Histoire de prod #2 : Superman

Sommaire

Les films, qu’ils soient des échecs industriels ou des chefs-d’œuvre ont quasiment systématiquement des productions passionnantes. Réalisateur tyrannique, studio qui s’immisce dans la production, producteurs collants, caprices d’acteurs. Il y a des centaines d’exemples différents et les films de super-héros n’échappent pas à la règle.

Pour ce deuxième numéro d’histoire de prod nous allons revenir sur le film Superman qu’on peut considérer comme l’ancêtre de tous nos films de super-héros. Le film, qui a déjà 42 ans, est devenu mythique, et encore aujourd’hui Christopher Reeves est considéré par beaucoup de fans comme LE Superman (et ils ont bien raison). Alors, il est temps pour nous de revenir sur l’histoire de ce classique des films DC. Ce classique qui aura eu le droit à une production plus que chaotique. Et si cet histoire de prod vous a intéressé, je ne peux que vivement vous conseiller d’aller lire (à condition de bien savoir lire l’anglais) Superman vs Hollywood de Jake Rossen. Ce livre est une mine d’or d’informations concernant les productions autour de Superman.

Les Salkind et les droits de Superman

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Alexander et Ilya Salkind

Alexander Salkind était un fils de producteur franco-mexicain, aux origines russes. Celui-ci, aux côtés de son fils Ilya Salkind, reprit aussi le métier de producteur et le premier fait d’armes du duo était le film The Three Musketeers. L’adaptation du roman culte de Dumas, qu’ils ont produit aux côtés de leur compère Pierre Spengler. Le film et sa suite The Four Musketeers, sont aujourd’hui surtout connus pour avoir introduit la Salkind Clause. En effet, le film était à l’origine pensé comme un long film de trois heures et les acteurs avaient été payé pour cela. Néanmoins ils se rendirent compte que le film ne serait jamais prêt pour sa date de sortie et il prirent donc la décision de le diviser en deux films différents. Ce que les acteurs apprirent en voyant le film pour la première fois. Ils saisirent la justice et cela conduisit la Screen Actor’s Guild à introduire la Salkind Clause qui stipule que l’on ne peut diviser une production unique en plusieurs films, sans que cela ne soit mentionné dans les contrats. Malgré ces polémiques les films furent des succès critiques et financiers.

C’est aussi en 1973 que Ilya Salkind parle pour la première fois à son père de produire un film Superman. Le père est dans un premier temps assez dubitatif, celui-ci ne connaissant rien au kryptonien. Néanmoins devant l’enthousiasme évident de son fils il accepte d’y réfléchir et après des discussions avec différents acheteurs il parvint à la conclusion que le succès pourrait être là pour le film. Toutefois leur partenaire Pierre Spengler était beaucoup moins optimiste, celui-ci ne croyant pas possible de faire voler un homme à l’écran. Les Salkind persévérèrent tout de même et la prochaine étape était de racheter les droits de Superman.

DC avait depuis peu été racheté par Warner, mais dans un premier temps les Salkind négocièrent avec DC. Cependant la société posait énormément de conditions quant à l’adaptation de leur personnage fétiche. Et après six semaines de discussions qui ne menèrent à rien, Ilya appela Bill Sarnoff chef de Warner Publishing. Ceux-ci, sans aucunes attaches émotionnelles, signèrent le deal. Les droits des films et séries Superman appartenaient aux Salkinds pour les 25 prochaines années. Tout ça pour la modique somme de 4 millions de $, dont seulement 1 million devait être payé avant la signature. DC avait un droit de regard, mais leur pouvoir de veto était très limité. Ceci illustrait bien que le personnage de Superman n’avait aucun réel intérêt pour la société.

Le scénario

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Julius Schwartz, éditeur des titres Superman, rencontra les Salkinds et leur suggéra d’embaucher la romancière Leigh Brackett. Celle-ci était une habituée des romans de science-fiction, mais elle avait aussi participé à l’écriture du scénario de The Big Sleep (1946) avec William Faulkner. Cependant, Ilya refusa quand il découvrit qu’elle vivait sur la côte Ouest, tandis que lui travaillait sur la côte Est. Tout n’était pas perdu pour Brackett, celle-ci écrira quelques années plus tard le scénario d’un certain Empire contre attaque. Schwartz suggéra ensuite Alfred Bester, lui aussi auteur américain de science-fiction. Pour l’anecdote sa femme Rolly avait joué Lois Lane dans le serial radio. Ilya l’engagea pour un salaire supérieur à tout ce qu’il avait gagné durant sa carrière d’auteur, cependant le père n’était pas content, il voulait un gros nom qui attirerait de gros acteurs. Il reçut donc ce que l’on appelle en anglais un kill fee. Ceci intervient surtout dans les métiers de la rédaction (journalisme), il s’agit donc pour un employeur d’annuler l’article, papier, ou scénario dans ce cas-là qu’il avait commandé à un travailleur freelance. Cette annulation est accompagnée d’un paiement d’un certain pourcentage du salaire de base.

Le prochain choix de Ilya était William Goldman. Oscarisé, lui aussi avait débuté sa carrière en écrivant des romans, puis s’était tourné vers le théâtre et ensuite le cinéma. Il a d’ailleurs écrit le roman The Princess Bride, dont le film est inspiré. Après trois heures de discussions il refusa, ne sentant pas l’histoire, lui qui était habitué aux films réalistes et sombres.

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Mario Puzo

Ensuite ils s’adressèrent à Mario Puzo, l’auteur américain avait signé le livre The Godfather, dont le film de Francis Ford Coppola est tiré. Il est tout de même intéressant de voir que tous les choix des producteurs se portèrent vers des romanciers. Il y a sans doute une raison très intéressante là-dessous, mais cette Histoire de prod est déjà extrêmement  longue, donc on va passer là-dessus. Donc l’histoire plut à Puzo et il accepta d’en être le scénariste pour 350 000 $ et 5% des recettes du film. Ensuite, durant quelques semaines à Vegas Ilya, Puzo et Carmine Infantino, patron de DC, ont discuté de l’histoire. Il y avait beaucoup de choses : Superman et ses origines, ses débuts à Metropolis, sa romance avec Lois, sa relation avec Lex Luthor.

En octobre 1975, Puzo signa son script, qui ressemblait plus à une encyclopédie. 300 pages, s’ils les avaient toutes filmées cela aurait coûté 500 millions de dollars. Dans ce scénario l’enfance de Superman était décrite en détail, puis après son arrivé à Metropolis il est mis face à des super-vilains Kryptoniens qui avaient été emprisonnés par son père. En quête de revanche ils menacent la planète de Clark et s’empare de la maison blanche. Il faut tout de même dire qu’ils n’auraient sans doute pas été les pire présidents américains. L’un de ces Kryptoniens était nommé Kru-EL. Oui la subtilité n’était pas tellement présente. Le tout aurait grandement eut besoin d’une grosse réécriture, cependant Puzo n’était pas intéressé du tout par une autre approche et renonça au projet à la fin de l’année 75.

