Review TV – Gotham S02E18 « Pinewood »

« Azrael… » – Hugo Strange

• Gotham Saison 02 – Episode 18 – Titre : Pinewood

• Réalisé par : John Stephens – Écrit par : Robert Hull & Megan Bostyn-Brown – 18 avril 2016

A sa manière, Gotham continue de faire du chemin dans une certaine vision généraliste de l’imaginaire Batman à destination du public télévisuel. Il y aurait des heures de débat à prévoir pour peu qu’on effleure seulement le sujet des idées et choix proposés par la série jusqu’ici qui contredisent le mythe classique (ou la narration TV en général, après un bond entre la formule de freak of the week à celle de l’arc de long terme qui hésite encore sur des intrigues couplées à quelques épisodes), ce qu’on ne va pas faire aujourd’hui – parce que le temps manque, mais l’envie est grande, croyez-moi – et après aussi longtemps on s’attendrait à s’y habituer avec la passivité usuelle du type qui ne paye pas pour ce produit culturel qu’est la série TV, et parce que c’est encore plus simple de hausser les épaules tant qu’on y trouve la justification générale d’une heure perdue par semaine au lieu de faire autre chose.

Là-dessus, rien de spécial ne s’ajoute à la promesse de Gotham en tant que divertissement, elle a même tendance à régresser vers les problèmes récurrents de la première saison. D’abord, commençons par le meurtre des parents Wayne, un oubli du creux scénaristique qui a occupé les décideurs (y en a t il vraiment ?) du show pendant assez longtemps pour redevenir un enjeu novateur placé là pour dépoussiérer la présence forcée de Mazouz au casting – c’est loin d’être suffisant, et vu le pognon qu’il touche j’imagine que c’était trop demander que de lui payer un cours d’art dramatique entre la saison un et deux – mais, force est de le dire, ça avance de ce côté là et ce n’est pas nécessairement trop mal fichu.

Le personnage introduit cette semaine (appelons la « cliché griffu » pour plus de simplicité. Parce que « prothèse CG sans budget », ça reste hyper ampoulé) ramène un peu d’humanité à cette sous-intrigue devenue redondante au fil des mois, et ce pan d’intrigue là, à défaut d’être original, faut pas trop en demander tas de spectateurs exigeants, développe une certaine sincérité dans le paysage souvent clownesque d’une série où chacun essaye de jouer sans entrer vraiment dans une cohérence d’ensemble qui marcherait sur le principe chorale d’une vraie bonne série TV. De ce côté là, tout va bien, et non, personne ne fera de remarques sur sa patte folle, parce qu’on ne se moque pas des handicapés (en l’occurrence, je pense surtout au stagiaire qui a designé le machin).

De l’autre, on sent le raccord forcé d’une série qui a voulu évoluer trop vite pour répondre aux attentes de son public / de sa chaîne. La première saison était, malgré les incursions fréquentes de surnaturelle, un feuilleton policier typique agrémenté de figures mafieuses qui donnaient à l’ensemble, et au meurtre des parents Wayne en particulier, une dynamique de complot criminel pas inintéressant. Ici, dans l’explosion bariolée et souvent assez moche de criminels à pouvoirs, l’ajout de l’asile d’Arkham au premier plan particulièrement concerné, l’envie de balancer Thomas et Martha (« haha, il a dit Martha ») dans le coeur de ce bien étrange cyclone marche sans marcher, et j’ai peur que revoir la première saison risque à nouveau d’entacher la cohérence d’ensemble, puisqu’aucun set up ne mène vers cette résolution. Heureusement, j’ai personnellement pas super envie de revoir la première saison. Et vous non plus, j’espère. Pour vous. Parce que franchement, y a mieux à faire de son weekend.

En dehors de ce moment central, on retouche du regard Barbara, un personnage qui a tellement été ballotté entre différents niveaux de non-écriture que c’en est (à un certain moment, et celui qui me dira précisément de quand il s’agit gagne cette superbe tablette de milka au riz soufflé) devenu grotesque. La question est encore posée ici de ce que les scénaristes ont en tête avec le personnage – à la fois, ils seraient assez gonflés de la faire revenir dans la vie de Jim pour de bon, mais en même temps, la tuer maintenant serait un autre type de blague méta vu les dix occasions déjà données de le faire par le passé, et dans l’entre deux la normalité serait assez culottée aussi vu qu’elle a facile buté dix personnes depuis sa première apparition. Ce qui est moins que Jim, je vous l’accorde – mais ! Il a un insigne. Et ça fait toute la différence.

