, le scénariste et partenaire de Donner.

Ca perd tout son impact. Le père l’a envoyé sur Terre. J’avais écrit ce long monologue, avec le sous-texte de Dieu envoyant son fils sur terre ‘Ils peuvent être de bonnes personnes, Kal-El. Ils le souhaitent. Ils leur manquent seulement la lumière pour leur montrer le chemin.’ La boucle est bouclée, son arc, est de retourner vers son père. Et Brando, qui n’a quasiment plus d’énergie en lui, tend la main et meurt pour donner une nouvelle vie à son fils, avant de disparaître pour toujours. Voilà, c’est tellement dramatique et magnifique, évidemment que si c’est la mère cela ne veut rien dire. Ca rend fou quand les producteurs décident de charcuter des films, tout ça pour faire quelques millions de plus.

Tom Mankiewicz

Et en plus de ça, on ne reviendra pas sur l’idée assez sexiste que, si on parle d’amour, c’est forcément la figure de la mère qui doit être évoquée. En plus de l’absence de Brando, l’aspect christique de cette scène présente dans le scénario de base était dans la continuité logique du premier film et de la vision de Donner et Mankiewicz, mais Lester, lui, n’avait que peu d’intérêt pour ça. Comme il le dit lui-même, il n’avait aucune envie de faire un film aux proportions épiques. Tout ça demande donc une vraie réécriture du scénario. C’est pour ça que toute cette scène disparait du film et que Superman récupère ses pouvoirs hors champs.

Car en plus de l’absence de Brando, le film n’a plus de début ni de fin : un vrai problème, on en conviendra. C’est dans un premier temps, naturellement, vers Mankiewicz qu’ils se tournent puisque c’est lui qui s’était occupé de perfectionner les scénarios existants et, au vu du résultat du premier film, avec succès. Néanmoins, celui-ci ne veut absolument rien entendre. S’il était arrivé sur le projet c’était seulement pour Donner, le réalisateur l’avait plus que poussé pour qu’il accepte le projet, et sans lui il ne reviendrait tout simplement pas. Le vice président de la Warner, Terry Semel, essaye bien de le convaincre, mais il n’y a rien à faire, le scénariste ne trahirait pas son ami. Les Salkind se tournent donc de nouveau vers le duo qui avait signé le second jet du scénario, après Mario Puzo : les Newman. Et les Newman ont une légère, très légère, tendance à placer de l’humour partout (ce qui expliquera la catastrophe Superman 3, mais ça on en parlera plus tard), qui avait été complétement gommé par Donner et Mankiewicz. On se rappellera que dans leur scénario, il y avait une scène où Luthor mangeait des mouchoirs parce qu’il était en colère… Oui…

Le début est donc réécrit. En effet, la fin originale du premier film Superman aurait déjà dû libérer Zod, mais comme elle avait changé, cet élément a entièrement disparu et Zod est toujours enfermé. Il faut donc trouver une nouvelle façon de libérer les kryptoniens de la Zone fantôme. Toutefois, Donner avait bien déjà tourné un nouveau début de film, mais celui-ci ne sera pas conservé par Lester. La séquence de début du film devait voir Lois, dans le Daily Planet, se rendre compte que Clark est nul autre que Superman et, pour prouver son idée, elle va sauter par la fenêtre pour que le super-héros la sauve. Clark réussit à garder son identité secrète en freinant sa chute grâce à son super-souffle et en dépliant le auvent du Daily Planet pour qu’elle rebondisse doucement dessus.

Que ce début ait été changé est un peu étonnant tant cette scène avec le auvent reste très proche de l’aspect léger que Lester veut apporter au film. Mais il est assez probable que la scène ait été changé pour une raison de quota de scènes tournées par Lester. Le film démarre donc ici avec des terroristes qui ont posé une bombe sur la Tour Eiffel et Superman qui doit sauver Lois, qui est encore une fois en danger. Et c’est en se débarrassant de cette bombe que Superman détruit la prison des kryptoniens et leur permet de se libérer.