Ensuite les Salkind cherchèrent donc des remplaçants et ils les trouvèrent chez Robert Benton et David Newman. Le duo avait écrit quelques années plus tôt le film à succès Bonnie et Clyde (1967), film avec un certain Gene Hackman (clin d’œil, clin d’œil). Ceux-ci furent donc chargés de réécrire le scénario. Toutefois, peu de temps après Benton décida de réaliser un long métrage et Newman introduisit sa femme Leslie à sa place. Certaines des additions à l’univers de Superman de Puzo furent supprimées, comme le fait de faire de Clark un reporter de télé et aussi sa suggestion de faire jouer Kal El et Jor El par le même acteur, pour que les spectateurs n’aient pas à attendre une demi heure pour voir la star du film.

Sous les conseils des producteurs le long script de Puzo fut découpé en deux. Comme pour les films des Trois Mousquetaires, Ilya prévoyait de tourner simultanément les deux films. Donc l’histoire des renégats venus de Krypton attendrait le deuxième film, tandis que leur nombre était réduit à trois. Impatient de voir le script terminé Alex leur demanda de venir à Paris où il lut le script à voix haute, et l’histoire dit qu’il s’est endormi en plein milieu.

La quête du réalisateur

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Steven Spielberg sur le tournage des Dents de la mer

Pendant l’écriture du script Salkind avait reçu un appel d’un agent disant que son client, un certain Steven Spielberg, était un gros fan de Superman et qu’il voulait réaliser le film, après avoir fini son second long-métrage : Les dents de la mer. Ilya avait vu Les dents de la mer en avance et était persuadé que le film serait un carton, cependant son père lui n’était pas du tout convaincu. Celui-ci insista pour attendre de voir le résultat du film avant de faire signer le jeune réalisateur. Ilya n’était pas heureux, mais son père avait l’argent. Le fils dut donc décliner poliment. Bien entendu Les dents de la mer fut l’un des plus gros succès de l’histoire et visiblement Spielberg garda en travers de la gorge ce refus, car lorsque Ilya rappela son agent celui dit que Spielberg pouvait toujours le faire, mais en tant que comédie musicale. Ce qui veut dire que dans un autre univers Superman, le premier vrai film de super-héros aurait pu être le troisième film de Steven Spielberg. Quel univers ce doit être.

Il chercha d’autres réalisateurs et plusieurs furent envisagés Peter Yates, John Guillermin, ou encore Francis Ford Coppola.

« certains étaient très excités, d’autres moins. Ils ne savaient pas comment le faire. Yates était très excité. Nous avons eu plus d’un rendez vous avec lui. Mais une autre opportunité arriva pour lui”

Le réalisateur des Mousquetaires, Richard Lester, fut approché, mais celui-ci suggéra d’en faire un film d’époque et personne ne le suivit. Enfin Ilya rencontra Guy Hamilton, qui avait réalisé Goldfinger. La mythologie de l’homme d’acier l’intéressait et il était d’accord pour se débarrasser des moments kitchs qui subsistaient dans les adaptations de comics. La réécriture des Newman, n’avait toujours pas supprimé toutes les bizarreries du script de Puzo. Comme lorsque Luthor commence à manger des mouchoirs parce-qu’il est en colère. Ou un caméo de Kojak, un flic fan de sucettes héros de la série du même nom. Celui-ci aurait dû rencontrer Superman en lui sortant sa catchphrase « Who loves ya baby ». Hamilton fut engagé.

Les acteurs

Le cas Marlon Brando

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Gene Hackman, Alexander Salkind, Marlon Brando

Le film n’avait toujours aucun distributeur. Plus d’un millions de dollars avait déjà été injectés dans l’écriture du scénario, les tests des effets spéciaux et d’autres commodités comme les chambres du Plaza hôtel. C’est alors que le fils Salkind reçut un appel de Kurt Frings, un célèbre agent à Hollywood. Celui-ci des plus concis lui dit, « je peux t’avoir Brando« . Aujourd’hui qui ne connait pas Marlon Brando ? L’acteur est une légende et dans les années 70 il avait déjà une forte aura. En effet à l’époque où les Salkind cherchait leur grosse star, il avait déjà été nommé sept fois aux Oscars en tant que meilleur acteur et en avait remporté deux pour Le Parrain et Le Dernier Tango à Paris.  Alors avoir Brando dans leur film était une chance inespérée pour les Salkind tant l’acteur rayonnait d’une immense aura dans le monde entier.

Ilya demanda à Frings ce que Brando voudrait en compensation et il lui répondit que 2 millions serait attirant. Salkind appela son père à Paris à quatre heures du matin, celui-ci lui répondit « Fais-le !« . Une copie du script lui fut envoyé et Brando allait le faire, mais pour 3,7 millions et un pourcentage sur les recettes du film. Salkind était furieux, mais il savait que c’était la dernière pour son film alors il accepta.

Bien sûr, la nouvelle de l’énorme salaire de Brando se répandit à Hollywood et le jour suivant l’agent de Gene Hackman appela Ilya et lui dit que son client voulait travailler avec Brando. Gene Hackman avait déjà une petite réputation à l’époque, il n’était pas au niveau de Brando bien entendu, mais cela restait un acteur reconnu. Le salaire de Hackman était tout aussi élevé que celui de Brando, il reçut 2 millions de dollars pour son travail sur le film et sa suite. Qui plus est, Hackman refusa de porter un faux crane et de raser sa moustache. Ce qui amena le personnage dans le film a être obsédé par les perruques et de n’être révélé chauve que durant le final du film.

Ce casting cinq étoiles ne pouvait qu’attirer les distributeurs et c’est Warner qui se manifesta. Les Salkind leur accordèrent la distribution aux Etats-Unis, mais la production demeurait indépendante. Ce qui est assez ironique sachant que c’était les mêmes qui avait cédé les droits du personnage pour une bouchée de pain quelques temps plus tôt. Le casting, ainsi que le final-cut appartenaient toujours aux Salkinds.

Les premiers problèmes arrivent

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Image : Le dernier tango à Paris

Fin 1976 des artisans sont envoyés à Rome pour commencé à construire les plateaux. Cependant, le dernier film de Brando, Le dernier tango à Paris, une exploration graphique de l’identité sexuelle, venait d’être jugée obscène en Italie. Son réalisateur s’était déjà fait arrêter et Brando suivrait le même chemin s’il posait un pied en Italie. La police se vantait même aux journalistes d’avoir un mandat d’arrêt pour l’acteur.

