[Review VO] Justice League of America #12

Les points positifs : Une caractérisation forte et réussie Les réponses sur le passé de Stargirl L’harmonie des dessinateurs Les points négatifs : L’intrigue liée à Forever Evil n’avance toujours pas des masses Trop de textes (certainement…)

« I’m too young to have memories I don’t want to remember. » – Stargirl

• Scénario : Matt Kindt – Dessins : Eddy Barrows, Tom Derenick et R.B. Silva – Encrage : Eber Ferreira, Allen Martinez et Silva – Couleurs : Hi-Fi
  

• DC Comics JUSTICE LEAGUE – Justice League of America #12 : « Tick, tick, tick… » – 12 Février 2014 – 32 pages – 3,99$

Despero a retrouvé les traces du Martian Manhunter et de Stargirl, qui voyagent depuis « plusieurs jours » à travers les USA pour retrouver Firestorm, dans lequel (oui, c’est bizarre) sont emprisonnés le reste de la Justice League. Et là c’est la grosse baston, Stargirl est expédiée dans les vapes au fond d’un lac pendant que le Manhunter affronte cet ennemi qu’il a déjà rencontré il y a quelques temps dans le satellite de la Justice League. Mais l’ennemi maintenant le connait, lui et ses points faibles, et la partie ne va pas être remportée facilement… C’est le moins qu’on puisse dire.

Les gens, j’ai un vrai problème. J’aime cette série. J’aime ces épisodes « où il ne se passe rien ». Je ne peux pas faire autrement. C’est réellement grave vous pensez ? Je suis totalement irréfléchi et incapable de poser un jugement raisonnable sur une série de comics DC parce que je suis définitivement devenu un fanboy invétéré ? Damned, je crois que je suis foutu ! Je vais cependant essayer de m’en sortir, comme je peux, tant bien que mal, avec mes impressions à moi… Et je sais que c’est difficile à croire, mais y’a vraiment des trucs que j’aime pas chez DC hein ! Je vous jure… Sauf que là ben, non, y’a rien à faire, j’arrive à y trouver mon compte.

Commençons par ce qui fâche. Parce que bien évidemment, j’ai beau aimer le titre, je sais très bien pourquoi les gens le renie, avec plaisir ou non d’ailleurs. En vérité, je crois que tout dépend de ce que l’on attend de ce type de lecture. Déjà, entre la forme que la série est sensée avoir, et ce qu’elle nous offre, il y a un genre de fossé totalement disproportionné. Tout d’abord, on parle de la Justice League of America. Un titre avec normalement tout plein de héros, qui partent dans des aventures violentes et complètement folles, ils sont nombreux, affrontent pléthores d’ennemis sorti de l’espace ou des enfers ou peu importe. Ensuite, paf, on colle au titre le tag Forever Evil. Donc fatalement, on s’attend à ce que ce tie-in fasse progresser l’event, lui donne du poids (même si on sait pertinemment qu’il ne s’agit pas du titre principal), et on pense, l’air songeur, à l’autre titre Justice League, qui nous livre chaque mois un véritable complément à l’event, en approfondissant les méchants, en leur donnant des motivations, tout en faisant (légèrement) progresser leurs histoires respectives, tout en introduisant des personnages secondaires qui auront un impact sur l’event principal, bref, comme de vrais numéros d’Event quoi ! Et en effet, depuis le début Forever Evil, ce JLA ne répond à rien de tout ça, ou en tout cas, très très peu. Grosso modo, ce qui s’est réellement passé dans ce titre pour faire avancer l’intrigue, se dit en quelques mots : la Justice League est prisonnière dans la matrice de Firestorm, Stargirl et le Martian Manhunter ont réussi à se libérer mais ont perdu la trace de Firestorm pendant un combat contre des vilains, et parcourent les US depuis (en s’arrêtant pour aider les gens dans la galère) pour le retrouver lui et la JL. Tout ça en 5 numéros. Oui, c’est clair, c’est super lent !

Mais ce que ce résumé (et cette impression) ne vous dit pas, c’est tout le développement de personnage qui s’impose sur le titre. Alors oui, encore une fois, ce n’était peut-être pas, ni le lieu, ni le moment. Je ne vais pas revenir sur les premiers numéros de l’event qui revisitait les angoisses et la psyché de plusieurs membres de la JL et je vais parler de ce numéro là, qui est celui qui nous intéresse à la base. Clairement, l’intrigue ne va pas bien plus avancer, ici, les deux alliés sont arrêtés par Despero, et va s’ensuivre un combat pendant tout le numéro. Oui. Mais pas que. Si Matt Kindt n’a pas forcément grand chose à développer sur l’event en lui même, on lui laisse par contre le loisir de revenir sur le passé des deux protagonistes de cette histoire, à savoir le Martian Manhunter et Stargirl. Donc à défaut de faire avancer l’intrigue principale, l’auteur profite ici de ces quelques pages pour écrire et présenter les versions New 52 de ces deux super-héros. Clairement, le Martian Manhunter a été un peu mis sur la touche et n’a pas évolué quand il était dans Stormwatch, donc cette caractérisation et précision sur ce qu’il est est bienvenue. On retrouve dans ce numéro, son côté guerrier, très peu exploré jusqu’alors, montrant des pages de lui sur Mars, dans ce qui semblerait être une initiation. C’est assez fort visuellement et donne un certain cachet pour le personnage. Ici, le Martien va en passer par toutes les couleurs, et pas les plus claires. La fin du numéro, sans vous en dévoiler plus avant (même si on connait pertinemment l’issue, mais ceci mis à part), est vraiment très forte émotionnellement et bien écrite. Donnant du galon à la fois au bonhomme vert, mais indirectement à Stargirl, vous comprendrez pourquoi à la lecture du numéro.

