[Review TV] Gotham – S01E01 « Pilot »

« Jim, you seem like a nice guy. But this isn’t a job or a city for nice guys. »- Harvey Bullock

• Gotham Saison 01 – Épisode : 1 – Titre : Pilot

• Réalisé par Danny Cannon – Écrit par Bruno Heller – 22 septembre 2014

Attendue depuis de nombreux mois, et subissant une promo tambours battants tellement forte que si vous n’étiez pas au courant qu’hier était diffusé le premier épisode de Gotham, c’est que vous êtes vraiment coupé du monde moderne, c’est avec une certaine appréhension que je me suis lancé dans cette nouvelle série de la FOX, censée nous narrer les débuts des personnages les plus emblématiques du Bat-verse, avant justement que Bruce Wayne n’endosse le costume du super-héros le plus célèbre de tous les temps. Gotham, c’est l’histoire du jeune inspecteur James Gordon qui n’officie dans la ville que depuis peu, c’est ses relations avec le reste de la police de Gotham City, avec ceux qui vont devenir ses plus grands malfrats. C’est de l’autre côté aussi l’histoire d’un certain Bruce Wayne, qu’il n’est plus vraiment nécessaire de présenter. Mais cette histoire, est-elle bien racontée ?

Difficile de réellement se positionner lorsqu’il s’agit de critiquer le pilote d’une nouvelle série adaptée d’un univers comics, sans prendre en compte le background de la personne qui va la regarder, et ses attentes. De mon côté, au vu du trailer qui avait été diffusé (je me suis épargné la centaine de spots tv par après), je dois avouer que la série m’a plutôt emballé. Forcément, parce que j’ai un côté fanboy du Bat-verse et que de voir une adaptation de cet univers, sur quel que support que ce soit, ça a quelque chose de très excitant. Et également par l’approche des personnages qui nous a été donnée. Certains y auront vu une façon de procéder à la limite de l’illogisme, si on considère que c’est Batman qui a attiré les super-vilains à Gotham, et que nous allions donc avoir droit à une sorte de NCIS simplement recentrée dans un autre univers. Je crois (encore) que ce ne sera pas le cas, même si le style policier est proprement présent. Mais n’allons pas trop vite. De façon peut-être surprenante, l’épisode commence par la présentation de la jeune Selina Kyle, dont on nous montre déjà les caractéristiques de l’alter-ego qu’elle deviendra plus tard : voleuse (mais c’est pour la bonne cause) et très agile sur les toits. L’occasion, dès les premières secondes, de voir un certain soin adressé aux décors en extérieur, qui retranscrivent une Gotham un brin moderne, mais avec quelques aspects plus vieillots, quelques tendances gothiques qui la rendent moins lisse que la dernière itération cinématographique que nous avions eu. J’ai particulièrement apprécié les travellings horizontaux qui surplombent la ville, qui font office de transition entre les scènes, et qui montrent une direction artistique qui, en tout cas personnellement, me plaît. Selina Kyle donc, va assister au meurtre le plus célèbre de l’histoire de Gotham. Et à ce niveau, j’ai eu du mal à être convaincu. Forcément, c’est une scène qu’on a lue, vue et revue des dizaines de fois, et un certain effet de redite ou de lassitude se fera entendre, notamment pour les grands connaisseurs de l’histoire. Surtout que le couple Wayne ne transpire pas de charisme (on arrive pas à avoir d’empathie pour Thomas Wayne), et certains plans sont également repris (notamment celui des perles qui tombent, qui pourtant me plaît parce ce que ça flatte le fanboy qui est en moi). De la même façon, la réaction du jeune Bruce Wayne ne semble pas tout à fait naturelle…

