Review VF – Transmetropolitan : Année Un

Critique Transmetropolitan Tome 1 - par Warren Ellis
Les points positifs :
  • Un gros défouloir subversif
  • Spider Jerusalem, ça c’est un héros
  • Marrant
Les points négatifs :
  • D’une vulgarité inouïe
  • Se veut plus profond qu’il ne l’est
  • Sexe, drogue et déjà vu

« Ah, Spider ! C’est une ordure et un aspirateur à morale, mais vous ne trouverez pas meilleur ami. » – Tico Cortez


  • Scénario : Warren Ellis Dessin : Darick Robertson

Avec Planetary, Transmetropolitan est un des travaux les plus reconnus de Warren Ellis au sein de DC Comics. Quels sont donc les ingrédients miracles qui ont porté cette série de pas moins de 60 numéros, étalés sur cinq années de publication, à la consécration quasi-unanime des critiques de comics ? Panini décida d’en traduire l’intégralité, et la renommée de Transmetropolitan est telle qu’Urban décide maintenant de faire de même, alors que d’autres séries restent encore inédites en France. D’où vient cet engouement ?

Transmetropolitan : Année Un

Il provient principalement de ce qui est pour d’autres une source de réticences : Spider Jerusalem. Spider Jerusalem, c’est le personnage principal de Transmetropolitan. Ermite depuis cinq ans dans un chalet entouré de mines et de détecteurs perché dans la montagne, il est contraint de redescendre à La Ville lorsque son éditeur lui rappelle qu’il est lié par un contrat à pondre deux bouquins avant la fin de l’année. À contre-coeur, il fait ses affaires et retourne au boulot qu’il avait quitté cinq ans auparavant : celui de journaliste. Et pas n’importe quel toon euh… journaliste ! Son slogan, c’est « La vérité à tout prix », et il va la gratter sur le terrain, la renifler dans les journaux intimes des politiciens, la lécher dans les basses-cours des fermes illégales. Il pratique un journalisme de terrain et dérange chaque fois qu’il peut déranger. Chacun de ses articles est un gros doigt d’honneur odorant envers l’ordre établi.

Mais qu’y a-t-il de si terrible à dénoncer ? Eh bien il faut savoir que Transmetropolitan ne se passe pas dans notre (façon de parler) belle Amérique, pays de la liberté et du bonheur, mais dans un futur cyberpunk chaotique, où tous les travers de notre société sont retranscris avec ironie par Warren Ellis. Les dérives religieuses sont pointées du doigt avec virulence dans cette mégapole où une nouvelle doctrine pointe son nez toutes les dix minutes, le travestissement ne connaît plus aucune borne et l’heure est au transplantation d’esprit dans les corps de chiens, d’aliens et même de… rien du tout ! Eh oui, certains n’hésitent pas à assouvir leur soif d’expériences en se métamorphosant en nuage de particules. Tout est hyper-sexualisé, jusqu’aux dessins animés pour enfants, le Dieu-publicité est passé du rang de roi à celui de despote, bref, la dystopie routinière avec son lot de débauches, de surveillance, de répression et de rebelles.

Transmetropolitan : Année Un

La richesse de cet univers, soulignée par les planches fourmillantes de détails apportées par Darick Robertson, est une des grandes forces de la série. La Ville recèle plein de jolies trouvailles amusantes, amenant parfois des pistes de réflexion plus ou moins sérieuses. Citons par exemple l’apparition de stupéfiants pour machines (!) ou la difficulté de réintégrer les cryogénés d’antan, qui se réveillent, selon leurs désirs, dans un corps de vingt ans, avant d’être lâchés dans un monde qui leur est étranger où ils ne trouveront que l’oubli et l’indifférence. Le personnage de Spider Jerusalem sert de jumelles sur cette société décadente dont on suit les déboires au fil de ses articles. L’écriture de Warren Ellis entre ici en jeu, et à travers une plume acide il prête une personnalité ambiguë à son héros, le rendant à la fois vulgaire mais malin, agressif mais réglo, pessimiste mais faussement cynique, lucide mais allumé. Ce portrait tout en demi-teinte confère une aura quasi-mystique à Jerusalem qui en dégoûtera plus d’un, qui l’assimileront peut-être à de la simple poudre aux yeux prétentieuse – ce qu’elle est probablement en vérité.

Et c’est vulgaire ! Les dialogues et les pensées de Spider Jerusalem sont d’une vulgarité et d’une crudité (ça se dit ça ?) sans nom, qui ne manquera pas de choquer même les endurcis, au premier abord. L’usage s’installant, le culot du scénariste devient rigolo et les exclamations horrifiées se muent en pouffements de rire. À cette audace verbale qui trahit une écriture décomplexée et impulsive à la Bukowski s’ajoute une grosse dose de violence, qui, sans atteindre les sommets d’autres séries Vertigo comme Preacher, ensanglante assez les pages pour parachever le ton crado de la série. Et paradoxalement, cette ambiance sale n’empêche pas quelques moments pleins d’émotion de se frayer un chemin, apportés notamment par l’assistante de Spider Jerusalem, jusqu’à ce qu’elle le quitte pour rentrer dans les ordres.