Ensuite pour Stargirl, justement, avant son arrivée dans JLA, elle n’était juste pas apparue du tout dans l’univers. Et clairement, l’arc en cours pourrait s’appeler « Stargirl Secret Origins« , qu’au final, je ne serais même pas surpris, et pour le coup, il serait peut-être plus apprécié, je ne sais pas. Ainsi, on suit autant les aventures de Stargirl dans le présent que dans le passée, avec son ascension en tant que super-héroïne (presque) confirmée, qui explose complètement dans ce numéro. Les questions posées jusqu’alors trouvent réponse ici même, et la jeune héroïne est en passe de devenir un de mes personnages favoris tant ces motivations sont simples pour une histoire qui n’a rien d’une enfance malheureuse ou compliquée, et pour une adolescente qui a du subir juste les conséquences du hasard et accessoirement, de la curiosité. Je ne dis pas que dans ces flashbacks, il n’y a aucune décompression, ça serait faux. Je ne dis pas que le titre n’est pas verbeux (il y a beaucoup de cases de pensées qui servent à développer le caractère du personnage, donc forcément, beaucoup de case de description et de réflexion qui peuvent, prises une par une, sembler totalement lourdingues et rébarbatives), mais en soi, cela ne veut pas dire que l’ensemble est incohérent ou mal écrit, car c’est justement là que se trouve la force du titre, c’est qu’enfin, j’ai le loisir et le plaisir de voir évoluer des personnages et de vraiment apprendre à les connaitre, et ceci de manière cohérente et précise. De plus, je trouve la lecture fluide et elle se mêle habilement à l’action dépeinte sur les cases, encore faut-il apprécier lire. Ce n’est pas une critique acerbe envers ceux qui se plaigne des titres ayant « trop de lecture » (un peu comme mes reviews), je comprend tout à fait, c’est de la BD, pas un roman d’Emile Zola. Mais en ce qui me concerne, et depuis que je lis du comics, j’ai souvent entendu cette complainte du « trop de texte » (toujours comme mes reviews), non pas qu’elle soit injustifiée, mais pour ma part, je trouve que ces écrits renforcent la proximité que je peux avoir avec les personnages. Peuvent-ils bien se répéter un minimum, mais c’est justement là que j’arrive à me rapprocher d’eux, leurs pensées suivent un fil, qui fait parfois des petites boucles, mais qui ont un cheminement précis, en fonction de l’action qu’ils vivent sur l’instant. Et ils ne décrivent pas ce que l’on peut voir sur les cases, mais des impressions, des sentiments, des émotions. Et personnellement, j’aime beaucoup cette manière de faire. Le même titre, avec les mêmes dessins et deux fois moins de case de pensées, me paraîtrait, peut-être, plus fade.

Et que dire de ces cases. Critiquer la narration de Matt Kindt, c’est quelque choses de tout à fait compréhensif. Mais les dessins de Barrows sont ici réellement magnifiques. J’ai adoré son travail sur Nightwing, mais on sentait que le bougre commençait à tourner en rond en terme de décors et d’environnement. Alors qu’ici, et précisément dans ce numéro, il a l’occasion de dépeindre beaucoup d’actions, de personnages et surtout, donc, d’environnements. Car si l’intrigue n’avance que peu, les personnages se déplacent géographiquement. Le lac, la ville, la neige, la montagne… Et l’intensité du combat entre le Martien et Despéro est juste impressionnante. La violence des coups, chaque impact compte, et le résultat n’en est que plus légitime (oui, y’en a un qui va prendre cher, mais je ne vous dis pas qui). Reste les focus sur les visages, parlant, pleurant, expressifs, renforçant ce rapprochement avec les personnages, qui sont là aussi, dépeints de manière juste et forte. Cela sera surtout vrai sur les cases du présent, car les flash-backs sont dessinés par d’autres intervenants (Tom Derenick et R.B. Silva), qui sont eux aussi très bon, mais on sent qu’il manque un léger truc. Cependant, la cohérence visuelle de l’ensemble se tient réellement. Et les encreurs font un boulot réellement homogène qui renforce cette impression.

Là où la froideur d’un blockbuster comme Justice League nous présente une multitude de personnages sans vraiment rentrer dans le fond, cet arc sur JLA se concentre véritablement sur deux personnages et se permet de les redéfinir en profondeur. Et à titre personnel (c’est là aussi que la subjectivité rentre forcément en ligne de mire), j’ai un très fort attachement au développement des personnages, plus que dans les intrigues elles même (je crois que je l’ai déjà dit plein de fois), mais ici, c’est clairement l’orientation que propose ce titre. Stargirl avant tout (le traitement du Martien étant peut-être un peu plus monotone) et pour le meilleur du personnage. Lors de notre interview d’Eddy Barrows lors de la PCE, il nous avait dit qu’il avait un fort attachement au personnage, et je comprend réellement pourquoi à travers ces pages. C’est une héroïne qui naît (ou renaît) sous nos yeux, et c’est suffisamment fort émotionnellement pour être considéré. Ne lisez pas ce titre pour Forever Evil, qui n’est ici qu’un vulgaire cadre. Lisez le pour découvrir (ou redécouvrir) des personnages forts et réellement intéressants. Peut-être que dans cette optique, vous arriverez à apprécier ce numéro, et cette série, autant que moi. Il n’est pas question de renier les défauts du titre, juste de l’appréhender sous son meilleur jour, je pense.