La fin du film, elle aussi, devait être totalement réécrite. En effet, rappelez-vous, Superman 1 n’avait pas vraiment de fin et pour palier à ce problème, ils avaient utilisé le voyage dans le temps prévu pour le second opus pour conclure le film. A l’origine Superman devait vaincre les kryptonien et Luthor, avant de tourner autour de la terre pour que Lois oublie son identité, ce qui aurait en même temps provoqué la suppression de tous les événements de ce second opus. Les Newman devaient donc trouver un autre moyen d’effacer la mémoire de Lois, ils ne pouvaient conclure deux films d’affilés avec un voyage dans le temps. Et leur choix s’est arrêté sur un baiser magique qui efface la mémoire, parce que, pourquoi pas. C’est d’ailleurs l’un des nombreux ajouts en termes de pouvoirs un peu étranges qui semblent tout droit sortis du Silver Age, dont ils ont doté Superman. On pensera à son S magique qui peut être lancé comme un filet, mais aussi à de la téléportation et de la télékinésie. En fait, Ilya Salkind, expliquera plus tard que les kryptoniens ont des pouvoirs illimités, ils choisissent seulement de n’en utiliser qu’une infime quantité. Une idée… une idée, dirons-nous.

Une autre scène fut sujet à quelques problèmes, c’est la scène où Lois et Clark font l’amour. Cette scène était présente depuis le début du projet : en effet, Mario Puzo en parlait déjà au moment où il écrivait le scénario. Toutefois, depuis le début DC Comics était contre cette scène arguant que Superman ne devait pas s’abaisser à de tels instincts charnels. Un parallèle assez intéressant avec la scène de sexe orale supprimée entre Batman et Catwoman dans la série Harley Quinn et son « Les héros ne font pas ça ». Il faut croire que l’aspect puritain de DC a assez peu évolué en 40 ans, leurs héros sont des icônes qui doivent être au-dessus des êtres humains de base et ne doivent donc pas s’adonner aux bas-instincts de l’humanité. D’ailleurs, Donner avait lui aussi eu le droit à beaucoup de commentaires de la part de DC sur des injures présentes dans son film et il avait dû aller se plaindre à la Warner pour qu’enfin l’éditeur aux deux lettres le laisse tranquille. Pour revenir à la fameuse scène de Superman II, lors des premières projections tests, DC se calmera très vite en voyant qu’en fait on voyait tout juste Superman torse nu et Lois dans un lit. Pas de quoi crier au scandale.

Mais c’est surtout le « départ » de Donner qui a posé problème. En effet, le réalisateur était très apprécié par toute son équipe et dans un premier temps c’est Gene Hackman qui a tout simplement refusé de revenir sans la présence du réalisateur. Heureusement il avait filmé la très grande majorité de ses scènes, mais il faudra tout de même engager un doubleur voix et corps pour le remplacer sur les quelques scènes manquantes.

Christopher Reeve, le poids de la cape

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Après la sortie du premier Superman, Reeve suivi le conseil que lui avait donné Sean Connery de faire un film radicalement différent, et il prend donc le rôle principal dans Quelque part dans le temps de Jeannot Szwarc. Une adaptation du roman, Le Jeune Homme, la Mort et le Temps de Richard Matheson. Cette nouvelle fait, bien entendu, enrager Salkind, qui le menace même d’un procès, mais en réalité aucune date de tournage n’a été arrêtée et donc finalement il n’en fait rien. De plus, Reeve leur promet qu’il serait disponible pour un début de tournage été 1979. D’ailleurs, l’état d’esprit de celui-ci à ce moment-là est assez compliqué. Déjà, il est lui aussi atterré par le renvoi de Donner. Lors d’une interview dans Time Out il qualifia même les Salkind de sournois et de peu digne de confiance. Mais surtout, la peur de Reeve de se retrouver coincé éternellement dans le rôle de Superman ne cessait de grandir. Une de ses expériences quelques temps avant le tournage de la suite n’aida pas à éteindre ses craintes. En effet, l’acteur était fan d’aviation et lors d’un de ses atterrissages, les techniciens de la tour de contrôle lui demandèrent s’il avait pris un avion pour venir. Une petite blague inoffensive à première vue, mais pour Reeve c’était la crainte de se voir enfermer dans le rôle à vie qui se renforçait.