La production ne pensa même pas à remplacer Brando. Sans lui, il n’y avait pas de film. La production fut redirigée à Londres dans les studios Shepperton et Pinewood. Ce dernier venait de voir la production du Star Wars de George Lucas. Mais les problèmes étaient loin d’être terminés. En tant que citoyen britannique le réalisateur perdrait la majorité de son salaire à cause d’obscures histoires de taxes. Qui avait d’ailleurs poussé les Rolling Stones à quitter le pays. Alors, il devait soi abandonner Brando, ou le réalisateur. Mais, encore une fois il ne pouvait faire le film sans Brando. Ils renvoyèrent donc Hamilton. Ils entrèrent en discussion avec Mark Robson, qui avait réalisé le film, écrit par Puzo, Earthquake. Mais la femme d’Ilya lui parla d’un de ses amis, nommé Richard Donner. Celui-ci avait réalisé le film d’horreur The Omen.

On ne peut que remarquer la connexion qui existe entre les adaptations de comics et les réalisateurs de films d’horreur. Aujourd’hui nous avons légion d’exemples de films de comics dirigé par d’anciens réalisateurs de films d’horreur. Que ce soit chez DC avec James Wan et son Aquaman, ou David Sandberg et son Shazam. Et c’est la même chose chez Marvel, avec par exemple Scott Derickson qui a réalisé Doctor Strange. Et même Sam Raimi qui a réalisé la trilogie des Spider-Man. Alors pourquoi cette tradition ? C’est sans doute en partie dû au fait que les réalisateurs d’horreur sont habitués à devoir trouver des solutions imaginatives pour contrer des problèmes dues au faible budget et au manque de temps. Ce qui fait d’eux des atouts pour ce type de production. Qui plus est, on ne va pas se le cacher, les réalisateurs de films d’horreur sont souvent peu chers et sont vus comme plutôt malléables de la part des producteurs. Superman n’est donc pas seulement le prédécesseur de tous les films de super-héros, mais aussi le prédécesseur de toute une tradition hollywoodienne.

Salkind fut impressionné par l’aspect visuel de The Omen et la Warner était plus qu’heureuse de conseiller un réalisateur qui leur avait donné un succès récent.

Richard Donner le nouveau réalisateur

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Richar Donner et Marlon Brando sur le tournage

Cependant, Donner lorsqu’il reçut le script était sur la réserve. C’était une production bien plus grosse que ce dont il avait l’habitude. Néanmoins, le film était accompagné d’un gros salaire, un million de dollars, dix fois son salaire sur La malédiction (The Omen). Donner accepta. Toutefois Donner avait toujours des réserves sur le script. Conçut comme deux films le scénario était toujours un énorme pavé. Après de longues discussions Donner convainquit Salkind de faire intervenir un nouveau scénariste, son ami, Tom Mankiewicz. Celui-ci avait travaillé sur plusieurs James Bond avec Sean Connery et Roger Moore.

“C’était un scénario bien écrit, confia Donner à Cinefantastique en 1979. « mais c’était un scénario absurde… Il avaient un excellent scénario de Mario Puzo. Et ils avaient… un bon réalisateur, un anglais, Guy Hamilton. Puis ils ont amenés David et Leslie Newman et Bob Benton pour la réécriture. Donc vous aviez des producteurs européeens et un réalisateur anglais qui CRÉAIenT une fable américaine. Et… Je crois qu’ils ne savaient pas vraiment ce que cette fable était. »

Mankiewicz le scénariste de secours

De base, Mankiewicz ne voulait rien à voir avec ce projet. Donner explique qu’il l’a appelé à cinq heures du matin pour qu’il participe au film. Cependant Mankiewicz ne voulait rien à voir à faire avec les comics. Mais Donner lui dit que c’était bien plus que des comics et qu’il devait venir chez lui. Ensuite Donner fuma un petit joint et enfila le costume de Superman. Quand Mankiewicz arriva Donner se mit à courir  dehors vers la voiture du scénariste. Celui-ci lui dit « T’es taré. Dégage de là. » et Donner lui répondit « Tom, écoute, tu dois lire ça. » et il lui dit tout ce qu’il pensait devoir faire. « Le plus important est d’en faire une histoire d’amour et de prouver qu’un homme peut voler ». Plus tard dans la nuit Mankiewicz l’appela et lui dit « Tu sais, on peut faire beaucoup de choses avec ça. »

Le début concret de la pré-production

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Concept art de Krypton

A son arrivé à Londres Donner changea déjà les choses. Il ne restait que onze jours avant l’arrivée de Brando. Donner emmena avec lui John Barry le production designer de Star Wars. L’équipe avait commencé à recréer une Krypton très proche des comics. Le tout était plutôt criard tout en vert. Pour Donner et Barry la planète devait ressembler à la future Forteresse de la solitude de Superman, donc tout en glace.

Les techniciens avaient aussi testé toutes les manières possibles pour donner l’impression de vol. Ils ont catapulté des mannequins. Ils ont essayé de l’animation et ils ont même essayé de balancer un cascadeur sur une grue de 91 mètres de haut. Tout ça coûta plus de 2 millions de dollars et aucun n’étaient convainquant. Salkind finit par engager le spécialiste des effets visuels Zoran Perisic. Sa technique appelée Zoptic, qui plaçait une personne entre une caméra et un écran de projection semblait être la solution.

Salkind engagea Geoffrey Unsworth en tant que directeur photo. Celui-ci était une petite célébrité dans le milieu, ayant bossé sur 2001 : l’odyssée de l’espace. Derk Meddings maquettiste, Roy Field aux effets visuels et Yvonne Blake aux costumes. Donner tenait à avoir une équipe créative la plus harmonieuse possible. Ce à quoi il arriva et au final chaque département travaillait ensemble.

Donner se mit aussi à parler avec ses acteurs. Le plus intéressant étant Marlon Brando. Celui-ci étant bien connu pour son attitude plutôt… je m’en foutiste ? D’ailleurs, son agent avait fait part à Donner qu’il pourrait lui proposer de jouer le rôle de Jor-El sous la forme d’une valise verte. Et cela ne manqua pas. Lors d’une réunion Brando suggéra à Donner que Jor-El devrait être représenté sous forme d’un bagel, oui un bagel, auquel il prêterait sa voix. Car après tout, Jor-El est un extra-terrestre donc il peut ressembler à n’importe quoi. Donner, diplomate, lui expliqua que tout le monde savait à quoi Jor-El ressemblait et qu’il ne ressemblait pas à un bagel. Brando céda avec un sourire.

