Review VF – Omega Men

En juin 2015, au milieu de l’initiative éditoriale DCYou (qui s’en rappelle ?) est sorti Omega Men #1, écrit par un nobody. La série de Tom King devient la pire vente de l’histoire de DC. Le reste est entré dans la légende. Après 7 numéros, elle est annulée par l’éditeur. Après un backlash incroyable organisé par un groupe de fans furieux (dont votre serviteur), DiDio et Lee reviennent sur leur décision. Omega Men est prolongé jusqu’au #12. Puis la série a trouvé son public une fois collectée en TPB, pour devenir un best-seller du New York Times. Profitant de l’engouement pour Tom King, Urban Comics sort enfin ce petit bijou dans nos contrées. Est-ce que l’ouvrage mérite sa (petite) légende ? Oh que oui ! 

Barnaby Bagenda art

Omega Men : un récit ambitieux et tortueux

L’entrée dans Omega Men n’est pas facile. Huit pages de gaufriers en plan fixe. Un homme attaché, masqué. Un autre qui fait un discours métaphysique, réminiscent de la philosophie aristotélicienne ou scolastique. Et là, le lecteur comprend. Il sait qu’il aura affaire à un récit particulier, avec des « héros » qui ressemblent peu à ce qu’il a l’habitude de voir dans les récits de super-héros. Puis le lecteur continue d’être ballotté à travers les chapitres sur les planètes du système Vega, qui révèlent chacune une ambiance particulière. Pendant tout ce temps règne cet esprit d’étrangeté, où l’on se sent perdu. Et il faudra attendre bien la moitié du récit pour pleinement réaliser où veulent en venir les auteurs… Mais une fois immergé dans cette atmosphère, on réalise que nous sommes face à un récit incroyable, dont une seule lecture ne suffit pas et dont on sort difficilement indemne.

La tâche de Tom King et Barnaby Bagenda est ambitieuse. Les auteurs réintroduisent l’équipe des Omega Men pour un lectorat sans doute peu habitué à ces personnages. Ils explorent les différents mondes de Vega, leur état d’esprit si particulier et leurs enjeux de pouvoirs. Et par-dessus tout ça, ils décrivent une grande fresque politico-économique, et nous parlent de la nature de la guerre. Pour offrir un point d’ancrage à cet univers, le lecteur reçoit Kyle Rayner, qui devient presque son avatar, son point d’identification. Comme le White Lantern, le lecteur est perdu dans cette histoire, ne parvient pas toujours à saisir le pourquoi du comment, ou la nature de ses ravisseurs. Il est enfermé dans les pages en 9-pannels, et ne parviendra à en sortir que petit à petit. Les luttes intérieures du héros sont les siennes. King fait là-dessus un travail incroyable, qui en déconcertera sans doute certains.

Kyle Rayner Omega Men

Essai sur la futilité

De l’aveu même de l’auteur, Omega Men forme un triptyque dans l’oeuvre de King, à mettre en parallèle avec Sheriff of Babylon et Vision chez Marvel. En soi, on pourrait se poser la question de ce qu’il y a en commun entre un récit cosmique sur des terroristes galactiques, une chronique noire réaliste et l’histoire d’un androïde qui rêve de vie de famille. Et pourtant, les trois touchent une thématique bien précise : l’impuissance et la futilité. Là encore, c’est Kyle qui est au coeur de cette désillusion. C’est un homme qui pense pouvoir régler un conflit et se heurte à un mur. Puis à un deuxième. Et à d’autres encore, avant de changer de combat, pour finir par réaliser l’inévitabilité d’un système. C’est le récit d’un combattant rempli de bonnes intentions, guidé par son sens moral, mais toujours rattrapé par le drame, à en perdre la foi.