Le tournage

Le tournage commence en septembre 79, de nouveau dans les studios de Pinewood. D’ailleurs, contrairement au premier film, toutes les scènes à Métropolis ont été filmé dans ce studio et non à New-York, ce qui revenait sans aucun doute moins cher. Et cette fois-ci les décors et plateaux sont encore plus chers que dans le premier film. Déjà, la Forteresse de Solitude est entièrement reconstruite. Mais c’est aussi une reconstruction de Time Square et des chutes du Niagara qui sont effectuées. En tout, pour reconstruire Manhattan il faudra 5500 tonnes de sables, ciments et goudrons, 152 kilomètres d’échafaudages, 762 km de bois, 4 millions de litres de béton et 900 m² de vitres. Le tout reviendra à 10 millions (36 millions avec l’inflation) seulement pour refaire Manhattan.

Le tournage prend aussi place au Canada, en Norvège, à Santa Lucia et à Paris. Tandis que les scènes en Idaho ont été filmé à Chobham Common à Surrey, à 48 km de Londres.

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Lester est aussi beaucoup moins regardant sur la façon de tourner le film, surtout comparé à Richard Donner. En effet, le réalisateur du premier film avait été jusqu’à arrêter le tournage du premier film au Canada, car le temps n’était pas exactement tel que lui le voulait. Tandis que durant le tournage de la suite, en France, le temps était très mauvais et il pleuvait même averse, mais Lester n’arrêta pas de tourner, arguant qu’il effacera le tout en post-prod. Ce qui sera bien moins facile que ce que le réalisateur semble penser. On peut d’ailleurs voir à quelques moments de grosses gouttes tomber sur la chemise d’un des policiers, alors même qu’il ne semble pas pleuvoir durant la scène. Pour Lester, Superman II n’est en fait qu’un job comme un autre.

Les films Superman étaient une promenade de santé. Si t’es malin, avec quatre équipes de tournage, tu peux passer la majorité de ton temps à marcher entre les équipes. Les équipes travailleraient sans toi, si elles le devaient.

Richard Lester

Les hurlements que vous venez d’entendre viennent de Christopher Nolan, ne vous inquiétez pas (comme on l’avait vu ici). Et on peut comprendre que cette attitude « je m’en foutiste », très loin de la passion que Donner avait mis dans le premier film, ait pu outrer les fans du réalisateur américain. A ce propos, dans le livre Superman vs Hollywood: How Fiendish Producers, Devious Directors, and Warring Writers Grounded an American Icon (oui c’est le vrai titre), l’auteur Jake Rossen argumente que les fans avaient tort d’en vouloir autant à Lester pour son désintérêt pour le personnage de Superman, car Donner lui-même n’avait accepté le premier film seulement après avoir vu le nombre de zéro sur son chèque. Ce qui n’est pas faux, toutefois c’est un peu de la mauvaise foi. En effet, si à l’origine le salaire sympathique a été un gros argument pour le cinéaste, par la suite Donner s’est impliqué à fond dans le film. Il a mis toute sa passion dans le film, se battant du début à la fin avec les Salkind pour qu’il puisse proposer le film que lui voulait, pour réaliser sa vision. Il a même réussi à faire jouer Marlon Brandon. Ses dialogues étaient écrits sur les couches d’un bébé, mais quand même. Alors mettre au même plan les deux est assez injuste à mon humble avis.

Lester décide de garder sa technique de réalisation à trois caméras, ce qui est assez frustrant pour les acteurs qui ne savent pas quand ils sont filmés durant les gros plans et les force à toujours jouer à 100%. Toutefois, Reeve admis que cela rend le tournage bien plus rapide.