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Plateaux de la forteresse de la solitude

La rencontre avec Hackman fut tout aussi intéressante. Après avoir appris que l’acteur ne voulait pas raser sa moustache, Donner le rencontra tout en portant une grosse moustache. Donner dit à Hackman qu’il la raserait si lui aussi le faisait. Le jour suivant c’est un Hackman fraîchement rasé qui vint dans la caravane pour le maquillage. Cependant Donner lui portait toujours sa moustache, ce qui énerva Hackman. Et c’est à ce moment-là que Donner enleva lentement sa fausse moustache.

Peu de temps après son arrivée  à Londres, Donner accrocha des écriteaux avec le mot Verisimilitude dans tous les bureaux. C’était pour lui un moyen de rappeler que même si l’histoire est totalement irréaliste, ils devaient faire comme si tout était réel. Une façon d’enterrer une bonne fois pour toute, toute volonté de parodie.

Qui plus est,  toujours peu de temps avant le début de la production, Donner reçut un avertissement de la part de Richard Lester, le réalisateur des films Mousquetaires, pour les Salkind. Lester l’informa qu’il n’avait toujours pas été payé pour son travail. Il avait beau beau intenter des procès contre eux, à chaque fois ceux-ci changeait de pays. Donc Lester dit à Donner de ne pas participer au film, tout en sachant qu’il le ferait sans doute et que lui aussi dirait la même chose à son successeur. Et ce fut le cas. Mais le rôle de Lester dans cette histoire n’est pas encore terminé.

Quoiqu’il en soit, retournons au script. Celui-ci était toujours l’équivalent d’une encyclopédie et donc Mankiewicz dégagea une partie de l’excédent pour atteindre une durée raisonnable et créa avec Donner trois portions distinctes. 1.La vie monotone des Kryptoniens et particulièrement celle de Jor-El dont ses pairs ne veulent pas croire ses avertissements de catastrophe naturelle. Puis il finit par mettre son fils, Kal dans une navette.  2. Kansas, où le jeune Kal est adopté par les Kent. 3. Metropolis, où Clark arrive pour débuter sa carrière de journaliste.

Superman avait enfin tous les éléments en place pour démarrer son tournage en avril 1977. Tout, sauf un Superman.

La quête de Superman

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L’émergence du bodybuilding créa une nouvelle vague d’hommes à l’allure de statues grecques. La tête de proue de ce mouvement étant bien entendu Arnold Schwarzenegger. Celui-ci était l’un des rares à conjuguer son allure avec un véritable charisme. Les Salkind ne voyaient personne d’autre que lui pour incarner Superman. Cependant, quand ils le rencontrèrent ils se rendirent compte que les spectateurs américains se révolteraient en voyant un symbole américain incarné par un étranger. Même si les producteurs s’étaient dit qu’ils expliqueraient son accent par son héritage kryptonien. C’est bien connu, vous héritez de l’accent de vos parents, c’est dans vos gènes.

Les recherches continuèrent et cela devint la plus captivante recherche d’acteur. Variety suivait semaine par semaine les personnes rencontrées. Bruce Jenner, champion olympique en 76, bien que pas aussi massif que Schwarzy pouvait remplir le costume. Ilya Salkind expliqua que bien que parfait physiquement il manquait d’expérience en tant qu’acteur. Oui, le beau-père de Kim Kardashian aurait pu être Superman.

A cette époque Brando et Hackman ne faisaient pas encore partie du casting et donc Alex Salkind était sous pression de la part des investisseurs pour trouver une star capable de porter le film. Donc Ilya Salkind considéra un éventail impressionnant d’acteurs. Warren Beatty se trouva trop ridicule dans le costume; Steve McQueen refusa immédiatement; Clint Eastwood était trop occupé; Christopher Walken fut considéré. Et ce n’est qu’une petite partie : Charles Bronson, James Caan, Ryan O’Neal, Sam Elliott, Perry King, Jeff Bridges, Jan-Michael Vincent, David Soul, Robert Wagner, Lyle Waggoner et Kris Kristofferson. Salkind envoya même une offre à Robert Redford qui lui répondit poliment que personne n’y croirait s’il devait enfiler le costume.

Peu avant la sortie Rocky c’est Sylvester Stallone qui fit part de sa volonté à endosser le costume. Mais Salkind le trouvait trop italien pour le rôle. La recherche de Superman était au fond du trou. Salkind eut même un rendez-vous avec le crooner Neil Diamond. Celui-ci était intéressé par la possibilité de devenir un acteur, mais il se désista quand il se rendit compte du temps que cela lui demanderait et de l’argent qu’il perdrait en arrêtant sa tournée.

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Muhammad Ali

En relation avec un certain cross-over qui était en développement chez DC, Salkind pensa même à prendre Muhammad Ali. En effet, durant un dîné à Cannes le publiciste d’Ali suggérera à Alexander Salkind d’engager son client. Croiser deux symboles de la culture américaine était plus que tentant. Cependant, Ilya Salkind fit remarquer à son père que Ali était noir, ce qui le disqualifiait d’office. Chose intéressante lorsque que l’on sait qu’aujourd’hui la Warner serait plus qu’intéressé par la perspective de voir Michael B. Jordan endosser le costume. Les temps changent.

Et ce fut enfin l’arrivée de Brando et Hackman qui mit fin à cette recherche d’une star pour le rôle principal. Ils pouvaient maintenant chercher un acteur bien moins connu, voire totalement inconnu. Donner était d’accord avec cette idée, pensant que Burt Reynolds en collant resterait Burt Reynolds. Cependant, cela n’empêcha pas les Salkind de tenter de placer des personnes sans aucun sens. La femme d’Ilya suggérera de prendre son dentiste. Oui, un dentiste. Donner lui tenta d’avoir Nick Nolte, mais il refusa. Le fils de John Wayne, Patrick, fut considéré. Cependant les discussions furent abandonnées lorsque son père développa un cancer.  Tandis que les choses devenaient de plus en plus compliquées, John Voight accepta de jouer le rôle de suppléant.

En fait le gros problème du rôle de Superman était que les acteurs savaient ce qu’impliquait de prendre un rôle tel que celui de Superman. La carrière de Kirk Alyn était morte après son incarnation du personnage dans les serials. Tandis que George Reeves avait vu sa carrière finir tragiquement. Qui plus est cela ne s’arrête pas avec Superman. Adam West a aussi vu sa carrière s’embourber après avoir incarné Batman. Quasiment aucun acteur n’a pu porter les collants sur les écrans puis mener une belle carrière par la suite.

