Review TV – Preacher S02E01 « On The Road »

Après une première saison qui prenait la forme d’un long (parfois trop long) prologue pour mettre en place l’univers de Preacher, et qui restait autant agréable pour ses fulgurances que frustrante pour ses longueurs,  Jesse, Tulip et Cassidy reviennent enfin avec une saison 2 qui, à en croire les previews et autres trailers, promettait de s’inscrire bien plus frontalement dans la lignée de l’oeuvre de Garth Ennis et Steve Dillon. Un changement de ton bienvenu sur le papier (le road trip permettant de varier les environnements et l’action) qui se devait maintenant d’être à la hauteur des espoirs à l’écran. Un changement, néanmoins, qui n’est pas sans risques tant l’oeuvre originale publiée chez Vertigo dispose, encore aujourd’hui, d’une aura culte face à laquelle il peut être difficile d’exister. Alors réellement fidèle ou pas ? Dans la lignée de la première saison ou non ? Avec ce premier épisode, ces questions ne sont finalement pas les plus importantes tant l’adaptation (c’est bien ça le mot clé !) de Seth Rogen et Evan Goldberg se révèle scène après scène comme un pur divertissement devant lequel il vaut mieux s’installer confortablement pour en apprécier le spectacle d’un point de vu purement viscéral.

Viscéral, c’est justement le mot qui qualifie le mieux ces quarante-cinq minutes en compagnie du trio emblématique de Preacher. Ce premier épisode embrasse, en effet, d’entrée l’aspect road trip qui force le mouvement et pousse ses personnages vers l’avant avec un abandon salutaire.  Le tout commençant par une séquence d’action bourrée d’idées et qui pose les bases d’une saison qui s’annonce aussi gore que fun. Rassurez vous, cela ne fait pas pour autant de la série un divertissement décérébré. Le fait est que les créateurs ne se cachent absolument pas d’oeuvrer dans une série de genre qui se doit d’abord de fonctionner en surface, sans pousser lourdement les thématiques propres au comics de Garth Ennis. Ici, les liens avec la bande dessinée du nord-irlandais sont visibles et évidents et ce début de saison est clairement plus proche du titre dont il s’inspire (le Saint of Killers enfin en action, le teasing autour du passé familial de Jesse…) mais Rogen, Goldberg à la réalisation et Sam Catlin au scénario prennent soin de respecter le projet d’adaptation qu’ils ont mis en place lors de la saison précédente et évitent de faire de la série un bête copié/collé. Même si ce premier épisode s’offre donc au public sous l’angle du divertissement pur et dur, il semble déjà poser quelques bases qui pourraient être importantes au cours de cette saison. Les auteurs montrent, par exemple, à plusieurs reprises à quel point le pouvoir du Preacher peut s’avérer problématique d’un point de vue moral pour les gens qui en sont les victimes.

En recentrant les enjeux sur trois personnages à la recherche de Dieu, la série peut se permettre de prendre son temps en développant les interactions entre ceux-ci lors de quelques séquences sympathiques même dans les moments d’accalmie. Au choix vous pourrez apprécier un débat sur le lien entre circoncision et crème pour la peau ou encore avoir un aperçu des meilleures méthodes pour se débarrasser du goût des tripes et du sang en bouche. Malgré ces petites digressions, la saison 2 impose alors une vision bien plus précise sur ses enjeux et ressert donc habilement le propos en évitant, en tout cas dans cet épisode, les errements de la saison précédente. Avec le nouveau postulat de départ, les héros ne sont plus enfermés dans la petite ville d’Annville et peuvent enfin exprimer tout leur potentiel dans un récit qui semble décidé à aller de l’avant de façon implacable en se concentrant sur l’essentiel.

Malgré tout, et c’est presque contradictoire avec le paragraphe précédent et les aspects propres au road trip qui sont bien présents, cet épisode manque d’un réel sens d’urgence dans le déroulement de l’action. Certes, tout le beau monde impliqué dans le projet fait le boulot pour que l’on ne s’ennuie jamais mais le script ne parvient pas pleinement à faire ressentir le danger qui pèse sur les héros. C’est, hélas, justement quand la tension monte et que le suspense fonctionne enfin que les auteurs choisissent de terminer l’épisode avec un cliffhanger légèrement racoleur. Aussi, ce retour de Preacher donne l’impression de voir Rogen et sa troupe qui, bien conscients des défauts affichés par l’oeuvre précédemment, cherchent à faire une seconde bonne première impression. Evidemment le fait que des artistes choisissent de ne pas se reposer sur des acquis en faisant en sorte d’avancer n’est pas un défaut en soi. Cependant, le procédé laisse avec la sensation étrange d’une série qui n’a pas grand chose à tirer de sa première saison en termes purement narratifs

Seulement voilà, ces points négatifs sont vite balayés car Preacher est désormais plus drôle, toujours plein de personnalité et le contraste entre le ton parfois très léger et la violence graphique fonctionne sans venir sacrifier la mise en place des enjeux. De plus les acteurs semblent tous prendre leur pied. Dominic Cooper continue de donner de la profondeur au personnage de Jesse Custer sans réellement forcer le trait. Ruth Negga, elle, impose avec aisance son charisme électrique avec une économie de moyen de son jeu tandis que Joseph Gilgun cabotine toujours autant (voir plus) et c’est tant mieux. L’alchimie entre les trois acteurs principaux se ressent tout le temps, à tel point que les éléments de triangle amoureux (déjà présents dans le comics) font sens et qu’on leur pardonne quelques attitudes poseuses par moment.

La réussite de ce début de saison tient aussi dans son aspect visuel. Là où la précédente brillait surtout durant certaines scènes clés de ce côté-là, c’est ici sur toute la durée que les réalisateurs imposent un style visuel qui fait mouche, mais qui pourrait aussi diviser. En mettant en avant des choix esthétiques, parfois radicaux, avec des cadrages faisant référence à la série B voir même au cinéma Grindhouse, les metteurs en scène s’amusent et apportent un vrai sens du cool à l’oeuvre. Si rien n’apparait comme étant réellement unique et que des choix de réalisation ne sont là que pour fonctionner en surface, l’ensemble dispose d’un certain cachet à l’image. Au delà même de la mise en scène, c’est la photographie qui est pleine de maitrise et qui donne chair à cet univers. Que ce soit quand le soleil irradie les routes parcourues  par les héros ou avec le jeu sur les ombres dans les scènes de nuit, notamment durant les dernières minutes, la palette de couleurs et l’aspect visuel de la série au sens large est globalement captivant.

Ce début de seconde saison de Preacher laisse finalement avec l’impression que les créatifs à la tête de la série ont su comprendre ce qui faisait les qualités et les défauts de la première et sont parvenus à trouver le bon équilibre entre légèreté, violence, avancée de l’intrigue et caractérisation du trio de personnages principal pour créer une oeuvre qui a tout simplement de l’allure. Si cet épisode n’est pas parfait (mais qu’est-ce qui l’est ?), il se révèle quasiment comme le vrai début de l’adaptation du comics de Garth Ennis et Steve Dillon, tout en restant assez surprenant et en mettant en avant sa propre personnalité. Preacher s’impose donc comme une réussite dans le fond et surtout dans la forme. En somme, voilà un retour enthousiasmant. Reste maintenant à confirmer sur la durée.