On notera tout de même cette action plus que détestable que Lester a eu auprès de Kidder, utilisant la détresse mentale de celle-ci, en plein divorce durant le film, pour filmer la scène finale entre elle et Superman. D’ailleurs, Kidder décrit ce tournage d’une façon assez simple « pas cher et rapide ». L’actrice qui n’a jamais eu sa langue dans sa poche, qualifiant même les Salkind de « connards », comme on l’a dit plus tôt, n’aura qu’un rôle à la limite du caméo dans le Superman 3. Mais c’est sans doute une coïncidence.

Durant le tournage de ce deuxième opus, les scènes de vol sont bien plus maîtrisées par Christopher Reeve. « Voler » est presque devenu naturel pour l’acteur, toutefois ses trois antagonistes kryptoniens le vivent beaucoup moins bien. Pour Sarah Douglas (Ursa), son nez ne cesse de couler, un technicien devait le lui essuyer avec un bâton de 13 mètres, doté d’un mouchoir à son bout. Une scène somme toute amusante à imaginer. En 2012, l’actrice confie avoir encore des douleurs à l’omoplate à cause des scènes de vol, tandis que Jack O’Halloran (Non) se fait une hernie discale durant l’une de ses scènes. Finalement, une infirmière était présente chaque jour sur les plateaux pour s’occuper des acteurs.

Le tournage se termine le 10 mars 1980.

Des cigarettes dans mon films Superman ?!

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A l’époque du premier film, les cigarettes de Philip Morris était déjà présentes. En effet, on voit Lois en fumer durant l’interview qu’elle donne à Superman. Néanmoins, jamais le nom Marlboro n’est prononcé. Ceci va changer pour le deuxième. En effet, les Salkind vont signer un contrat d’un montant de 43.000$ (158.000$ en prenant en compte l’inflation), pour que la marque apparaisse dans le film. Elle apparaitra bien à de très nombreuses reprises, surtout pendant la bataille finale. Qui plus est, cette omniprésence de la marque de cigarette dans un film tout public aurait visiblement provoqué une enquête du congrès américain, mais aucune information quant au résultat de cette enquête ne m’est arrivé durant mes recherches.

D’ailleurs, on peut voir dans cette bataille finale une multiplication de placements de produits, surtout si on compare au premier film. Les marques, ayant vu le succès du premier film, ont sans aucun doute dû être très intéressé par l’idée d’être représentée dans sa suite. Et comme les Salkind aiment l’argent, celles-ci ont eu le droit à une place de choix. En plus de Marlboro, il y avait donc JVC, la marque de produits électroniques japonaise, ainsi que la société de pétrole Essex. Ou encore Coca-Cola, Timex, ou KFC.

Lester propose à Donner de partager avec lui les crédits du film, le réalisateur restait responsable de bien 50% du film, néanmoins sa réponse fut catégorique :

« Je ne partage pas les crédits »

Richard Donner

Post-production

On sait assez peu de chose sur la post-production du film, le seul élément vraiment connu est le départ de John Williams. Le compositeur culte, responsable du thème, tout aussi culte, du premier film a eu le droit à une diffusion du film en présence des Salkind, ainsi que de Richard Lester. Néanmoins, alors que les Salkind quittent la pièce quelques instants, Williams finit par lui aussi sortir et leur dira qu’il refuse de travailler avec cet homme. C’est donc Ken Thorne, le compositeur attitré de Lester qui s’occupera de la bande-son du film et qui essaiera de coller à la musique créée par Williams dans le premier film.

L’heure de la sortie

Une sortie espacée dans le temps

Lors d’une projection de la grosse scène de bataille à Warner, Ilya Salkind explique qu’ils ne tiendront pas la sortie du film en été 80, ce à quoi Warner répond qu’ils ne veulent pas attendre. Alors le producteur leur dit qu’il irait voir un autre distributeur, ce à quoi la Warner lui dira l’équivalent de « Oui, c’est ça vas-y », mais à leur grande surprise, il le fit vraiment ! Et le résultat ne se fait pas attendre, de nombreuses personnes sont intéressées par l’idée de distribuer le film. Un peu apeurée, la Warner met rapidement de l’eau dans son vin : il est hors de question pour eux de perdre Superman, le premier avait été un trop grand succès pour y penser. Ils se mettent donc d’accord sur un modèle de sortie particulier pour accommoder tout le monde.