Mais avant, une courte interlude : la trouvaille de Lois Lane

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Margot Kidder

Il leur manquait toujours un Superman, mais ce n’était pas tout, il manquait également une Lois Lane. Salkind auditionna beaucoup d’actrices : Stockard Channing, Shirley MacLaine, Anne Archer et Lesley Ann Warren. Carrie Fisher fut aussi considérée, mais Star Wars n’était pas encore sorti, et donc cela n’alla pas plus loin. Imaginez un monde où Steven Spielberg aurait réalisé Superman, avec Sylvester Stallone dans le rôle de Superman et Carrie Fisher dans le rôle Lois, ça ça aurait été quelque-chose.

Donner et Mankiewicz voulait Stockard Channing, tandis qu’Ilya Salkind préférait Margot Kidder. Ils leur firent repasser des auditons et finalement tombèrent d’accords sur Margot Kidder. Channing était excellente, mais ils jugeaient qu’elle avait une trop forte présence, qu’elle éclipserait Clark. Kidder fut donc choisie et on lui demanda de venir à Londres. D’ailleurs l’actrice admet qu’elle n’avait aucune idée de l’importance de ce projet, car elle avait grandi sans comics.

Christopher Reeve, l’élu

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Christopher Reeve

Tard à Londres, Donner et Mankiewicz faisaient le tour des portraits qui avaient été donné par les agences de casting. Donner fumait (encore) un joint et Mankiewicz buvait un Jack Daniels. La situation n’était pas glorieuse. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas avec les acteurs. Donner tomba sur le profil d’un certain Christopher Reeve. Un acteur venu de Julliard (camarade et ami de Robin Williams, une petite photo !) de 1 mètre 93. Le jeune homme de 25 ans avait déjà été fortement suggéré par le directeur de casting Lynn Stalmaster. Mais ils pensèrent tous qu’il était trop mince pour le rôle et son comportement lors d’une discussion à New York avait convaincue Donner que le jeune homme ne pouvait incarner le rôle.

Cependant, Salkind était impressionné par le pedigree de l’acteur qui avait pu jouer face à Katharine Hepburn. Donner et les producteurs décidèrent de donner un test à l’acteur. Cependant, Reeve jouait en ce moment à Broadway avec Jeff Daniels, lorsque Donner lui téléphona et lui dit : « Le week-end prochain c’est ton jour de chance. Samedi, tu passes des test pour jouer Superman« . Mais Reeve n’était pas convaincu il avait des pièces de prévues et il n’avait pas de doublure. Alors, Donner et Salkind achetèrent toutes les places du théâtre pour le week-end.

Reeve partit pour Londres et passa des tests habillé du costume, fait à la va vite, de Superman. Pour cette audition Donner a utilisé séquence en six pages qui voit Lois interviewer Superman. Cette scène servirait à jauger la présence de l’acteur dans le rôle de Superman, mais aussi son alchimie avec l’actrice incarnant Lois. Et malgré que le costume ne lui allait pas et qu’il faisait extrêmement transpirer Reeve et que les cheveux châtains de ce dernier étaient loin du noir de jais de Superman, ce n’était pas important. Lorsque que Reeve sauta sur le balcon et fit « Good evening, Miss Lane » Donner, Mankiewicz, et le cameraman Geoffrey Unsworth échangèrent des regards. Ils tenaient leur Superman. Il avait déjà développé ses propres tics, comme le fait que lorsqu’il incarnait Clark il se recroquevillait pour perdre cinq centimètres. Il fut indemnisé pour son audition et envoyé dans une limousine. Une expérience inédite pour le jeune acteur de théâtre. Et lorsque qu’il monta dans la voiture le chauffeur se tourna vers lui et lui fit : « Je ne suis pas supposer te le dire, mais tu as le rôle.« 

Les Salkind annoncèrent la découverte de Reeve en février lors d’une conférence de presse à New York. Le jeune homme avait signé pour un salaire de 250 000 dollars, sans pourcentage sur les recettes du film.

Le début de l’entrainement

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Christopher Reeve à l’entrainement

Quelques temps plus tôt un certain bodybuilder anglais David Prowse fit du lobbying pour le rôle de Superman. Mais comme pour Arnold Scharzeneger l’anglais ne convenait pas pour le rôle. Néanmoins le nom pourrait vous évoquer quelque-chose, car David Prowse est la personne qui incarne physiquement Dark Vador dans les Star Wars. Donner demanda donc au bodybuilder s’il voulait aider Reeve à prendre du poids. Ce qu’il accepta et Reeve eut donc droit à six semaines d’entrainement composé de musculation, de steak et de lait en masse. Le résultat fut satisfaisant et il n’eut donc pas besoin de rembourrage. Cependant, alors que le tournage approchait Reeve avait une peur qui l’occupait. Il craignait que Superman fasse de lui une star, tout en détruisant sa carrière. On en revient à cette crainte déjà mentionnée. Reeve demanda donc à Mankiewicz de l’introduire à Sean Connery, ancien James Bond. Celui-ci n’était pas intéressé et ne le rencontra donc pas. Cependant les deux se retrouvèrent ensemble à une même soirée. Connery lui donna donc ce conseil :

« Très bien, écoute. Si c’est Mankiewicz qui a écrit ça, ce n’est pas très bon. Deuxièmement si c’est un carton, fait quelque chose de complètement différent pour ton film suivant. Et si ce film est un carton trouve toi le meilleur avocat et agent du monde et accroche toi à eux. C’est mon conseil. »

Ce que Reeve ne manquera pas de faire.

Les costumiers ont développé plusieurs sets de costumes. Ce qui est une convention aujourd’hui. Des costumes faits pour les scènes de vol, d’autres pour les scènes de courses et d’autres tout simplement pour les scènes où Superman doit sembler iconique. Et c’est la même chose pour la cape.

Reeve avait toujours un peu de mal à jouer correctement Superman et Clark, comme nous l’explique Mankiewicz :

“Il était un meilleur Clark Kent que Superman. Cela semble simple, mais un jour il m’a dit ‘je deviens schizophrène avec  Kent et Superman’. je lui ait dit : ‘C’est simple, Chris. Tu es Superman. Tu joues Clark Kent’. Et dès qu’il a vraiment saisi ça il commença tout ces petits gestes à la Cary Grant, coincer son manteau dans les portes et faire des choses vraiment extraordinaires.”

Donc Clark était avachi et bafouillait constamment. Comportement qui était encore plus agavé face à Lois. Tandis que tout ça disparaissait avec Superman, qui gagnait une grande noblesse. Tout ça est parfaitement visible dans cette vidéo et rend cette performance d’autant plus saisissante. La preuve que quoi qu’on en dise Reeve reste un Superman inégalé.

