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« We’re going to kill each other, aren’t we? » – Batman
- Scénario : Alan Moore – Dessin : Brian Bolland
- DC COMICS – Batman – The Killing Joke – Mars 1988 – 48 pages – 17.99$
Difficile d’entamer une critique de The Killing Joke. On a l’impression de se tenir sur les épaules de géants, où lesdits géants sont les dizaines de critiques plus avisées qui sont passées par le même chemin, le marquant de leurs esprits éclairés plus que leurs successeurs ne pourront jamais le faire. Je me permets dès lors d’annoncer au lecteur de ne pas trop attendre de cet humble avis qui s’ajoutera sans qu’on le remarque à l’immense héritage que ce one-shot d’anthologie a laissé derrière lui. Précisons également que l’œuvre qui fera l’objet de cette review n’est pas la réédition de 2008, dans laquelle Brian Bolland s’est permis de colorier lui-même ses dessins, tirant un trait sur le travail impressionnant qu’avait accompli John Higgins avant lui, mais bien l’édition originale de 1988.
Il pleut sur Gotham. Les faisceaux de deux phares transpercent les gouttes et l’obscurité, cherchant à atteindre l‘Asile d’Arkham. Le Chevalier Noir en sort, et sans rien dire, parcourt les couloirs de l’asile-prison, tout en parcourant trois pages sans piper mot, pour arriver dans la cellule de sa némésis : le Joker. « Je suis venu pour parler. Nous finirons par nous tuer l’un l’autre, n’est-ce pas? ». Mais erreur sur la personne, c’est un imposteur. Une fois encore, le Joker s’est évadé. Le lecteur suit ensuite deux histoires parallèles, d’un côté les machinations du Joker et les efforts de Batman pour y mettre fin, de l’autre la genèse du Joker, telle qu’Alan Moore l’imaginait. Son inspiration fut telle que sa version fut celle qui perdurera le plus à travers les années et fit autorité pour les origines de ce personnage. On l’y dépeint comme un comique raté, peinant à joindre les deux bouts. Lorsque la grossesse de sa femme arrive à terme, il se résigne à tomber dans la criminalité pour pouvoir offrir un avenir décent à son épouse et à sa progéniture. Décision hasardeuse, puisque le coup dans lequel il est entraîné tourne mal, l’arrivée de Batman couronnant ce qui restera comme son plus grand échec, et lui donnant rendez-vous non pas avec la mort, mais pire ! Avec sa destinée. ‘X’ est mort, vive le Joker.
Dans le présent, un autre drame s’annonce. Bruce Wayne tente de recoller les éléments du puzzle de l’évasion du Joker dans sa batcave, Jim Gordon tente de recoller des photos de l’homme-chauve-souris dans son album souvenir, tandis que sa tendre fille Barbara lui prépare un café. La porte sonne, c’est le Joker. Sans crier gare, il abat Barbara Gordon d’un coup de pistolet, et emmène le policier en direction de son parc d’attractions désaffecté. Là, le calvaire commence pour le déterminé commissaire. Sa raison sera mise à l’épreuve par l’affreux clown, qui le fera traverser, nu et enchaîné, un train fantôme obsédant. Sur son chariot de démence, Jim Gordon verra défiler des photographies de sa fille, nue et maculée de sang, laissant son hurlement se perdre dans des échos sans réponse. Batman arrivera-t-il à temps pour l’empêcher de sombrer dans la folie ? La réponse est connue de nombreux, compte tenu de la réputation de cet ouvrage.
