Review VF – Before Watchmen : Ozymandias

Les points positifs : Jae Lee Très bon trait d’union entre Before et Watchmen Plaisant à lire et à regarder Les points négatifs : Jae Lee ne plaît pas à tout le monde

« Contemplez mon oeuvre, ô puissants… »

• Scénario : Len Wein     Dessin : Jae Lee   June Chung

• DC DELUXE – Before Watchmen Ozymandias – 4 avril 2014 – 160pages – 15€

Déjà le cinquième tome librairie pour Before Watchmen. En lumière ce mois-ci, l’inquiétant Ozymandias ! Dès le départ, avec la présence de Jae Lee, ce titre faisait parti de mes plus grosses attentes, tant ce dessinateur, qui divise même au sein de DC Planet, me fascine. Et si les dessins sont à la hauteur de ce que j’attendais, le scénario l’est tout autant.

Adrian Veidt est un prodige intellectuel et physique qui a connu une ascension fulgurante en tant que self-made man de la finance. Traumatisé par la mort de sa compagne Miranda St John, terrassée par une overdose, il décida de revêtir un costume et un masque, prit le pseudonyme d’Ozymandias et nettoya les rues du crime organisé. (Contenu : Before Watchmen : Ozymandias #1-6)

Adrian Veidt est riche, intelligent, puissant, sournois et un poil narcissique. Il est sans doute l’homme qui se rapproche le plus de la définition d’un génie des temps modernes. Et peut-être même encore au-delà de ça. Chaque décision qu’il prend est mûrement réfléchie, sur long terme et avec toujours quatre ou cinq coups d’avance. Surtout, toutes ses décisions mènent à la réussite. Ce n’est pas pour rien si son deuxième prénom est Alexander, en hommage à Alexandre le Grand ! Adrian n’a qu’une ambition, marquer davantage le monde que ce dernier !

Et pour cela, il ne se destinait pas forcément au rôle de « super-héros », loin de là. Comme on peut s’en rendre compte lors toute la première partie du premier chapitre, où l’on découvre sa jeunesse et son ascension, uniquement de son fait, au sommet. Il aura fallu pour cela la mort d’une de ses proches les plus chères, Miranda St John. Pour « venger » sa mort, il va prendre le costume, le masque et le pseudonyme d’Ozymandias, le roi des rois ! Et lors de cette quête vengeresse, il va se découvrir un goût certain pour la justice super-héroïque. Non seulement une soif de justice face aux crimes actuels, mais aussi sur le passé comme avec la disparition du Juge Masqué.

Mais très vite, tout cela va s’effacer, pour ne laisser qu’une seule obsession dans l’esprit d’Adrian : le Docteur Manhattan ! S’il y a sans doute un brin de jalousie dans cette profonde et soudaine envie de se mesurer à l’autre esprit génial de l’univers Watchmen, c’est surtout qu’il n’a absolument pas confiance en cet être tellement puissant, trop puissant. Pour Adrian Veidt, il n’y a aucun doute, le Docteur Manhattan est un être dangereux, représentant une menace certaine pour le monde.

Et c’est là que le travail de Len Wein est absolument génial. Non seulement il a parfaitement cerné le personnage d’Adrian Veidt et nous offre un personnage dans la droite lignée de ce que nous pouvions voir dans Watchmen, mais il donne de la crédibilité à ce Before Watchmen, en faisant de son titre un parfait trait d’union entre Before et Watchmen. Les trois derniers chapitres sont de parfaites explications sur ce que nous voyons dans Watchmen, naissance de Bubastis (rapprochant peut-être encore davantage la personne d’Adrian Veidt d’un dieu), création de la base en Antarctique, naissance de son plan fou pour le bien commun du plus grand nombre. Je dirais même que Len Wein est le seul à réussir à approfondir le personnage de Watchmen sur lequel il travaille. Rien de super novateur, rien de surprenant, mais cette mini-série nous permet de comprendre et de mieux analyser ce que Ozymandias fait dans Watchmen. Une merveilleuse mise en lumière de son but.