Le tournage

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Pierre Spengler, Marlon Brando, Richard Donner

La préproduction avait coûté plus de 7 millions de dollars, tandis que les Salkind juraient aux investisseurs que les deux films ne coûteraient pas plus de 20 millions de dollars.

Mankiewicz n’avait pas quitté les plateaux, au contraire, pour Donner le scénariste assurait le rôle de producteur. Il avait été présent lors des castings, il évaluait les designs des plateaux. Le fait est que pour Donner les Salkind n’étaient pas des vrais producteurs. Ils étaient des hommes d’affaire qui étaient très peu utiles en terme de créativité artistique. Et les deux hommes étaient très préoccupés par l’argent. En effet, les 20 millions de dollars pour les deux films s’étaient maintenant transformé en 50 millions pour un seul film.

Les deux avaient la pression et ils n’avaient pas prévu une chose : Donner était particulièrement consciencieux. Pour une scène le réalisateur était même allé jusqu’à attendre des heures pour que le soleil brille assez. Le film tenait vraiment à cœur au réalisateur et il ne voulait pas faire n’importe quoi.

Le début des problèmes entre Donner et les Salkind

Très vite les relations entre Donner et les Salkind se détériorèrent. « Tu es en retard sur le planning. Tu es au dessus du budget. » fit un jour Ilya. « Montre moi un putain de budget. » répondit Donner. Le problème c’est qu’ils ne le pouvaient pas, ce montant n’était jamais fixé et était en perpétuelle fluctuation. Le père exaspéré fit : « C’est quoi le vrai problème de ce film ? »  » Le vrai problème avec ce film, Alex, c’est que tu es un connard » répondit Donner.

L’ambiance était plus que mauvaise et très vite les Salkind essayèrent de virer Donner du film, mais légalement, ils ne pouvaient pas. Alors les deux parties ne se parlèrent tout simplement plus. C’est donc le producteur Pierre Spengler qui devint la liaison entre les deux. Cependant, celui-ci ne trouvait pas non plus grâce aux yeux de Donner. La situation était tellement mauvaise que les techniciens refusaient d’être payé par autre chose que du cash, car ils avaient déjà travaillé avec les Salkind.

Brando arriva sur le tournage avec un jour de retard simplement pour éviter d’avoir à subir la rencontre des cadres de Warner. L’acteur ne voulait pas apprendre ses dialogues, prétextant qu’il préférait la spontanéité. Donc ses dialogues étaient écrits un peu partout sur le plateau. L’acteur ne devait rester que deux semaines sur le tournage, mais celui-ci commença à tomber malade et la panique augmenta d’autant plus pour la production. Si l’acteur devait rester à Londres ils devraient encore dépenser plus d’argent, cependant Brando grand prince paya lui même pour son séjour à Londres. Il faut dire qu’avec quasiment 4 millions de salaires, il avait de quoi.

Et une attaque au couteau pour la table 8 ! Une !

Histoire de prod #2 : Superman 30
Tom Mankiewicz, Marlon Brando et Richard Donner

Un soir, alors que Brando, Donner et Mankiewicz mangeaient dans un restaurant (les trois semblaient vraiment bien s’entendre), Ilya Salkind les rejoint, les ayant trouvés d’une façon ou d’une autre. Mais il n’était pas seul. Il était accompagné de sa mère, Berta Domínguez. Celle-ci cherchait toujours à devenir scénariste et elle avait envoyé, à Mankiewicz, beaucoup de pages de réécritures du film. Cependant le scénariste les avait toutes refusées d’office.

Après quelques verres, elle fit : “M. Mankiewicz, je vous envoie des pages de scénarios tout le temps et jamais vous ne les mentionnez. Je ne les vois pas dans le scénario. » Le scénariste cita, poliment  des problèmes de temps. Et là Berta annonça à voix haute le salaire du scénariste et fit : « Vous devriez vous mettre à genoux et remercier mon mari pour vous avoir engagé ». Mankiewicz qui perdait patience la rembarra et celle-ci attrapa un couteau et s’élança vers Mankiewicz. Mais Brando l’attrapa et la renvoya sur son siège, tout en lui demandant si elle allait bien se tenir maintenant.

Après cet épisode Makiewicz exigea que la femme du père Salkind ne s’approche plus de lui.

Les plateaux de Pinewood

Histoire de prod #2 : Superman 31
Studios Pinewood, Londres

C’est en juin 1977 que la production arriva sur les plateaux de Pinewood. D’ailleurs les Salkind firent savoir que tous les techniciens n’étaient plus désirés, car Pinewood avait déjà ses propres techniciens. Ceux-ci se retrouvèrent au chômage. Pendant ce temps-là la situation entre Donner et les Salkind ne s’améliorait pas. Ilya se dit que s’il ne pouvait pas virer Donner il devait embaucher un deuxième réalisateur qui serait plus proche de leur volonté. Et ils pensèrent d’office à Richard Lester.

Salkind pensait que la présence d’un deuxième réalisateur heurterait la fierté de Donner et qu’il finirait par démissionner. De plus les Salkind devaient toujours de l’argent au réalisateur pour son travail sur les Trois Mousquetaires. Car même après avoir gagné un procès celui-ci ne mena à rien, à cause d’une obscure histoire de société au Liechtenstein. Les Salkind payeraient donc enfin Lester s’il venait travailler sur Superman. Celui-ci accepta.

Un jour durant le mois de juin Ilya arriva donc sur le plateau accompagné de Richard Lester et là les rumeurs allèrent de plus belles et le départ de Donner était déjà prophétisé. Cependant il n’en fut rien. Lester fit comprendre à Donner qu’il voulait juste être payé son du et qu’il ne ferait rien pour saper l’autorité de Donner. Celui-ci le prit très bien et Lester prit le contrôle de la deuxième unité de tournage. Et il s’avéra que les deux réalisateurs travaillaient très bien ensemble et la production avançait sereinement.

Direction New York

Histoire de prod #2 : Superman 32
Superman

En juillet 77 la production partit pour New-York pour tourner les extérieurs du Daily Planet. A ce moment-là l’un des pires black-out de l’histoire de la ville arriva et menaça de coûter très cher aux Salkind. Cinq ou six fois ce qu’ils avaient prévu au départ pour le tournage à New-York.

En août le tournage déposa ses valises au Canada pour les scènes autour de la jeunesse de Clark à Smallville. C’est l’ acteur Jeff East qui avait été choisi pour incarner le jeune Clark Kent, mais Donner ne sera pas convaincu par sa prestation vocale et le fera redoubler par Reeve plus tard. C’est durant ce tournage aussi que des fans  ont eu la chance de faire de la figuration dans le film grâce à un concours organisé par DC. Il s’agit des sportifs que Clark et Lana croisent.