L’atmosphère malsaine, oppressante et poisseuse suinte déjà entre la poignée de lignes de ce résumé, et ce n’est qu’un aperçu de la démence qui habite les pages de l’œuvre originale. Étonnamment reniées par le dessinateur Brian Bolland qui les décrit comme « pas assez sombres », les couleurs de John Higgins contribuent pourtant à renforcer ce sentiment. Le coloriste anglais évite en effet d’utiliser des tons habituels des années 80 du comic book, sans faire recours à des couleurs réalistes, mais privilégie des nuances de rouge, parfois de vert, souvent de jaune « pisse », pour un résultat nauséeux renforçant l’oppression dégagée par la scénario d’Alan Moore. Ce scénario impressionne de son côté par son classicisme terrible – hormis l’ambiance peut-être trop extrême -, classicisme doublé d’une efficacité inhabituelle. De nombreux éléments traditionnels d’une histoire-type de Batman s’y retrouvent effectivement : l’évasion d’Arkham, l’appel du Bat-signal, la tchatche avec Alfred dans la batcave où sont entreposés le tyrannosaure articulé et la pièce de Lincoln, etc. Moore s’applique à ne pas trahir la Chauve-souris, dans une démarche à l’opposé de ce que font des auteurs comme Grant Morrison qui s’approprient de manière beaucoup plus profonde le personnage lorsqu’ils doivent travailler dessus. Moore pousse toutefois à l’extrême la folie du Joker, qui, dans cette histoire, apparaît plus effrayant que jamais, sans manquer du comique qui le caractérise. De fait, le portrait du Joker du Killing Joke, malgré sa violence et son sadisme, est un des plus réussis de la grande némésis de Batman.
L’importance de The Killing Joke se traduit également par deux pierres fondamentales ajoutées à la mythologie de Batman. La première, c’est l’établissement quasi-définitif des origines officielles du Joker. Le débat fait cependant encore rage à ce sujet, nombreux soulignent en effet que ce n’est qu’une thèse d’origine, comme le laisserait sous-entendre la phrase du Joker : « If I’m going to have a past, I prefer it to be multiple choice ! Ha ha ha ! » Qui est traduit dans la première version française par : « Quitte à avoir un passé, autant qu’il soit multiple ! Ha ha ha !« . Fiction ou vérité, l’histoire du comique raté enfilant malgré lui le costume du Red Hood restera dans les annales et nombreuses seront les œuvres y faisant référence par la suite. L’autre grand changement dans la continuité du Chevalier Noir est le malheur qui arrive à Barbara Gordon. À cause de la malveillance du Joker, elle perdra définitivement l’usage de ses jambes. Grâce au respect voué à cet œuvre de la part des auteurs suivants, du moins jusqu’au reboot des New 52, cet handicap ne sera pas revu, et de l’héroïne Batgirl, Barbara Gordon deviendra la geekette Oracle, prêtant main forte à Batman depuis son ordinateur et son fauteuil roulant.
Pourquoi est-ce si génial? Pour la simple raison que d’un point de vue formel, The Killing Joke est un sans-faute. Il ne manque pas de personnalité, grâce à son atmosphère atroce ; il ne manque pas de rythme, Alan Moore utilise la double temporalité et dose les silences avec une maîtrise royale ; les personnages ne souffrent pas d’une mauvaise caractérisation, le Joker est cruel et drôle, Batman est silencieux et tourmenté, Gordon s’accroche à la justice jusqu’en dans les couloirs de l’Enfer. Son seul défaut, qui n’en est pas un, est de rejoindre Frank Miller dans une vision de Batman VRAIMENT plus adulte que celle proposée par les comics de l’époque. À titre indicatif, imaginez que le célèbre arc de A Death in the Family est sorti la même année. Comparez le ton général, les couleurs et le profil du Joker, le verdict est sans appel : c’est le jour (A Death in the Family) et la nuit (The Killing Joke).
Quitte à donner un avis peu nuancé, on peut considérer The Killing Joke comme LE comics ultime de Batman, avant les chefs-d’oeuvre de Frank Miller, puisque l’un est « seulement » une origin-story (Year One) et l’autre quasiment un else-world (The Dark Knight Returns). The Killing Joke a l’avantage de réunir des éléments classiques tout en se démarquant de la masse des publications Batman avec une marge à peine entamée en 25 ans d’histoire. Tel Midas qui change en or tout ce qu’il touche, Alan Moore a fait de sa seule intervention sur le Chevalier Noir la plus mémorable de la carrière de celui-ci. Dire de The Killing Joke qu’il est un indispensable ne lui rend même pas justice.