Le film adopte un modèle de sortie qui reste assez fou, encore aujourd’hui. En fait l’idée est de sortir le film dans tous les pays durant les mois d’exploitations les plus prolifique de chaque nation. Donc le film sort dans un premier temps à Noël 1980 en France, en Afrique du Sud, en Espagne, en Australie et en Italie. Ainsi qu’à Pâques 1981, en Allemagne de l’Ouest et en Angleterre. Enfin, le film sortira à l’été 1981 aux Etats-Unis. Ce qui voulait dire que le film sortirait dans le monde entier, avant d’arriver enfin dans les Etats-Unis. C’est du jamais vu. Aujourd’hui la chose serait tout bonnement impossible avec les réseaux sociaux qui partageraient instantanément toutes les scènes du film, et aussi le piratage. A l’époque, quelques versions bootlegs du film se partageaient bien sous le manteau, mais la situation reste sous contrôle et le film suit son bout de chemin.

Une bonne réception

Les critiques sont en général très bonnes. Le célèbre Roger Ebert, qui avait adoré le premier film, lui donne quatre étoiles sur quatre, tandis que son collègue Gene Siskel lui donne trois étoiles et demi. L’humoriste Richard Pryor fit part, durant une émission du Tonight Show, de son amour pour les deux films et de son envie d’en faire partie. Ce qui ne manqua pas d’arriver aux oreilles des Salkind, mais ça c’est une histoire pour un futur Histoire de prod.

Malgré quelques petits problèmes, le film reste très agréable. On pourra quand-même déplorer la surabondance d’humour amenée par les Newman et Lester qui est parfois assez agaçante. Toute la scène où les trois kryptoniens soufflent sur les habitants de Metropolis est loooooooooooooongue et tous les gags qui accompagnent cette scène viennent casser toute sa tension. On peut aussi déplorer tout l’aspect perte de ses pouvoirs de Clark. Déjà, rien que le fait que Superman abandonne ses pouvoirs jure vraiment avec le personnage, mais soit, le vrai problème reste que toute la séquence est beaucoup trop rapide. Superman abandonne ses pouvoirs, il se fait casser la gueule, il va récupérer ses pouvoirs et voilà. Qui plus est, le fait que la façon dont il les récupère n’est jamais montré à l’écran, alors même qu’on lui a précisé auparavant qu’il lui serait impossible de le faire est plus que dommageable. Cela rend toute cette partie du film sans réel intérêt.

Le film rapporte 108.2 millions au Etats-Unis et Canada, et rapportera 82.2 à l’international. Le film aura donc rapporté en tout et pour tout 190 millions de dollars (701 millions de dollars rapporté à l’inflation) dans le monde. Tout de même 110 millions de moins que le premier film, mais cela reste une énorme victoire pour les Salkind (ou pas, les deux affirmeront plus tard que les films ne leurs ont quasi rien rapporté, allez savoir), qui expliquent sur les tapis rouges que Superman pourrait devenir leur Star Wars. Ils rêvent déjà de cinq ou six suites mettant en scène le Man of Steel. Les choses seront un peu plus compliquées, mais ça on en parlera bientôt.

Richard Donner Cut

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Là où on en serait resté là pour un Histoire de prod habituel, ici nous avons encore des choses à dire. L’éviction de Richard Donner est toujours restée en travers de la gorge de nombreux fans, qui n’ont jamais arrêté de faire campagne pour que la version de Richard Donner existe.

En 2001, une édition DVD spéciale du premier Superman sort et comprend une remasterisation du film ainsi que de l’audio, entres autres bonus (behind the scenes, commentaires audio, …). Le tout chaperonné en parti par Richard Donner. Ceci ralluma la flamme dans le coeur des fans qui voulaient voir la sortie de la Donner Cut du second film. Qui plus est, la présence nouvelle des fan sites ont participé à créer un élan pour cette campagne.

