[Review VO] Batman – Absolution

Critique de Batman Absolution
Les points positifs :
  • Des dessins merveilleux
  • Ça voyage autour du monde
  • Approche originale…
Les points négatifs :
  • …qui se casse un peu la gueule
  • Prétentieux
  • Final mal fichu

« Time for the world… to see my real face. » – Batman


  • Scénario : J.M. DeMatteisDessin : Brian Ashmore

Porté par le nom encourageant du talentueux DeMatteis, Batman – Absolution est un graphic novel sorti à l’aube des années 2000, qui à travers une traque étalée sur dix ans se propose de faire un plongeon dans la psyché intérieure de Batman. Lorsqu’on y ajoute les dessins, trop rares, de Brian Ashmore, il y a de quoi mettre l’eau à la bouche ! Pourtant tout n’est pas tout rose. Tout est même plutôt sombre, selon l’habitude de notre Chevalier Noir.

Tout commence lorsque, durant une soirée mondaine à Gotham City organisée par Wayne Enterprises, des terroristes, pourtant armés des meilleures intentions, décident de tout faire sauter, et, à l’aide du sang de nombreuses victimes innocentes, de rallier la population de Gotham à leur cause. On s’en doutera, Batman ne se reconvertira pas dans l’écologie, et se fera un point d’honneur de retrouver les responsables, au cours d’une longue chasse qui durera dix ans. Mais en dix ans, lui et sa proie subiront une évolution morale, laissant l’issue de cette traque incertaine….

À priori le scénario s’annonce sympa. L’ampleur de l’enquête, en terme de durée, est notamment impressionnante, mais on se rendra compte rapidement que les dix ans, on les évoque plus qu’on ne les ressent. Sur moins de cent pages, si ça n’avait pas été précisé, on aurait pu croire que toute l’intrigue tenait sur quelques mois, selon l’algorithme merveilleux de compression du temps qui est de vigueur dans les comics (New 52 vous n’êtes pas visés). Mais le premier gros point noir de ce comics est sans doute la caractérisation de Batman, qui, quasiment jusqu’à la dernière page, est à 300 % dans le fameux ‘grim and gritty’. Si le portrait d’un Chevalier Noir sombre et tourmenté attire, et m’a attiré !, de prime abord, c’est assez agaçant de se le retaper sous la plume de J.M. DeMatteis, surtout quand on sait les merveilles qu’il est capable de faire dans des tons plus légers. Là, l’auteur déçoit, retombant mollement dans des lieux communs lorsqu’il remarque, par exemple, que le vrai visage de Bruce Wayne c’est Batman et que le millionnaire n’est qu’un masque. On a déjà entendu ça mille fois, mais le bonhomme sent le besoin de le souligner à plus d’une reprise dans une centaine de pages. « When I heard the explosion I knew that the time for masks had passed. Time for the world… to see my real face« . C’est d’un classicisme agaçant. 

Cette caractérisation méchante du Batman est probablement voulue, et sert le propos ‘philosophique’ qu’ambitionne d’apporter Absolution, auquel nous viendrons après. Mais pour appuyer ce propos, DeMatteis n’a d’autres choix que de souligner l’imperfection de Batman tout au long de son aventure, le dépeignant borné, berné à plusieurs reprises, multipliant les fausses pistes. Une enquête sur dix ans, rien que cette durée suffit à souligner l’incompétence hors-du-commun dont fait preuve notre super-détective qu’on a l’habitude de voir en train de résoudre un cas par mois. Mais pour illustrer la faillibilité de Bruce Wayne, citons ces mots lorsqu’il rencontre un personnage pour la première fois : « Something in his voice irritated me instantly. And when I got a good look at him, my irritation doubled. » Au fond, attribuer des préjugés à Batman n’est pas dramatique, mais on peut aspirer à un détective plus posé, retenant ses jugements hâtifs, et là, au bout d’au moins dix ans de carrière (car cette scène se déroule à la fin du récit), il sacrifie sa logique mathématique au profit d’une estimation grossière basée sur une première impression. L’autre exemple particulièrement éloquent est celui où Jennifer Blake, la fameuse terroriste, vide son sac en racontant toute son histoire, et Batman ponctue le récit de la femme de commentaires intérieurs du type : « In their pathetic desperation […], these murdering psychopaths often reveal themselves in unintended ways. » ou « It always amazes me how much they want to explain themselves. To justify themselves. But I let her talk. » Plus ‘grim and gritty’, tu meurs.

