Review VO – Wonder Woman : The True Amazon

Les points positifs : Une origin story sur Diana Une histoire émotionnellement marquante Visuellement époustouflant ! Les points négatifs : Certes, c’est encore une origin story On espère une suite !

« … and no one ever told her « no »

• Scénario : Jill Thompson  – Dessins, couverture : Jill Thompson

• DC Comics  – Wonder Woman : The True Amazon – 28 septembre 2016  – 140 pages – 22,99$

Alors que l’artiste Frank Cho se fendait d’un commentaire plus ou moins pertinent sur les origin stories il y a peu de temps, c’est pourtant bien à cet exercice que s’est livrée la redoutable Jill Thompson, primée plusieurs fois aux Eisner Awards, avec cet OGN (Original Graphic Novel) sur Wonder Woman. L’artiste et également scénariste sur ces 140 pages nous propose un récit véritablement sous forme de conte initiatique pour retracer les pas de la princesse Diana depuis sa plus tendre enfance jusqu’au moment de revêtir le costume de celle qui deviendra Wonder Woman. Un voyage absolument magnifique de bout en bout, et je vous explique pourquoi.

Il est vrai que cette année, les récits d’origines pour Wonder Woman, et en plus par de très grands noms, sont légions. Alors que Grant Morrison nous livrait Wonder Woman : Earth One et que Greg Rucka est en train de faire son Year One dans les pages du titre Rebirth, on pourrait se demander ce que pourrait bien avoir Jill Thompson à raconter pour se démarquer des autres. La réponse tient simplement. Le récit d’origines qui nous est proposé ne nous raconte pas vraiment les origines de Wonder Woman, mais bien de la personne sous le costume, Diana de Themyscira. De la même façon qu’on se lancerait dans une grande épopée à la Homère, le récit commence même par nous dépeindre l’arrivée des Amazones sur l’ïle paradisiaque, puis nous explique la naissance de Diana, son enfance, son adolescence, etc… On suit l’évolution du personnage année après année avec un énorme effort de caractérisation. Et c’est bien l’intérêt de la chose car c’est le caractère de Diana qui va conditionner le récit.

Oubliez Wonder Woman un tant soit peu et attardons nous à Diana. Alors qu’elle est la Princesse des Amazones, qu’elle est ce que sa mère, Hippolyta, a toujours voulu, et qu’elle est la seule enfant sur l’île de Themyscira, la façon dont elle est traitée vont pousser l’enfant à avoir un caractère bien différent de celui qu’on connaît. Tour à tour farceuse, chipie, mais aussi imbue d’elle même et égoïste, on serait presque dans le prototype parfait de la petite peste pourrie gâtée – ce qu’elle est un peu, en vérité. Mais ça ne lui enlève nullement ses autres qualités, en plus de ses pouvoirs prodigieux, telle que sa volonté d’aller vers les autres, de se battre pour sauver ses camarades, d’aspirer à un certain idéal. Mais ses motivations restent très égocentriques pour autant. Après nous avoir clairement expliqué la jeune femme que Diana est devenue suite à cette éducation (ou plutôt, son manque ?), un évènement va bouleverser la vie de la princesse pour toujours.

Point très intéressant d’ailleurs du titre en trompe-l’oeil, car The True Amazon n’est pas celle que vous pensez. Diana va faire une rencontre qui va la changer, par les évènements qu’elle va provoquer ensuite. Partant toujours d’une impression simple, on va basculer dans le conte vers un instant extrêmement dramatique et c’est ainsi que Thompson va pouvoir forger l’héroïne en devenir. L’idée véhiculée ici connue : on ne naît pas héroïne, on le devient. Malgré ses dons divins, Diana n’a pas toujours été une personne parfaite (certains pourraient dire qu’elle a encore ses failles, et c’est vrai), et c’est son expérience de vie qui l’a forgée. Le passage en lui-même est extrêmement poignant (notamment lorsque Diana doit rendre compte de ses actes, des passages dans lesquels sa sensibilité est très bien retranscrite) et risquera bien de vous émouvoir. Mais Thomspon ne base pas tout sur l’émotion et en appelle également aux responsabilités de chacun. Ici, la façon dont Diana revêt son costume d’Amazone est également pourvu d’un symbolique très forte et qui montre la logique de cette histoire toute entière. Sans faire quelque chose d’énormément original ou de compliqué, Jill Thompson apporte une touche unique à son histoire d’origines. Et la dernière phrase laisse à espérer à un second volume, ce que je suis prêt à militer grandement pour.

Car en plus d’avoir une histoire, simple donc, mais très bien racontée, il faudra avoir l’ouvrage en mains pour se rendre compte de la beauté du travail (que j’imagine titanesque) de Thompson. Les planches sont intégralement réalisées avec une mise en couleurs à la peinture et dès la première plage on est ébloui par le travail. Il n’y a pas un faux pas dans l’ensemble de ce graphic novel. Les personnages ont un charisme fou et leurs émotions prennent et accompagnent le lecteur à chaque moment, qu’il soit comique ou tragique. L’artiste n’a aucun mal à gérer sa mise en page pour les scènes d’action et propose à plusieurs de grandes compositions, sous forme presque de fresques, qu’on aurait envie d’accrocher dans son salon. Je me suis surpris plusieurs fois à stopper ma lecture et à scruter les dessins pendant quelques minutes pour apprécier la finesse du trait, et la beauté des peintures utilisées par Jill Thompson. C’est assurément un énorme atout pour une histoire qui, on peut se l’avouer, aurait sûrement moins de charme sans cette qualité artistique.

Wonder Woman est gâtée pour ses 75 ans et cet OGN est une nouvelle façon de le rappeler. Jill Thompson prend le pari de s’intéresser plus à Diana de Themyscira, cette jeune femme qui a un caractère bien différent de celui qu’on lui connaît, et qui va forger au fil de son expérience l’héroïne qu’elle sera amenée à devenir. Clairement une réussite, Wonder Woman : The True Amazon émerveille par la qualité des planches de Jill Thompson, et n’appelle qu’à un seul souhait : une suite. Allez, pour les 76 ans ?