Il est vraiment excellent et j’attendais cette review.
Je conseil The Killing Joke à tout les fans de Batman et du Joker.
Il me le faut celui la !! J’espère qu’Urban va le sortir !!!!!!!!!!!
En anglais il est déjà très bon.
Je ne sais pas s’il va sortir en français, je ne pense pas en tout cas.
Panini l’avait sorti !
Oui mais bon je préfère qu’Urban ressorte une édition pour un neuf a un prix raisonnable ;)
Il doit bien y avoir 2 ou 3 éditeurs VF qui l’ont sortis entre Bethy, Delcourt et Panini. Un des albums les plus réédités en VF, c’est bien pour ça que Urban Comics ne le sort pas de suite.
Je sais mais je lis que de la VF moi :p
Je crois que je n’ai jamais vu le Joker si mal traité que dans A Death in the Family! (on peut mettre ça sur sa personalité changeante cela dit) Sinon Urban ressortez le je vous en prire, il faut absolument que je le lise!
Le Joker de A Death in the Family est différent, pas mauvais.
Enfin c’est sur qu’on est loin du chef d’oeuvre de KJ! Urban sera bien obligé de le ressortir un jour, tellement culte.
Oui en fait je trouve qu’il est traité comme un criminels lambda seulement intéréssé par l’argent etc…
(Mais je suis pas fan de A Death in the Family, ça m’énerve le fait de dire Terroriste et Arabes ensemble à chaque fois, même si ça reste un des plus grands moment de la vie de Batman et les dessins sont assez beau)
T’inquiète pas j’ai été déçu aussi, comme beaucoup ><'
Il a l’air tellement bien , je suis déçu que Urban ne l’éditera pas , enfin je crois mais j’ai un minuscule espoir car j’en serai tellement ravi
Ce qui est bien, c’est que vous n’êtes jamais avares en superlatifs…
Ce qui est bien, c’est que c’est toujours la même ironie dans ce genre de com’ <3
Ce qui est bien, c’est que nous disons juste ce que l’on pense et qu’on s’en tape carrément des « conventions » et de la fausse objectivité :)
C’est tout à votre honneur. Le seul danger étant que du coup, vous placez la barre très haut pour des gens qui ne l’ont jamais lu. Moi, c’est comme ça qu’on m’a vendu Killing Joke, et c’est dans cet esprit que je l’ai lu il y a quelques années. Du coup, j’étais très déçu, je trouvais ça un peu gratuit, je n’ai pas du tout accroché avec la backstory du Joker, et je trouvais que Batman faisait un peu potiche. Alors que l’ambiance et le dessin sont géniaux, et je pense que si on ne me l’avait justement pas vendu comme LE comics ultime de Batman, je serais peut-être un peu moins grognon à son sujet…. Il m’est arrivé la même chose avec TDKR de Miller, que je n’arriverais jamais à considérer comme un chef d’oeuvre (même si j’admet que c’est une oeuvre importante) à cause de ça. C’est peut-être l’une des vertus de la « fausse objectivité » que d’éviter ce genre de phénomènes…
En même temps, si The Killing Joke ne mérite pas ces superlatifs, quel comic le mérite? C’est une vraie question. Pour avoir lu un bon paquet de comics, dont une bonne partie de Batman, je ne vois pas.
Le truc, c’est que c’est typiquement un comic book dont on ne reconnait pas nécessairement le génie à la première lecture, sauf à en avoir lu des milliers en amont. Je parle d’expérience car moi-même quand j’ai lu Killing Joke la première fois, c’était clairement pas le cas. Désormais, quand je tombe sur un comic book révolutionnaire, j’arrive à le reconnaître assez vite mais à l’époque, non.