Si on ne peut cautionner les actes finaux d’Adrian Veidt, on ne peut que comprendre cependant qu’à aucun moment il n’agit de façon criminelle, mais toujours dans l’optique du bien commun. La méthode est sans doute trop mauvaise, et il n’hésite pas à manipuler les gens (Moloch et même le Docteur Manhattan entre autres) pour arriver à ses fins. Seul le résultat compte. Et il est clair qu’il ne se fixe aucune limite d’aucune façon possible.

Petit éclairage amusant également sur le pourquoi du meurtre du Comédien. Dans une scène où l’on se rend compte qu’un simple grain de sable, comme le fait de regarder à un hublot à un instant T, peut risquer d’enrayer la plus formidable des machines. Rien n’est laissé au hasard par Len Wein.

Un mot enfin sur les dessins de Jae Lee, que je trouve absolument géniaux. Comme à son habitude, le dessinateur d’origine coréenne s’approche toujours un peu plus du roman graphique que du comics. Il aime travailler avec des photos et nous nous retrouvons avec des personnages très souvent statiques. Cela peut être gênant sur certaines séries, mais colle parfaitement avec Ozymandias. À chaque apparition d’Adrian Veidt, on a l’impression de le voir sur un piédestal, le torse bombé, les mains sur les hanches. Écrasant de son charisme et de sa grandeur le reste des personnages. D’ailleurs, Jae Lee utilise également un merveilleux travail sur les ombres pour mettre encore davantage Adrian Veidt en avant, lui qui est toujours dans la couleur, dans le dorée, comme le divin essayant d’écraser les ombres rien que de par son aura.

Mise en page originale et artistique, bien que, je dois bien l’avouer, assez répétitive sur le long terme. De belles pages avec des cases arrondies, comme une loupe que l’on pointerait sur un détail, effet allant merveilleusement bien avec l’impression d’immobilité provoquée par le style de Jae Lee. On se retrouve souvent avec la même mise en page. On retrouve quelques pleines pages, servant à mettre en valeur notre héros, et de très rares doubles pages. Un rendu final jouissif pour les yeux, avec des hommes charismatiques, les femmes d’une rare sensualité, tous avec leurs petits défauts physiques. L’ambiance et les décors sont bluffant, la mise en page subtile et tellement brillante. Le tout est embelli par une colorisation plus qu’adéquate et harmonieuse de June Chung. Formidable travail notamment sur les scènes où l’ombre est importante.

Bref, j’ai pris un réel plaisir à suivre le développement d’Ozymandias ! Lui qui était sans doute le personnage que j’appréciais le moins dans Watchmen à l’inverse de Rorschach, échange sa place avec ce dernier. Un travail éblouissant au dessin, avec un rendu si fluide, si artistique, au service d’un récit tellement bien écrit ! Ozymandias est un excellent préquel à Watchmen pour comprendre toute la réflexion d’Adrian Veidt. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’Ozymandias se termine là où commence Watchmen ! 

UN DEUXIÈME AVIS C’EST BIEN AUSSI !!

Relisez donc Watchmen ! Ozymandias, c’est celui qui est presque honteux de son intelligence, en témoignent des phrases comme « It doesn’t require genius to see that America has problems that need tackling… », c’est celui qui ne se défait jamais d’un air mélancolique, tragique, révélant son malaise à l’idée de ce qu’il devra accomplir, par une nécessité qu’Alan Moore arrivait à faire saisir le lecteur. Ozymandias, ce n’est pas l’efféminé arrogant ultra antipathique du film de Zack Snyder, ni le Luthor-like à l’enfance malheureuse de Before Watchmen – Ozymandias qui se couvre de ridicule avec des phrases comme « Quant à mon identité, tas de graisse mal vêtu, dites-vous simplement que je suis l’homme le plus intelligent du monde, connard. » Est-ce que cet aspect est secondaire si le rythme, la narration et surtout les dessins tiennent le coup ? Peut-être, mais en perdant cette ambiguïté sincère que seul Alan Moore parvient à donner à ses personnages, Len Wein fait manquer son but à sa mini-série Ozymandias, et lui fait perdre une grande partie de son intérêt.

– The Riddler