Omega Men se dessine comme une fresque épique, avec quelques scènes d’actions magnifiques. Mais son fond, son coeur, est essentiellement marqué par la tragédie. L’histoire pose des questions difficiles sur la guerre, le terrorisme, l’utilité de la non-violence, l’instrumentalisation de la religion. Les deux camps qui s’opposent sont représentés dans toute leur ambivalence, comme des monstres remplis d’intentions louables. Le tyran, les terroristes, revendiquant tous l’usage de la violence légitime pour le bien commun. Le lecteur, à l’image du héros est pris entre ces deux feux. Il cherche un moyen de sortir la tête de l’eau. Il cherche une respiration, une troisième voie, une autre possibilité. Mais nous restons toujours des prisonniers derrière les barreaux de ces cases. Omega Men est un récit tragique, qui ne laisse pas indemne et rappelle les plus belles pages de certains comics  puissants de la première moitié des 70’s.

Barnaby Bagenda

Une mise en forme inspirée

Vous l’aurez compris, Omega Men est un récit torturé et légèrement dépressif, dont la beauté n’a d’égale que le sens tragique. Il gagne à être lu, relu de suite, puis lu une troisième fois à tête reposée après plusieurs mois. À chaque lecture, on redécouvre un peu plus profondément l’univers, l’oeuvre elle-même, et la richesse de ses thèmes. Et pour ça, on ne peut que remercier l’équipe créative. Tom King excelle. Il impose un rythme très particulier, parfois frustrant, mais au final toujours justifié. Il nous offre un comics sombre, mais jamais gratuit. Tout en maintenant un ton froid et distant, il parvient à nous balader à travers une ribambelle de sentiments contradictoires. Souvent mis au second plan derrière Mister Miracle, Omega Men n’a rien à envier à son petit frère en terme de qualité.

Barnaby Bagenda n’est pas Mitch Gerads, mais il fournit malgré tout un excellent travail, très élégant. Sa construction des pages est formidable et il utilise parfaitement le 9-panel grid cher à Tom King. Le plus important étant l’expressivité qu’il parvient à faire ressentir à travers les personnages, notamment parfois la froideur et l’absence d’émotions. Ses environnements sont toujours bien détaillés et participent à ce sentiment de découverte d’un petit pan de l’univers cosmique. Mais Bagenda n’est pas présent dans tous les chapitres. Lorsqu’il est remplacé, c’est au tour de Romulo Fajardo Jr. de maintenir l’unité et la continuité visuelle aux couleurs. Il fait un job brillant, notamment pour donner chair aux ambiances différenciées des planètes de Vega.

Review VF - Omega Men 18

Omega Men est une maxi-série inattendue. Aride lors de sa parution en single, elle gagne à être lue d’une traite en édition reliée comme ici. King et Bagenda offrent un spectacle cosmique rempli de tiraillements intimes et de questions politiques et métaphysiques.  Indispensable.

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myplasticbus

myplasticbus

Depuis son enfance, cet énergumène passionné se sent insatisfait de l’état du monde. Alors il s’est mis à écrire et dessiner ses propres univers, à raconter des histoires et à s’immerger dans des mondes parallèles. Un beau jour, il a découvert une bande-dessinée qui parlait d’un univers bizarre avec une particularité bien chelou : aucun super-héros, sinon dans les bandes-dessinées. Éternel curieux, il a voulu visiter cette terre inaccessible et étrange. Il s’est mis à chercher à maîtriser les lois des univers multiples, en découvrant qu’elles reposaient dans un bus en plastique caché au plus secret de son imagination. Désormais coincé dans cet univers bizarre, il prend toujours beaucoup de plaisir à explorer sa terre d’origine à travers des cases, des bulles et des dessins plus grands que la vie. Sinon, une fois, en 2003, il est resté coincé dans l’Hypertime.
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2 Commentaires
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nomalez
4 années il y a

Merci pour cette review. Lors de sa sortie en V.O. j’etais très intrigué par cette série et ravi qu’elle sorte en France. Je pensais que ça sortirait jamais ici mais le buzz autour de Tom King a changé la donne. Je vais me prendre ça prochainement. :-)

aswered
aswered
4 années il y a

Justement je suis en train de relire OmegaMen depuis lundi. C est vrai que l entrée en matière est un brin compliquée. Avec une deuxième lecture ça passe mieux. N´empêche le récit est passionnant dés le début. Le dessein de Bagenda, la mise en scène et tout le côté artistique sont fabuleux. Perso j´ai adoré.

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