Jim Cardwell, boss de Warner Home Video, finira même par répondre à plusieurs emails de fans durant l’été 2004 :

Warner Home Video soutient l’arrivée d’une version longue de Superman II en DVD. Néanmoins, il y a des problèmes juridiques et créatifs qui doivent être résolus avant que le film ne puisse sortir de nouveau. Warner Home Video se penche actuellement sur ces problèmes.” 

Jim Cardwell

Les raisons juridiques viennent sans aucun doute toujours de Marlon Brando et de l’impossibilité pour Warner d’utiliser son image. Quand aux problèmes créatifs, on les trouve du côté de Richard Donner. En effet, celui-ci avait en fait déjà été approché en 2001, après son travail sur le DVD du premier film pour la création de sa version de la suite. Mais le réalisateur avait tout simplement refusé :

 “Pour être honnête, j’en avais fini avec ça. J’ai vécu une expérience tellement mauvaise avec la famille Salkind que je n’en ai tout simplement plus le besoin maintenant.”

Richard Donner

Toutefois, en 2004, alors que Superman Returns est green-lighté, la Warner repart négocier avec les héritiers de Brando pour pouvoir utiliser son image et sa voix dans le nouveau film. Ce qu’ils obtiennent ! Cela signifiait qu’ils pouvaient maintenant aussi commencer à travailler sur le Superman II de Donner. Et c’est grâce à Michael Thau que toutes les pièces seront enfin en place. En effet, celui-ci était l’assistant de Donner sur les Goonies, ainsi que producteur sur les deux premiers L’arme fatale. C’était déjà lui qui s’était occupé de récupérer les bobines pour le DVD de Superman I. En effet, celles-ci étaient stockées dans un entrepôt de Technicolor à Londres, et pas quelques-unes, on parle ici de six palettes, pour un poids de six tonnes. Qui plus est, les Salkind avaient visiblement arrêté de payer leurs factures, ce qui fait que chez Technicolor, le classement des négatifs n’était pas fait en entier. Et c’est donc à cet homme que Warner demande de s’occuper de la Donner Cut, où en tout cas déjà de vérifier si le matériaux de base était toujours utilisable. D’ailleurs, l’idée n’était pas de fournir une version longue avec toute les scènes possibles mises dans le film, ce que Warner voulait était bien une vraie Donner Cut. Et la bonne nouvelle c’est qu’une très grand partie de ces films étaient utilisables, dont surtout, et c’est ce qui importait le plus à la Warner, les scènes de Marlon Brando. En effet, Thau l’explique dans une interview : sans ces nouvelles scènes cette version n’aurait jamais vu le jour.

Alors, en 2006, Thau et son assistante Karen Rasch se mettent au travail et, au fur et à mesure que la restauration avance, Donner, qui terminait son film 16 Blocks, commence à être tenté par le projet.

Le film reprend donc des images du premier film au départ pour expliquer comment les kryptoniens se sont échappés de la zone fantôme. Comme on l’a dit plus tôt, la fin du film reprend celle du scénario original, donc un retour dans le temps, mais celle-ci aurait dû être différente. D’ailleurs, Thau a bien essayé de demander à Donner et Mankiewicz ce qu’ils avaient prévu de faire pour la fin du II après avoir utilisé le voyage dans le temps dans le premier. Néanmoins, malgré les demandes répétées de Thau, les deux étaient incapables de s’en souvenir. Qui plus est, il n’était pas question d’utiliser le baiser magique, d’ailleurs Mankiewicz n’aimait pas le fait que Clark embrasse Lois. Pour lui, seul Superman devait le faire.

La présence de la scène dans le diner à la fin est donc un peu une anomalie. En effet, si Superman vient de remonter dans le temps, il n’a plus aucune raison de donner une leçon à cet homme, dans cette réalité il ne lui avait rien fait. Toutefois, sa présence peut faire sens si on prend en compte le contexte de cette scène. Déjà, le fait que le voyage dans le temps n’aurait pas dû être utilisé à la fin du film, mais surtout cette scène avait été filmé entièrement par Donner et le réalisateur y apparait même. Cependant, durant la campagne de promotion du film, Lester avait expliqué combien cette scène était importante pour lui en tant que créateur. Il s’en appropriait la paternité, ce qui enrageait Richard Donner, qui confia plus tard :

“Je voulais lui dire : ‘Espèce de fils de pute, tu n’as pas filmé cette scène. Non seulement tu ne l’as pas filmé, mais en plus je suis aussi dedans !’”