Effectivement, si on peut pas superlativiser Killing Joke, on peut le faire avec rien. Après je comprends le sentiment, quand on s’attend à quelque chose de trop exceptionnel on est vite déçu mais personnellement, je vais pas aller dire que j’ai trouvé moyen Killing Joke juste pour que les gens soient surpris en bien. Moi je sais que je suis facilement influençable par les critiques du coup j’essaie souvent de les lire après m’être fait mon avis. Pour revenir à Killing Joke, moi je l’avais vraiment trouvé incroyable, donc c’est peut-être pas ton avis, mais je pense pas que TheRiddler ait exagéré avec ces superlatifs parce qu’il les a sûrement pensé sincèrement en découvrant ce récit.
Culte.
Je sais que quand je l’ai lu, ça devait être ma 3e lecture Batman a peu près (après Arkham Asylum et TDKR) et ça ne m’avait pas marqué plus que ça (mais j’étais assez difficile lors de mes débuts en comics). Ce que j’avais surtout regretté c’est que c’était très court et après j’avais trouvé ça très classique (c’est juste le duel Batman-Joker et vu que des éléments de réflexions autour de ça sont repris dans le TDK de Nolan et l’Arkham Asylum de Morrison…).
Faudrait que je le relise pour me faire un vrai jugement dessus, maintenant que j’ai plus l’habitude des comics de slip et de Batman…
J’ai lu l’édition de Pannini avec la nouvelle colorisation que j’avais bien aimé, faudrait que je me lise cette version juste pour comparé. Sinon c’est bien l’oeuvre ultime de Batman dans la continuité à ne pas manquer.
Critique intéressante mais pourquoi la faire sur la vo? Je sais bien que la plupart des batfans récents ne connaissent que la parution Urban et les films de Nolan mais pour les fans de longue date (avant que le monde entier ne se découvre soudain une bat-passion), on a tous une édition française dans un recoin de notre bibliothèque.
Pour la petite histoire, Moore déteste The Killing Joke qu’il considère comme un récit raté. C’est d’ailleurs sa seule contribution, il me semble, au batverse.
De tout manières Moore, n’aime rien on le sait, j’ai beau adorer ses récits et reconnaître que c’est un génie des comics, je n’aime pas le personnage)
Il aime certaines choses comme les films indépendants qui ne sont pas des blockbusters.
Je pense qu’il est satisfait de certaines oeuvres comme la Ligue des Gentlemen sinon il ne lui donnerait pas de suite.
Je crois qu’il n’aime pas les grandes entreprises comme Marvel ou Dc parce qu’elles écrasent les productions indépendantes dont il considère la qualité du travail supérieur.
Effectivement le personnage est un peu du type caractériel ^^ Mais je le trouve néanmoins charismatique!
Pour moi, c’est assurément LE comic book Batman voire LE plus grand comic book, tout court.
La leçon sur la véritable nature de Batman, quelqu’un qui est en fait devenu fou suite à une mauvaise journée et le parallèle avec le Joker qu’on voit à l’origine tout aussi humain que Bruce enfant, sont deux coups de maître et des idées de génie.
Dans l’exécution, chaque case est parfaite et a sa place et son rôle.
En plus de ça, c’est visuellement merveilleux, avec une ambiance incroyable, et plus encore avec la colorisation d’origine,qui retranscrivait particulièrement bien par ses tons psychédéliques la folie centrale à l’histoire.
Ce titre est un must a avoir pour tout le sgfans de Batman !! j ai toujours ma version Panini, mais j espère qu Urban en sortira une nouvelle ^^ .
Personnellement, j’ai lu TKJ et j’en suis resté choqué. Pour moi, c’était la première fois que je voyais tant de violence dans un comic. Mais cette violence donne tout son effet au livre. Cette violence est a la fois dérangeante et attrayante.
Mais, je ne peux pas critiquer ce one shot. C’est court mais intense à plus en pouvoir.
Si on doit en comprendre une chose, c’est la folie du joker et l’origine d’Oracle.
Super review !
Je me demandais si l’édition d’Urban apporte réelement quelque chose en plus des autres ?