C’est après ça que la production décida de laisser de côté la production du second opus, sur lequel Donner planchait encore pour se concentrer sur le premier film. Et le tournage reprit à Pinewood fin septembre pour huit semaines. Durant un break en novembre, Donner se posait beaucoup de question concernant l’état de la production par Warner. Le cinéaste leur expliqua ses mésententes avec les Salkind et en décembre lorsque Donner revint sur les plateaux il était accompagné d’un représentant de la Warner, Charlie Greenlaw, qui devait s’assurer de l’état de la production et de la qualité du produit final.

En effet le studio misait gros sur Superman et ils voyaient le film comme un moyen pour eux de vraiment rentrer dans la cour des grands. Et d’ailleurs, si jamais le studio avait pu reprendre le projet des mains à des Salkind à qui l’argent faisait défaut, ils ne s’en seraient sans doute pas privé.

Le tournage des phases de vol

Histoire de prod #2 : Superman 33
Tournage des scènes de vol

A Pinewood le tournage continuait et c’était au tour des phases de vol. De large proportion de déodorant, ainsi que des couches de tissus était utilisées pour palier au problème de transpiration du pauvre Reeve qui restait des heures perché en l’air. Quoi-qu’il en soi l’acteur, au grand plaisir de Donner, avait réussi au fil du temps à adopter une gestuelle bien spécifique pour les phases de vol. L’acteur insistait en plus pour réaliser lui-même toute les scènes de vol. Alors même que les conditions de sécurité était déplorables et que sa doublure était tombée de ces mêmes harnais.

D’ailleurs au début du tournage ils n’avaient même pas installé de matelas en dessous les harnais. Cela voulait dire que si on devait tomber du haut de ces 12 mètres on tombait sur du bitume. Il aura fallut que Jack O’Halloran, qui incarne le Kryptonien Non, leur dise d’installer ces matelas pour qu’ils le fassent. Le tournage souffris tout de même malheureusement d’une victime, lorsque qu’un technicien, Terry Hill, mourut après que l’aile d’une réplique d’un Air Force One se soit détachée.

Un retard inéluctable

Un nouveau problème arriva en janvier 1978. Cela faisait huit mois qu’ils tournaient et l’état du film était encore très loin d’être convenable. Entre les effets spéciaux, le perfectionnisme de Donner et le tournage d’environ 40% de Superman 2, le film était loin d’être prêt. Ce qui voulait dire que leur date de sortie prévue pour l’été 1978 ne serait pas tenable. Ce qui était une tragédie pour les Salkind qui voulaient suivre l’exemple donné par les énormes succès de Les dents de la mer et Star Wars en sortant un film dans la période mai-aout. Mais ils conclurent avec la Warner qu’une sortie durant l’hiver pourrait aussi fonctionner.

La promotion du film avait déjà commencé durant la fin de l’année 1977 où la Warner avait placé un teaser du film avant les séances de la ressortie de Star Wars. Celui-ci ne contenait aucune réelles images du film, mais simplement un tour dans les nuages du point de vue de Superman, tandis que les noms du casting s’affichaient en grand à l’écran. Marlon Brando et Gene Hackman étaient bien entendu en tête. Et cela fonctionna.

Nouveau-Mexique

Histoire de prod #2 : Superman 34

Au printemps 78, Donner partit filmer la séquence du tremblement de terre au Nouveau-Mexique. Ces séquences devaient de base être filmées à Pinewood, mais Donner avait peur que le rendu soit cheap. Et la Warner était d’accord avec lui. Ils mirent donc l’argent nécessaire pour ce changement.

A l’origine, la mort de Lois n’était pas censée arriver durant le premier film. Superman devait se terminer avec Superman déviant le missile qui se dirigeait vers le Midwest et, en faisant ça, aurait détruit la prison de Zod et ses acolytes. Et c’est à la fin du second film que Superman sauvait Lois en remontant le temps. C’était d’ailleurs la chose la plus proche de l’esprit comics dans un film qui se voulait « réaliste ».

Cependant, Donner détestait ce cliffhanger et jugeait que l’idée d’une suite, si le premier film était un échec, ressemblerait plus à une menace qu’autre chose. Donner accepta donc la proposition de Lester de mettre la mort de Lois à la fin du premier film.

Enfin la fin du tournage

Histoire de prod #2 : Superman 35

La situation était maintenant périlleuse pour les Salkind. Ils étaient simplement ruinés. D’ailleurs, quelques mois plutôt un homme essaya de braquer leur service de comptabilité, mais repartit les mains vides, car les caisses l’étaient tout autant.

Arrivé à l’été 78, Donner fournit un cut de trois heures à la Warner et John Williams, le compositeur insistait pour avoir quelque chose de proche du résultat final avant de réaliser la bande son. Après les 20 millions qu’avait remporté la bande son de Star Wars, ses désirs étaient des ordres. Et pour le plaisir des oreilles :

Qui plus est malgré la longueur faramineuse de ce cut, la Warner était émerveillée par celui-ci. L’été fut alors dédié à terminer les effets spéciaux avec Christopher Reeve, qui quitta les plateaux de tournage en septembre 78. Il restait maintenant dix semaines à Donner pour le montage.

Le film était prévu pour le 10 décembre 1978. Le studio a partagé des visuels du film à la San Diego Comic Con, public qui incluait un jeune Tim Burton.

En novembre Warner Bros contacta Alex Salkind pour connaître l’état du montage. Celui-ci leur dit qu’il était prêt, mais que le studio devait lui donner 15 millions pour qu’il le fournisse. Les Salkind étaient endettés jusqu’au cou et c’était le dernier pari qu’il leur restait pour sortir la tête de l’eau. La date limite du 15 décembre approchait et les 508 cinémas que Warner avaient déjà réservés fit comprendre au studio qu’ils leurs intenteraient un procès si le film n’était pas là à temps. La Warner finit par accepter et paya, ce qui s’avéra être une action plus que juteuse pour eux au final.

La sortie du film

Histoire de prod #2 : Superman 36
Christopher Reeve et la reine Elizabeth II à la première de Londres

Le 13 décembre c’est l’avant première mondiale à Londres, ou l’on pourra voir Christopher Reeve croiser la reine d’Angleterre. Mais c’est à la première à Washington DC au Kennedy Center que les choses sérieuses eurent lieu. Les Salkind père et fils y étaient présents et paradaient fièrement. Mais alors que le jeune Salkind arrivait, un homme le prit à partie et lui déposa un dossier dans les mains, avant de lui dire « vous avez été mis en demeure ».