On passe ensuite à la rencontre de celui qui devrait être le véritable héros de la série, le jeune inspecteur James Gordon, qui nous est présenté dans une scène également très cliché, pour bien nous montrer que lui, c’est le bon flic, qui sait s’y prendre comme il faut, il est très fort, tout ça. Je ne reproche pas tant la direction choisie pour le personnage, qui est censé débarquer à Gotham, mais dont le père était l’un de ses plus célèbres procureurs – il débarque vraiment, du coup ? – (Gordon étant campé par un Ben McKenzie qui, hélas, souffre d’un léger syndrome d’expression monofaciale comme peut le connaître Stephen Amell) que le fait qu’il n’arrive pas, du moins au départ, à provoquer de sympathie – et encore moins lorsqu’on le voit avec sa jeune fiancée, qui a beau être fort jolie, n’en reste pas très intéressante. Pourtant, le personnage sait capter l’attention, et notamment à cause des personnages (plus ou moins) secondaires qui gravitent autour de lui. À commencer par Harvey Bullock (campé par un Donal Logue en pleine forme) qui crève l’écran et prend clairement la place du premier plan. C’est l’incarnation même du flic pourri (mais genre, vraiment), lâche, qui a compris comment le mauvais système fonctionne et s’y est adapté bon gré mal gré. Sa relation avec Gordon est à l’évidence houleuse et si par moments le côté « bon flic vs mauvais flic » est vraiment important, il y a ce qu’il reste de nuance chez Bullock pour que ça ne devienne pas complètement stéréotypé. On appréciera également de retrouver les flics Renée Montoya et Crispus Allen qui nous viennent tout droit de Gotham Central, et dont le rôle peut sembler mineur à l’heure actuelle, mais je parie que ça changera. Et puis, dans les relations que les personnages entretiennent, on peut déceler quelques pistes intéressantes. Du côté des vilains, Fish Mooney s’avère être une mafieuse redoutable, et ma foi charismatique, alors que je n’en attendais rien particulièrement. Mais c’est surtout le jeune Oswald Cobblepot qui m’a conquis, Robin Lord Taylor arrivant à jouer un homme clairement avide de pouvoir et qui offre une façon de s’exprimer particulière. En réalité, c’est l’évolution du personnage au fil du pilote qui est vraiment bien amenée. On pourra également noter un Edward Nygma placé là comme easter egg mais qui, physiquement, se révèle aussi intéressant, et d’autres personnages sont en revanche plus anecdotique.

Prenons par exemple Ivy Pepper, qui n’a pas vraiment de raison d’être là à par peut-être faire du fan-service. Et sur ce point là, il y a deux poids deux mesures. J’ai eu l’impression que les clins d’oeil et easter eggs étaient distribués au maximum, peut-être pour faire plaisir aux connaisseurs, mais parfois de façon vraiment peu subtile, juste pour donner des indices énormes pour également piquer les connaissances générales du grand public. Oui, parce que je pense que quiconque regardera la série connaît quand même, sans être un expert, les grandes figures du Bat-verse. Donc placer à plusieurs reprises la jeune Ivy Pepper près de plantes (déjà qu’on a modifié son nom pour que ce soit plus accessible), c’est pas malin. De même qu’appeler Oswald Cobblepot « Penguin » c’est pas malin, et je trouve ça dommage, le personnage aurait dû mériter ce surnom avec sa montée en puissance plutôt que d’en être affublé dès le départ (surtout qu’il n’y pas vraiment de raison à l’appeler comme ça, même physiquement). Alors que pour le même personnage, dans une scène, la démarche claudiquante qu’il adopte, et qui rappelle celle du pingouin, est tout autant appréciable, et bien plus subtile. De la même façon que pour Nygma, le simple fait de l’entendre s’exprimer en devinette suffirait à n’importe qui de voir de qui il s’agira. Mais non, il faut tout de même que quelqu’un lui dise « stop your riddles ! » (riddles, riddler, ho ho). En définitive, il y a du bon et du moins bon de ce côté là, et ce sera à chacun d’apprécier, en tant que fan ou non, comment ces différents clins d’oeil lui sont apportés.

