Les points positifs :
Les points négatifs :
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« Pourquoi est-ce-que tout le monde me déçoit à chaque fois ? » – Matthew Roth
- Scénario : Brian Wood – Dessins : Riccardo Burchielli, Brian Wood, Kristian Donaldson – Couleurs : Jeromy Cox – Rassemble DMZ #1-12
- Urban Comics – Vertigo Essentiels – DMZ Intégrale Tome 1 – 28 octobre 2016 – 312 pages – 28€
Après avoir réédité les aventures de Monsieur Jérusalem, journaliste auto-destructeur et avide de vérité, Urban s’attaque à ramener sur le devant de la scène les chef -d’œuvres ayant marqué le label Vertigo après les années 2000. Parmi ceux-ci, dans la logique continuité de Transmetropolitan, DMZ de Brian Wood. Prévu en 5 volumes, ce premier tome d’une nouvelle réédition au format intégrale (seul le premier tome de cette première édition a été traitée sur le site) réunit les douze premiers numéros de la série ainsi qu’une interview plus qu’intéressante de l’auteur qui contentera les fans hardcore.
A la suite d’une vague de terrorisme ayant touché Manhattan, n’arrivant pas à faire face à la menace revendiquée par un groupuscule autoproclamé « vrais américains », l’armée s’est progressivement retirée de l’ile. Devenue une DMZ (zone démilitarisée), un groupe de journalistes est envoyé sur place afin de démêler le vrai du faux, les rumeurs prétendant que le lieu est l’endroit le plus dangereux d’Amérique. Néanmoins, à peine le pied posé à terre, l’équipe de tournage est prise en embuscade et seul Mattew Roth arrive à en réchapper, aidé par la mystérieuse Zee (infirmière au caractère bien trempé), dont le design rappelle par moment celui de Tank Girl. L’attachement pour Matty est quasi immédiat permettant facilement au lecteur de se mettre à sa place et au travers de ses yeux de jeune journaliste en herbe être amené à découvrir cette zone apocalyptique à la fois sordide mais aussi poétique par moments, tel le zoo de central park. Néanmoins, même si ce premier tome reste pauvre en détails sur la vie de Matty, quelques détails parsèment intelligemment le récit afin de développer le personnage, telle sa relation plus que tendue avec son père et quasi inexistante avec sa mère ainsi que son attirance pour sa chargée de liaison qu’il a rencontrée pendant son adolescence. Espérons en apprendre plus, plus tard.
Le réalisme est le véritable point fort du titre de Vertigo. Outre le fait que le récit soit évidemment réminiscent des attentats du World Trade Center , l’auteur lui-même décrivant la DMZ comme « le 11 septembre au quotidien» , le manque de repère chronologique empêche le lecteur de situer l’action dans le temps, rendant les problématiques soulevées par l’histoire extrêmement actuelles autant à sa sortie en 2005 qu’aujourd’hui. De plus, même pour un français ne connaissant la ville de New York qu’à travers le prisme de photos ou de séries, il est facile de remarquer que Ricardo Burchielli, dont le dessin retranscrit à merveille l’identité et le style visuel des différents quartiers de Manhattan, donne encore une fois un aspect documentaire au récit. Mais DMZ ne saurait être aussi réaliste uniquement par la force des événements qu’il dépeint et la volonté du dessinateur de reproduire l’ambiance des modèles originaux.
En effet, Brian Wood livre ici une histoire dont le thème, plus que la politique en elle-même, est avant tout l’humain. En effet, à l’instar de ce que peut proposer un Kirkman dans The Walking Dead, la situation de crise dans laquelle les héros évoluent révèle le pire et le meilleur dans l’humanité. Ainsi, alors que Zee décide de se consacrer pleinement à aider son prochain alors que rien ne l’y oblige ou que certains s’attachent à préserver le zoo de Central Park pour la postérité, certains reviendront à leurs instincts les plus primaires. Le dernier numéro du tome fait la synthèse de toutes les qualités vantées ci-dessus . Entièrement scénarisé et dessiné par Brian Wood qui se contentait jusque là des couvertures,« New York Times » (#12) s’avère être un véritable magazine proche d’ un guide Michelin dans lequel chaque quartier visité dans le tome est présenté, que ce soit de par son niveau de dangerosité, ses bars ,les expositions culturelles à connaitre et même la vision des habitants sur leur lieu de vie.
DMZ s’inscrit dans une longue lignée de titres Vertigo politisés après Preacher et Transmetropolitan avec lequel il partage le thème journalistique. Néanmoins les deux titres se distinguent sur plusieurs points. En effet, alors que Warren Ellis s’attaquait plus aux hommes politiques, Brian Wood critique ici plus la politique américaine que les personnes qui l’incarnent. Le portrait des hommes de pouvoirs comme celui des opposants reste nuancé, la plupart étant réellement animés par leur conviction plus que le pouvoir lui-même. Ainsi, le lecteur, tout comme Matty, développe une véritable paranoïa. Il est véritablement compliqué à ce stade de l’histoire de déterminer qui a raison et qui a tort et plus encore, de déceler les bonnes et les mauvaises intentions grâce à une narration échappant au manichéisme généralement inhérent à ce type de récit.
De plus, contrairement aux œuvres politisées précédentes du label Vertigo et malgré une critique acerbe de la politique américaine (l’auteur ayant révélé en interview que l’origine de la guerre civile a pour base le rejet par une partie de la population de la politique de guerre préventive du gouvernement), DMZ transmet une vision positive de l’humanité. En effet, là où un Preacher dépeint les américains et l’humanité comme une bande d’attardés déviants –Trump spotted – et que Transmetropolitan voit celle-ci comme une espèce perdue en quête d’auto destruction, DMZ la présente comme un ensemble d’individus faits pour vivre en communauté, capables de s’en sortir et de s’adapter à n’importe quelle situation en s’entraidant.
DMZ s’impose avec ce premier tome comme un monument du Vertigo moderne, une histoire profondément marquante de par son réalisme collant malheureusement de trop près à notre monde. Néanmoins, dans ce chaos quasi post-apocalyptique, Brian Wood arrive à planter des personnages profondément humains qui, malgré le marasme dans lequel ils sont plongés, échappent à un manichéisme qui aurait été plus que facile. Tout en critiquant la politique américaine et le monde des médias, il transmet une vision plutôt positive de l’humanité. Ainsi, il est intéressant de se demander de quelle manière le récit va évoluer, ce tome ayant le réel avantage de se suffire à lui-même sans finir sur un cliffhanger ou sur une pirouette scénaristique.
Pour conclure, lisez des comics, lisez DMZ et surtout lisez du Vertigo !!!