Bref, trêve d’humour bête et méchant, un résumé détaillé vous est proposé en direct : la caméra est pas mauvaise, ça manque d’effets, ça manque de style, les coiffures sont assez foirées dans l’ensemble mais on a l’habitude, Mr Freeze ressemble à un musicien d’electro expérimental suédois, Hugo Strange et sa pote sortent d’un cliché de savant fou de dessin animé Hanna-Barbera à l’époque où ça commençait à déconner, leur anorak est ridicule, j’aime qu’ils essayent de faire tenir ensemble Gordon, Alfred, Lucius et Bruce, Mr Freeze écoute du métal parce qu’il est vénère, pas un mot sur le Riddler, la fin est complètement bête, et Strange a tellement d’expériences cheloues sur son C.V. que c’est super bizarre que personne ne l’ai repéré avant. J’ai parlé de la fin ? Bien. Mais on va encore en parler.

Si vous ne l’avez pas vu, bouchez vous les oreilles (ça va pas servir à grand chose, mais j’ai envie de voir si vous faites ce que je dis), parce que je vais tout vous dire : oui, Theo Galavan revient, ressuscité non pas par un puis de Lazarre mais par la science (don’t question it), dans une énième pirouette scénaristique sans doute facile à justifier – Frankenstein a tué la diégèse mort/vie dans les oeuvres de fictions, maudite sois tu Mary Shelley – mais quand même très bizarre et voici pourquoi : d’abord parce que Theo Galavan a dit ce qu’il avait à dire en tant que vilain. Le lore de Batman est suffisamment riche pour se permettre d’embrayer sur des personnages plus intéressants qui feraient mieux usage de la métaphore « science = evil », ou d’offrir en fin de saison un genre de golem issu d’expériences à opposer aux héros.

Ensuite, parce que Galavan ne va pas juste revenir en tant que lui, mais assumer la posture d’Azrael, ce qui se tient à l’échelle de la série (c’est pas une très haute échelle. Plutôt un escabot un peu branlant pour attraper les trucs en haut de l’étagère de cuisine), mais reste lié à une iconographie profondément super-héroïque. Mr Freeze n’est pas un vilain costumé, son allure est justifié par le besoin d’avoir une combinaison frigorifique pour affronter le dehors. Et si jusqu’ici la série s’est plus ou moins bien essuyé les pompes sur l’idée « Batman inspire les vilains », mettre Azrael brise encore une fois le classicisme qui fait la richesse psychologique des personnages de sa rogue gallery, tous inspirés par un trait de sa personne, un acte ou un reflet de sa psyché. Ce qui fait qu’on sauve la forme, mais pas le fond, en plus de ressusciter un vilain anecdotique de mi-saison, quitte à jouer avec une des règles fondamentales de la suspension d’incrédulité.

Dans ce cas là, allez y, faites revenir tous les morts que vous aimez bien les gars (genre Fish Mooney ou Jerome, haha, mais t’imagines le bordel ?). Quitte à prendre ce chemin, autant ressusciter les parents Wayne, comme ça Bruce vit heureux toute sa vie et David Mazouz ne devient jamais Batman. Ce qui rendrait ce monde globalement hyper agréable à vivre, finalement.

Bref, en soi, Gotham fait toujours n’importe quoi de bas en haut, de haut en bas, tout en maintenant une couche de qualité supérieure à d’autres productions DC Comics du petit écran. Depuis des acteurs au CV un peu plus fourni à un ensemble mieux fini, léché et travaillé dans la forme indépendamment du reste. Ce reste là est de semaine en semaine dans un statut d’oscillation, comme si les vieux restes de Bruno Heller tremblaient à l’idée de scénariser enfin un bon épisode complet et définitif qui puisse enchaîner sur un autre puis un autre. Il en résulte une série qui va tantôt vers le mieux, tantôt vers le moins mieux – à moins que ce ne soit l’esprit malade d’un type qui a suivi cette série depuis la saison un qui s’habitude aux défauts constitutifs au point de ne plus les voir et perd donc grandement en esprit critique (heureusement, tu es là David, pour qu’on arrive à se souvenir). Pour conclure sur une note un peu plus brève, mettons que l’épisode est bon à l’échelle de la série, moins dans un ensemble plus englobant, et que rarement une série TV aura à ce point manqué de contrôle créatif ou artistique sur une si longue période.