Mario Puzo avait porté plainte car selon lui sa part des profits était insuffisante et les producteurs exagéraient le dépassement de budget pour réduire sa part. Malgré ça Ilya Salkind décida de profiter de la soirée. Et c’est aidé par l’alcool que toute l’équipe mis ses tensions de côté et fêta ensemble leur grande réussite. Et même Donner et les Salkind s’entendirent. Comme quoi, rien de mieux que l’alcool pour apaiser une situation.

La valse des procès

Image Superman

Enfin pas vraiment, car après que les Salkind soient partis, Richard Donner commença à parler avec Army Archerd, journaliste chez Variety. Et il avait l’air tout à fait sobre lorsqu’il parla des Salkind et de Pierre Spengler. Il parla de leur incompétence et il confia qu’il ne travaillerait pas sur Superman 2 si Spengler était impliqué. Qui plus est, il voulait 100% de contrôle créatif. Après ça Spengler essaya de contacter le réalisateur par téléphone, mais il n’y répondit pas. Puis Donner porta à son tour plainte contre les Salkind pour exactement la même raison que Mario Puzo.

Mais il ne gagna pas son procès et au final, il dût payer les taxes des Etats-Unis, mais aussi du Royaume Unis sur son salaire de 1 million, ce qui lui rapporta en fin de compte moins que s’il avait tout simplement fait un téléfilm aux Etats-Unis. Qui plus est à cause de ses commentaires durant la première, les Salkind décidèrent que c’était le bon moment pour le renvoyer pour de bon.

Mais Donner était loin d’être le dernier à porter plainte contre les Salkind. Deux jours après la sortie du film ce fut Marlon Brando qui porta plainte pour 50 millions de dollars, affirmant qu’il n’avait pas reçut le pourcentage sur les chiffres du film promis. Et il alla jusqu’à demander que les producteurs ne puissent pas utiliser son image. Ce qui ne fut pas accepté. Mais au final il repartit avec 15 millions de dollars pour 15 minutes d’apparition à l’écran, un ratio somme toute satisfaisant.

Puis ce fut au tour de Margot Kidder d’affirmer qu’elle n’avait pas été correctement compensée. Et elle ira même jusqu’à appeler les Salkind des escrocs en interview. Si vous demandiez encore pourquoi l’actrice n’apparaît plus dans les suites… Enfin ce fut au tour de Christopher Reeve de porter plainte lui aussi. L’acteur avait signé un contrat pour tourner en simultané Superman 1 et 2, mais comme le tournage avait été interrompu, le film ne pouvait plus être considéré comme une seule entité. Il demanda donc un autre salaire pour filmer ce qu’il restait de Superman 2. Ce qu’il obtint, car remplacer son acteur principal en plein milieu d’un film, c’était un peu compliqué. Il empocha donc 500 000 dollars de plus.

Un immense succès à tous les niveaux

Histoire de prod #2 : Superman 37

Superman fut un immense succès. Que ce soit du côté des critiques qui globalement aimèrent vraiment le film. Robert Ebert, critique pour le Chicago Sun-Times écrivait :

« Superman est un vrai enchantement,  une MERVEILLEUSE combinaison de toutes ces choses à l’ancienne dont on ne se lasse jamais, d’aventure, de romance, de héros, de vilains, d’effets spéciaux extra-ordinaires et d’esprit. Reeve est parfaitement choisi pour le rôle. Un mauvais choix aurait gâché le film. »

Ou Gary Arnold du The Washington Post :

« malgré quelques écueils ça et là, cette superproduction s’avère être prodigieusement inventive et agréable, doublement béni par des ILLUSIONNISTES doués derrière là caméra et le brillant nouveau venu devant la caméra, Christopher Reeve, un jeune et beau acteur, assez doué pour RATIONALISER un super-héros de comics.  « 

Et même du côté des créateurs de Superman, Joe Shuster dit d’ailleurs qu’il était :

« ENCHANTÉ de voir Superman à l’écran. J’ai eu des frissons. Chris Reeve a la bonne touche d’humour. Il est vraiment Superman. »

Même si d’autres sont moins convaincu par le Luthor incarné par Gene Hackman, entre autres, comme  Charles Champlin du Los Angeles Times :

« Une vraie déception, » Champlin encense Reeve « en tant que sauveur du film » mais il appelle le vilain, joué par Hackman « le réel problème », « même avec une collection de perruques Gene Hackman n’est pas grotesque, drôle, ou menaçant et ce qu’il fait ici n’a rien de clair. »

Qui plus est le public fut plus que présent dans les salles de cinéma. Superman rapporta 7,465,343 $ pour son premier week-end aux Etats-Unis. Tandis qu’il finira sa carrière aux Etats-Unis à 134,218,018 $ et 166,000,000 $ à l’international. Donnant donc un total de 300,218,018 $ à l’international. Ce qui, en prenant en compte l’inflation, est environ l’équivalent d’un milliard de dollars. Le succès du film ne doit donc pas être minimisé c’était réellement un carton à tous les niveaux.

Qui plus est le film fut même nommé aux Oscars dans plusieurs catégories. Il fut nommé pour le meilleur montage son, pour le meilleur montage et pour l’oscar de la meilleure musique de film. Et il remporta l’oscar pour une contribution spéciale pour ses effets spéciaux.

Pas mal pour un super-héros en qui personne ne croyait.

Sources

  • Superman vs Hollywood
  • The Making of Superman The Movie
  • You Will Believe: The cinematic Saga of Superman
  • https://www.supermanhomepage.com/movies/movies.php?topic=interview-salkind
  • ‘Superman,’ The Inside Story: Director Richard Donner Remembers Meeting Stallone to Play the Lead, Working With Brando, and a Near-Fatal Knife Attack : https://www.hollywoodreporter.com/features/superman-inside-story-director-richard-879894
  • https://www.rogerebert.com/reviews/superman
  • https://www.boxofficemojo.com/release/rl4050814465/weekend/

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Claygan

Claygan

Amoureux de la culture sous à peu près toute ses formes. Grand fan de Green Arrow (et de crêpes), je suis tombé dans cet univers infernal que sont les comics il y a de cela maintenant plusieurs années, cela sans doute un peu grâce aux films. Vous pourrez me retrouver pour parler (ou râler) de DC en long, en large et en travers, dans les podcasts, ou dans mes articles.
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Haribosaki
Haribosaki
3 années il y a

Quel super boulot !!! J’ai dévoré l’article !!! Merci !

Christophe Robert
Christophe Robert
3 années il y a

J’ai adoré cet article, j’ose dire que j’ai versé ma larme en entendant la musique du thème de Superman qui est génialissime. Merci pour ses infos sur le meilleur des films sur Superman.

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