Showcase #56 – Animal Man #20

Grant Morrison ? Cinq étoiles. Comment ça c’est un Showcase et on ne met pas d’étoiles pour les Showcase ? C’est Grant Morrison, quoi, on peut bien faire une exception !

En effet à l’occasion du 56e Showcase, on se penche sur un numéro d’Animal Man écrit par le grant Grand Morrison, à moins que ce soit l’inverse. C’est également le deuxième Showcase consécutif à être sous la bannière de Vertigo, juste après celui de Zeppeli sur un numéro de Lucifer. Soit c’est une coïncidence, soit c’est le début d’une invasion de Vertigo, label pour lequel la gouroute (ça se dit ?) des Showcases, notre respectée Harley Huntress, a un faible certain.

Il y a un peu de ruse aussi avec cet Animal Man puisqu’il a été publié dans l’écurie régulière de DC avant d’être rapatriée sous l’égide de Vertigo lors de ses réimpressions en volume collecté. Une manière peut-être d’honorer l’intelligence de ce run fantastique qui marqua les débuts de Grant Morrison, un run chargé en surprises franchement inattendues. À cause de celles-ci, si vous n’avez pas encore lu ce run et que vous comptez le faire, pourquoi pas à travers une série rumorisée par Urban à de nombreuses reprises, mieux vous arrêtez ici car ce numéro renferme un moment fort du run qu’il serait dommage de spoiler. Vous voilà avertis et j’espère que votre chaise a tenu le coup ! (Car oui, un homme averti en vaut deux !)

Ce numéro se penche sur les conséquences – gros spoil à venir dernier avertissement 3… 2… 1… – du meurtre de la famille de Buddy Baker. C’est là tout le propos de ce numéro : montrer l’état de Buddy Baker après la mort de toute sa famille. Grant Morrison l’exécute de manière particulièrement convaincante, soulignant le sentiment d’incompréhension profonde qui le saisit  face à cette ‘injustice’. Le malheureux plonge dans un état apathique, perd goût à la vie, ne veut plus se nourrir. Il ne comprend pas. Autrement dit, il a une réaction particulièrement humaine face à cette disparition, qui contraste avec la pathos qu’on rencontre habituellement dans les comics traitant de la mort de personnages.

Comme dans tout son run, Grant Morrison joue en fait ici avec les codes du comics en mettant en scène cette mort. Par exemple le numéro s’ouvre sur une scène où Buddy Baker croit se rendre compte que le drame n’était en fait qu’un rêve. On rassure ainsi le lecteur : « On t’a bien eu hein ? En fait, la famille de Buddy n’est pas morte ! » Une technique allégrement utilisée, pour toutes les morts qui se révèlent bien souvent, au final, des ‘fausses’ morts, en réalité des voyages dans le temps ou que sais-je encore. Sauf que la vision se révèle être un rêve, et sa famille est bel et bien morte. Troisième surprise pour le lecteur qui passe de l’horreur, au réconfort, puis au retour à l’horreur. Et le plus amusant – encore un spoil à venir – c’est que Grant Morrison finira bel et bien par rendre à Buddy Baker sa famille à la fin de son run, dans un étrange accès de compassion envers un personnage de fiction !

Outre le traitement de cette mort dramatique, Grant Morrison prépare des événements à venir, comme il le fait en fait depuis quasiment le début de son run, progressant lentement vers une des fins de run les plus mémorables que j’ai eu la chance de lire. On opère ainsi un bref séjour dans la cellule du Psycho-Pirate, qui répète nerveusement que « ils » (mais qui sont-« ils » ?) vont venir, qu’ils vont tous venir… Tant de mystère ! Au-delà de son jeu très habile avec les limites de la fiction, le run de Grant Morrison sur Animal Man est également un modèle dans sa maîtrise des trames narratives où il installe souvent très tôt des éléments pour ne les utiliser que bien plus tard, donnant à son travail une unité saisissante.

Un numéro qui est extrait d’un des mes dix runs favoris, mais qui perd certainement de son impact pris individuellement !