Depuis son premier volume, Detective Comics a dressé son univers quelque peu à part et détient un Batverse complet. La notion de Bat-Family a retrouvé son sens, et James Tynion IV s’est empressé de la briser. Il joue désormais avec les morceaux et se focalise dans ce troisième tome sur le personnage de Cassandra Cain (aka Orphan).
Maman, j’ai arrêté d’assassiner les gens
L’histoire se concentre sur le personnage d’Orphan. Un personnage connu pour son silence. Contrairement à Kelly Puckett, James Tynion IV use de cartouches pour développer son histoire et les pensées de Cassandra. Il va essayer de donner au lecteur un moyen d’approcher le personnage, de mieux le comprendre, et le faire sortir d’une certaine manière de l’ombre qu’il occupe depuis toujours. Lorsqu’on connait un tant soit peu le personnage et ses récits passés, dont le titre scénarisé par Kelly Puckett, on apprend vite qu’il n’est pas nécessaire de multiplier ces cartouches pour rendre le personnage attachant, et lui conférer une prestance unique. Et même s’il s’agit d’un choix, James Tynion IV se repose bien trop sur le texte, au point de donner l’impression qu’il n’a pas réellement confiance en l’image qui l’accompagne. Ceci dit, les idées qu’il apporte pour le personnages, si on écarte ce petit défaut récurrent, sont pertinentes et usent de métaphores assez belles.
Bien plus important, James Tynion IV fonde son récit sur l’univers qu’il a construit dans une impression de cause à effet. Concrètement, l’ennemi sort un peu de nulle part et l’introduction aurait pu gagner en fluidité. Pour autant, James Tynion IV parvient à trouver une alternative tout aussi efficace pour lancer son arc orienté, une fois n’est pas coutume, action. L’histoire noue parfaitement avec les conséquences du premier arc, s’implantant dans le statut-quo.
« It’s a kind of magic »La construction du récit repose malheureusement sur l’illusion, pour cacher certaines incohérences pourtant flagrantes. Les éléments surviennent par magie, en tant que rebondissement, en guise de cliffhanger pour être plus facilement assimilés et acceptés par le lecteur. L’illusion opère donc et n’entache en rien la lecture. Mais si on vient à creuser légèrement ou si par mégarde on en vient à revenir sur sa lecture, l’histoire peut s’écrouler, à moins d’accepter. Cette illusion amène à un résultat, elle n’a pas pour unique but d’amener une situation pour ne rien en faire. Il s’agit d’apporter au titre une action massive et continue. Un domaine dans lequel James Tynion IV excelle depuis sa série régulière Talon (uniquement en VO). Ces situations extravagantes et surprenantes relèvent des combats de masse qu’on pourrait assimiler aux films The Raid, pour la dimension épique qui s’en échappe.
Et pour cela on peut saluer autant la gestion du scénario par James Tynion IV et les artistes optimisant les effets des affrontements. La partie graphique est assurée par une petite flopée d’artistes procurant un résultat rappelant Doug Mahnke sur Sous le masque rouge, ou évoquant les travaux de Eddy Barrows sur le premier arc, qui semble servir de base autant pour l’histoire que pour l’identité graphique du titre. On en déduit donc que c’est une certaine hétérogénéité qui ressort de l’album. Un fait ne dépendant cependant pas des artistes, mais des coloristes optant pour divers styles différents dans un même numéro. Ces variations sont donc répétées à plusieurs reprises. Si on réussit à passer outre, ces nombreux changements de styles pourraient bien en repousser/énerver plus d’un.
Ce troisième tome de Detective Comics présente une histoire intéressante de par sa focalisation et l’approfondissement classique dans son fond, mais efficace de par sa forme, du personnage d’Orphan. On est facilement entraîné par les talents d’illusionniste du scénariste, qui fera passer un bon moment à tout lecteur adepte de comics d’action de qualité – mais n’en attendez rien de plus.