Richard Donner

On pourrait donc comprendre que la présence de cette scène était un moyen pour Donner de s’en réapproprier la paternité.

L’histoire est un cercle

On en a d’ailleurs pas encore parlé, mais on peut noter de nombreux parallèles étonnants entre Donner et Snyder sur ce film. Bien qu’ils aient des limites, entendons-nous. Tous deux ont été évincé de leur film alors qu’une majorité de celui-ci avait été tourné, ce qui a créé une vraie campagne pour que ces versions puissent voir le jour. La différence étant que les fans de Donner n’avaient pas à leur disposition les réseaux sociaux. Et cela fait une grosse différence tout de même. Mais ce sont aussi deux réalisateurs qui voulaient proposer des films de super-héros au sentiment épique et christique et qui seront remplacés par des réalisateurs bien moins concernés par cet aspect et qui voudront imposer une patte plus légère et humoristique, ainsi qu’une photo plus colorée. Mais la grande différence entre les deux est sans doute que Superman était un énorme succès critique et public, ce que n’était pas réellement le cas pour les films de Snyder. Et surtout, la version originale de Superman II reste malgré tout un très bon film, ce qui n’est pas tellement le cas pour Justice League. Il est tout de même intéressant de voir à quel point les choses se répètent à Hollywood.

Mais alors cette version ?

En général, cette version a été très bien accueilli, les fans étant heureux de pouvoir enfin voir cette version mythique. Et en effet, beaucoup d’éléments sont mieux dans cette version. Déjà, Lois : bien qu’ayant moins de scènes, celle-ci reste plus intelligente dans sa façon de découvrir le secret de Clark et de le piéger. Les scènes de Brando sont aussi un ajout plus que bienvenue et permettent de rendre la perte et le retour des pouvoirs bien plus intéressante. Et on apprécie aussi le fait que l’humour soit beaucoup moins présent. Toutefois, il est quand même bon de rappeler que la Richard Donner Cut n’est pas vraiment la Richard Donner Cut. Cela reste une version bricolée avec des tests screens, ainsi que des restes de scènes réalisés par Richard Lester. Et cela se voit. Si le réalisateur avait pu réaliser le film en entier, sa version aurait été proche, sans aucun doute, mais tout de même différente sous bien des aspects. Mais cela reste une belle chose que cette version ait pu voir le jour.

Enfin, je voudrais dédier ces dernières lignes à Richard Donner qui nous quitté il y a maintenant deux ans. Le réalisateur laisse derrière-lui une superbe filmographie, composée d’un bon nombre films cultes, dont L’arme fatale, l’un de mes films favoris. Et surtout il aura réussi à amener sur nos écrans un Superman parfait qui, aujourd’hui encore, reste l’incarnation la plus forte et la plus marquante du personnage. Il aura tellement laissé son empreinte sur l’histoire du cinéma avec ce film que 40 ans après, un grand nombre de cinéastes et d’artistes de comics se revendiquent encore inspirés par ses idées.

Merci Richard Donner, merci d’avoir réussi à nous faire croire qu’un homme pouvait voler.

Histoire de prod #4 : Superman II 25

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Image de Claygan

Claygan

Amoureux de la culture sous à peu près toute ses formes. Grand fan de Green Arrow (et de crêpes), je suis tombé dans cet univers infernal que sont les comics il y a de cela maintenant plusieurs années, cela sans doute un peu grâce aux films. Vous pourrez me retrouver pour parler (ou râler) de DC en long, en large et en travers, dans les podcasts, ou dans mes articles.
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twinfr
Invité
twinfr
1 année il y a

Très bon texte, merci beaucoup. Je pensais tout savoir sur les coulisses de Superman II et j’ai quand même appris des choses.

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