Encore une fois, tous ces exemples de faillibilité de Batman servent à appuyer le propos final qui est, en gros, que Batman doit savoir pardonner, et que les vilains peuvent se racheter une conduite. Ce n’est pas vraiment du spoil : le titre Absolution annonçait la couleur. La dernière scène offre ceci dit une ambiguïté bienvenue, car les propos de Batman contrastent avec les gestes qui lui sont attribués, laissant planer un soupçon de doute sur les pensées qui l’habitent, et c’est assez bien fait. Ceci dit, les méchants peuvent devenir gentils, ce n’est pas vraiment du Kant en terme de profondeur de réflexion. Alors tout un tome de Batman à la limite du supportable pour une conclusion moraliste, ça peut être limite. Derniers points négatifs, la compression de l’action sur 96 pages amène à des scènes très courtes, étalées sur deux ou trois pages, laissant immédiatement le pas à une autre située sur un autre continent parfois, avec des transitions inhabituellement brusques. Ça ne manque pas trop de clarté, mais pas loin quand même. Dans le même registre, la conclusion du récit est portée par un twist final inattendu, mais également un peu obscur, apportant rétrospectivement une nouvelle dimension scénaristique peut-être trop grosse à l’intrigue pour être introduite sur son épilogue.

Mais puisque nous relevons les défauts de ce récit, soulignons également ses qualités, à commencer par le développement de la grande vedette du récit, à savoir Jennifer Blake, l’anarchiste militante qui fait exploser l’immeuble de Wayne Enterprises au début, méfait qui mettra Batman sur sa piste. Criminelle fanatique de prime abord, elle glisse peu à peu aux yeux du lecteur vers le statut d’une victime de ses propres péchés, et le tourment intérieur qui la ronge ne peut empêcher de lui attirer une certaine compassion. Hélas, cette transition de vision du personnage se fait plus vite chez le lecteur que chez Batman, qui refuse de reconnaître les remords qui la rongent de manière pourtant flagrante. Ce décalage entre le point de vue du lecteur et celui de Batman fait passer ce dernier pour un benêt un peu borné, comme évoqué précédemment. Enfin, le talent de DeMatteis n’est pas complètement occulté par le message qu’il s’obstine à faire passer, et on pourra souligner une certaine élégance dans son écriture. Même si son Batman est un peu casse-couilles, il a généralement des répliques largement plus subtiles que « I’m the goddamn Batman !« 

L’autre gros point fort de Batman – Absolution, ce sont les dessins absolument fantastiques de Brian Ashmore, dont le style, notamment dans les visages aux proportions très photographiques, s’approche vaguement de celui d’Alex Ross, mais avec bien davantage d’identité, de goût, de sens artistique (déférence gardée envers Alex Ross). L’artiste s’occupe également de l’encrage et de la colorisation, et cette dernière est merveilleuse, assimilant chaque planche à une peinture à l’aquarelle. Le rendu est bluffant. Hélas, si Brian Ashmore mérite tous les superlatifs qu’on lui attribue, on ne peut pas à en dire autant du lettrage de Sean Konot. Le lettrage, c’est souvent comme l’encrage : à moins que ça ne soit mal fait ou exceptionnellement bien fait, on ne le remarque pas. Et là, on le remarque, mais dans le mauvais sens. La mise en bulles et la police normale contraste tout d’abord trop avec le style très esthétique de Ashmore, et les dialogues ressortent un peu trop violemment. Mais où Sean Konot se ramasse cruellement, c’est dans les répliques de Batman, auxquelles il prête une police liée déchiffrable avec peine, qui alourdit nettement la lecture. Un petit détail qui irrite rapidement.

Difficile d’expliquer les louanges qu’a récoltées ce comics de Batman. Avec le Fortunate Son de Gerard Jones et le All-Star Batman & Robin de Frank Miller, ça doit être une des déclinaisons les plus casse-pieds du Chevalier Noir. Et même en comprenant l’intérêt de cette caractérisation sombre, on ne peut que soupirer lorsqu’on constate la maigreur du message final délivré. Subsistent les dessins de Ashmore, mais le scénario pourrait tellement éprouver la patience du lecteur que c’est difficile de déterminer si ça vaut le coup de l’ouvrir pour le plaisir des yeux.

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crazy-el
crazy-el
10 années il y a

Peut-être un bon récit pour un p’ti nouveau, pour celui qui veut connaître la personnalité de Batman, qui aurait lu que quelques histoires ici et là. Il a cette récurrence chez Batman de douter de cette remise en question chez ses ennemis, c’est plus fort que lui, mais surtout met en perspective le paradoxe humain. Il en sait quelque chose pour lui-même.

crazy-el
crazy-el
10 années il y a
Répondre à  crazy-el

Ah j’ai omis de dire que tu emmènes bien tout de même le versant de Batman qui pourrait être plus clément pour certains de ses adversaires, qui ouvre bien justement à la compréhension de Batman.

Merci TheRiddler. Comme toujours bien exprimé concernant ton senti.

Septon
Septon
10 années il y a

Ma lecture commence à dater, mais je me souviens d’une œuvre d’une médiocrité abyssale, dégoulinante de bons sentiments humanistes imbuvables, « il faut savoir pardonner » bla bla bla. Une grosse nullité absolue.

ps: All-Star Batman & Robin c’est du putain de génie, mais faut être un peu rock&roll dans l’âme pour comprendre le trip, tant pis pour les autres.

ramzacom
ramzacom
10 années il y a

déjà paru en France sous Panini si cela n’a pas été dit ^^

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