Je reviens à présent sur le traitement de l’univers dans ce pilote. Si vous voulez quelque chose de très fidèle à la vision que vous vous faites du Bat-verse, via les comics notamment, laissez tomber. Gotham veut faire son propre univers, et à partir du moment que vous acceptez cette idée, ça devrait vous enlever bon nombre d’a-priori. Et ça peut donner des idées plutôt intéressantes. Comme le lien qui va unir les destins de Bullock et de Ivy Pepper ; comme la relation Gordon–Bruce Wayne qui adopte un certain ton dès le départ (une sorte de collaboration précoce) ; ou encore le fait que Selina Kyle soit présente auprès de Bruce dès le départ. À ce titre, j’aime bien le fait de la dépeindre plus comme une observatrice des évènements qui ont lieu, et j’aimerai bien que ça reste un peu comme cela, d’avoir une sorte de témoin plus que d’un acteur même des évènements de Gotham. Parce qu’on peut s’imaginer ce qu’on veut, mais c’est sûr que de voir les jeunes Bruce et Selina se conter fleurette, ça donne pas trop envie. On préfèrera que la série explore la relation entre le jeune Wayne et Alfred (qui semble ici moins « aimant » que d’habitude, un peu plus bourru), ou avec Gordon. Les scènes qui les unissent ne sont pas toutes réussies, mais ont le mérite de s’améliorer avec le temps. C’est d’ailleurs comme ça que je résumerais l’épisode : une intensité qui va crescendo. Clairement, la première moitié, qui faisait peut-être trop exposition d’un contexte que je ne connais que trop bien, m’a laissé de marbre. Mais au fur et à mesure que l’épisode se déroulait, j’ai pris de plus en plus de plaisir à suivre les personnages, à voir l’intrigue (assez classique, il faut bien l’avouer) se développer, et l’évolution qui en découle (avec, je le répète, mention spéciale pour Cobblepot qui est mon chouchou). Je finirais cette critique avec quelques petits mots plus sur la technique. Je disais en début d’article que les extérieurs de Gotham me plaisaient beaucoup. C’est un peu moins le cas pour certains décors intérieurs, qui font un peu trop kitsch à mon goût, comme le bar de Fish Mooney (qui bénéficie pourtant d’une belle photographie), ou le Manoir Wayne. La photo est plutôt plaisante et la réalisation pourrait par contre s’améliorer, notamment dans les scènes d’action qui démarrent parfois de façon abrupte, alors qu’elles ont également quelques chouettes idées de mise en scène (notamment lors de la course-poursuite en milieu d’épisode). On a donc quelque chose de convenable, mais qui peut encore être amélioré.

Le départ est-il réussi pour Gotham ? Plus ou moins. Ce pilote n’est évidemment pas exempt de défauts : certains acteurs n’inspirent pas grand chose, une réalisation et des décors qui pourraient être mieux travaillés, du fan-service un peu bâtard… Toutefois, il y a assez de points positifs pour contrebalancer tout ça, à commencer par Harvey Bullock et Cobblepot qui ont la chance d’être joués par de bons acteurs, une histoire qui gagne en intensité et parvient à accrocher le spectateur sur ses dernières minutes. De quoi nous donner envie de regarder la suite. C’est donc assez pour la chaîne, mais pas encore suffisant pour conquérir complètement mon coeur de fan. Comprenez donc que cette note que je lui mets tient vraiment de l’encouragement plus qu’autre chose (et puis, c’est aussi pour laisser un peu de marge si jamais la suite décolle vraiment). Allez, un petit effort ! 

Un avis supplémentaire c’est bien aussi !

Ce premier épisode commence vraiment vite, on est directement pris dans l’intrigue et il se passe beaucoup de choses. Les scènes sont toutes relativement courtes, mais le développement des protagonistes n’est pas bâclé pour autant, ce qui est plutôt positif. La galerie de personnages est déjà bien fournie pour un premier épisode et ils ont tous leur petite caractéristique qui permet de les replacer facilement. C’est vraiment sympa de voir tout ce beau monde, cependant il aurait peut-être été plus intéressant d’en garder certains en réserve à dévoiler aux prochains épisodes pour ne pas être submergés puisque certains n’apportent, pour l’instant, rien à l’intrigue si ce n’est une simple constatation « ah, c’est lui ! ». Un autre défaut qui, à mon sens, aurait rendu bien plus intense ce premier épisode est au niveau du choix de la musique. Elle souligne maladroitement les actions et n’est pas très originale, ce qui me pousse à me demander si quelques scènes n’auraient pas eu un impact plus fort sans ajout sonore. Heureusement, les scènes de dialogues sont épargnées par cette musique qui manque de finesse. Enfin, un bon point lorsque Jim et Barbara sont à l’appartement, dans lequel retentit un célèbre trio de Schubert qui a su ravir mes oreilles plus que la musique trop mouvementée et chaotique du reste de l’épisode. Le final m’a paru aussi un peu maladroit, une scène de violence en trop qui n’apporte rien de bien intéressant. Malgré tout, bilan plutôt positif, je me réjouis de voir ces personnages s’épanouir tout en espérant que les prochains épisodes s’affineront pour nous coller toujours plus à l’écran.

 – MadAsAHatter