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« Guess I always knew it would be just Ra’s and Batman at the end. » – Batman
- Scénario : Dennis O’Neil– Dessin : Neal Adams, Bob Brown, Irv Novick, Dick Giordano
- DC COMICS – Tales of the Demon – Février 1991 – 196 pages – 17.99$
Ra’s Al Ghul, un des plus fascinants vilains de Batman, occupe une place particulière dans la mythologie du Chevalier Noir. Ajout tardif (1971) par rapport aux dinosaures que sont le Joker, le Pingouin ou Double-Face, il a su malgré son jeune âge se tailler une place importante, ainsi qu’en témoigne son apparition dans le film Batman Begins de Christopher Nolan. Toujours au-delà de Gotham, il se distingue des psychopathes précédemment cités par l’ampleur de ses machinations, au milieu duquel Batman est au mieux synonyme d’imprévu ennuyeux, et souvent rien de plus qu’un simple pion. Malgré ça, Ra’s Al Ghul reste intimement lié au « Détective« , ainsi qu’il se plaît à l’appeler, par sa fille Talia, avec laquelle Batman entretient une liaison tumultueuse qui trouva son parachèvement dans la naissance de leur fils Damian Wayne, cinquième et dernier Robin en date. Quoi de mieux que les premières apparitions d’une personne pour se plonger dans son univers ?
Ce recueil contient en effet les premiers numéros qui ont montré le visage séculaire de Ra’s Al Ghul aux lecteurs de Batman. On observe comment la mythologie du personnage s’est construite peu à peu, démarrant par l’introduction de sa fille (!), puis de lui-même, soulignant d’emblée la tendresse qui unit Talia et Batman. Viennent plus tard encore les puits de Lazare, dans lesquels Ra’s a coutume de se plonger pour prolonger sa longue vie, lui permettant de traverser les siècles. Constamment sur les routes, Batman ne verra que peu Gotham au fil de cette saga, tant la Tête de Démon le ballotte en Inde, en Himalaya, en Suisse (rpz), en Louisiane, et ailleurs. Des bases secrètes sous-marines aux enfers de neige et de roches de la montagne, Dennis O’Neil apprécie les périples autour du monde et se garde bien de le cacher, faisant voir du pays au lecteur tout en donnant une plus-value à ses récits.
Selon les habitudes de l’époque, chaque numéro contient une histoire distincte. Ainsi, même si toutes celles renfermées dans ces pages sont liées par les efforts dont fait preuve Batman pour abattre Ra’s Al Ghul, Tales of the Demon est partagé en une multitude de petites intrigues qui misent chacune de leur côté sur leur lot de péripéties, de rebondissements et de révélations pour séduire le lecteur. Ce découpage donne un rythme au recueil qui étonnera les habitués à l’ère moderne. Deux pages dans un quartier, une page au manoir, deux pages dans un marais, … Les transitions sont rapides, fluides, et les numéros se concentrent largement sur les moments d’action, après une traditionnelle page d’introduction enrichie de phrases mémorables du narrateur comme « The dread Batman is no stranger to peril… for he has pitted his strength, courage, and intelligence against the deadliest of foes, the most ingenious of criminals… Yet no quest has ever taken him closer to death than is search for the DAUGHTER OF THE DEMON!!!!! » Le recul trahit un peu l’argument de vente mensonger qui se cache derrière cette accroche, puisque personne ne souhaite la mort du Chevalier Noir dans l’histoire en question, mais le charme reste opérant.
L’autre décalage avec les aventures modernes du Chevalier Noir réside dans la légèreté du ton, car si Dennis O’Neil a apporté un contraste sombre avec l’ambiance déjantée de la série des années ’60 (la quasi-absence de Robin et les nombreuses morts en témoignent), il ne tient pas la comparaison avec le Batman névrosé qui fait fureur depuis Frank Miller. Avant d’être les quêtes d’un ‘Chevalier Noir‘, il s’agit surtout d’un tas d’enquêtes menées par un super-détective, le surnom que Ra’s attribue à Batman le montre bien. Les auteurs s’amusent parfois à laisser des indices au lecteur, allant jusqu’à le titiller avec des injonctions du type « Did you catch the key to the mystery, as did the Batman ?« , suivies peu après de l’inénarrable séance de révélations où le détective éclaire tous les mystères, dans la veine d’Agatha Christie.
À travers ces remarques, ne voyons pas une critique négative des histoires de O’Neil, il s’agit davantage de souligner les différences qui séparent Tales of the Demon des incursions plus tardives de Ra’s Al Ghul. En découle avant tout un certain exotisme, synonyme de fraîcheur dans la masse de lectures tourmentées. Hélas le recul de plusieurs générations de scénaristes nous a également habitués à une exigence plus élevée, à une soif de profondeur et de symbolisme, autant d’éléments étrangers à l’ère de ces numéros qui en sont par conséquent exempts. Mais jugeons ce recueil avec son temps, alors la modernité du style de Neal Adams s’accentuera. Le relief qu’il donne aux visages et aux muscles, et la force des expressions de ses personnages sont vraiment remarquables. Hélas, les autres dessinateurs qui parsèment Tales of the Demon souffrent un peu de la comparaison, Neal Adams n’étant en effet présent que sur trois des dix numéros collectés. Et indépendamment du nom derrière le pinceau, les décors dégagement une lancinante impression de vide, à quelques somptueuses exceptions près, notamment en montagne. Quant à la colorisation, elle remplit son office de façon assez quelconque et sans grande personnalité, l’essentiel du relief étant à la charge du dessinateur elle se contente souvent de plages de couleur unie. Néanmoins, ajoutons aux planches de Neal Adams les lignes de dialogue mémorables ainsi que les personnages attachants de Dennis O’Neil, Ra’s Al Ghul en première ligne, et on obtient la crème de cette époque.
La noirceur de hier est la légèreté d’aujourd’hui, et si les histoires de Tales of the Demon recèlent une grandiloquence et un dramatisme savoureux, elles n’en ont pas moins pris un petit coup de vieux. Cette différence d’âge fera grincer des dents ceux qui attendent de Ra’s Al Ghul une ambiguïté et une profondeur qu’on ne retrouve d’ordinaire pas dans les récits mettant en scène d’autres vilains, puisqu’ici ses attributs ne sont qu’esquissés, mais se révélera un atout lorsqu’on songe à la variété des paysages arpentés, au rythme soutenu des numéros individuels, ou à la préférence pour le mouvement et l’action aux fioritures superflues.
Que de poésie TheRiddler dans le choix de tes mots. N’empêche que Ra’s Al Ghul est l’ennemi à l’hauteur de Batman, il est issu exactement comme un mythe, tout comme Batman d’une Légende.
Triste que la nouvelle sur le titre du film de Batman v Superman a pris toute la place lol Pourtant les fans de Batman ont quelque chose de très grand ici. Merci TheRiddler.
Décidément, après Death and the Maidens, Tales of the demon.
Ravi de voir que tu as apprécié. Et pour le fait qu’on y voyage beaucoup, ça me fait très clairement pensé au TPB Birth of the Demon qu’Urban va publier sous peu : d’ailleurs cette image parlera d’elle même (pour la partie Son of the Demon)
http://img3.wikia.nocookie.net/__cb20130425194639/marvel_dc/images/e/ef/Batman_Son_of_the_Demon_Wraparound.png
On pourrait croire à l’affiche d’un « nouveau » film James Bond de l’époque avec un périple autour du globe. Je me réjouis donc de découvrir la première apparition de Ra’s, merci pour la très bonne review