Transmetropolitan : Année Un

En somme, pris à la légère, c’est une merveille. Il y a du rythme, les dessins sont irréprochables, c’est coloré aussi bien au niveau des planches que des personnages, ça grouille de bonnes idées. Le bât blesse lorsqu’on croit déceler une once de sérieux derrière les manifestes de Spider Jerusalem. Non seulement cet aspect grince avec le ton général de l’oeuvre, mais il manque trop de profondeur pour ne pas décrédibiliser d’autres ingrédients de l’univers de Warren Ellis. La scène où Spider Jerusalem pète une durite à l’encontre des prédicateurs enflammés par exemple, passe comme une lettre à la poste si on la considère comme un simple exutoire de violence sans plus d’ambition. Hélas dans les prêches de Spider, la légèreté côtoie la sincérité, et il tabasse des gourous en gueulant « Tout ce concept de foi… De croire dans un truc qui n’est pas là, putain… Ça a été inventé par un type qui essayait de colmater les trous dans la chrétienté qu’il avait bricolée avec les Romains. » On trouve autant de naïveté dans ce discours que dans celui des prédicateurs illuminés qu’il essaie de ridiculiser, au final c’est le soi-disant ‘génie’ de Spider dans son entièreté qui en prend pour son grade, et on lève également les yeux au ciel par la suite lorsqu’il tire de son haut-de-forme des théories du complot fumeuses en essayant de les faire passer pour la Vérité avec un V majuscule. Lorsqu’on parle de décrédibiliser le personnage qui porte quasiment le récit à lui tout seul, ce n’est pas rien. Mais encore une fois, pris à la légère, au second ou au troisième degré, pas de soucis. Mais ça implique ignorer quelques réflexions trop primaires distillées à travers les tirades de Spider Jerusalem.

Comme dit dans les points positifs, Transmetropolitan est un gros défouloir. On y trouve de la violence, du sexe, des drogues, de la pisse, du caca et des chats qui fument. Si c’est le genre de trucs qui vous bottent, ou si vous savez apprécier l’humour qui découle du cocktail de ces ingrédients, Transmetropolitan saura vous convaincre. On déplore hélas que la richesse de son univers n’ait pas abouti à des réflexions plus solides que les vociférations adolescentes qui se font parfois entendre. Et pour cette raison, on refuse de reconnaître le génie que certains veulent y voir. Mais c’est quand même culte.

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TheRiddler

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Mixam
Mixam
10 années il y a

First!!!
Mais plus sérieusement,très bonne review. A la fois agréable à lire et objective. Certains sites d’actu comics qui se dissent professionnel devrait en prendre de la graine. Bravo !!!

zeppeli
10 années il y a

Oh tu sais je ne pense que Warren Ellis ait pensé ça comme quelque chose de très profond, c’est surtout un cri contre l’ordre établi, façon punk. Bon après moi ça me parle totalement, et je comprends que ça puisse ne pas plaire, mais c’est un chef d’œuvre, un putain de chef d’œuvre.

zeppeli
10 années il y a
Répondre à  TheRiddler

Après, il est possible que mon avis soit orienté par ma vision de l’ensemble de la série, alors que ta review ne porte que sur la première année. Je lui prête des qualités qui n’apparaissent que plus tard.

Peppersancho
Peppersancho
10 années il y a

La vraie valeur critique de transmetropolitan est sur l’infotainement, dans monde ou absolument tout peux s’acheter l’ethique journalistique à depuis longtemps disparue. Si un homme aussi fou que spider Jérusalem passe pour le meilleurs journaliste d’investigation cela décrit en creux l’etat de la presse dans l’univers de warren ellis.
Le journalisme exercé à la façon de spider n’est que le reflet du monde dans lequel il évolue et c’est bien la que se situe la porté idéologique de l’oeuvre. La thèse de Warren ellis est que l’etat de la presse reflète la société, le reste des enquêtes de Jérusalem ne sont la que pour démontrer que plus rien n’a de sens. La religion, la politique, le divertissement, la morale et le journalisme n’ont plus aucun sens. Spider Jérusalem est un fou qui essai de résonner dans un monde de fou, il n’y a pas de logique juste l’ernergie punk d’un homme qui sens que quelque chose cloche.
Et c’est en ça que le personnage de Vita est si important, elle est l’unique personne normale de cet univers, mais elle n’apparait que dans le tome 2 je crois donc je ne dirais rien de plus à son sujet.
Pour moi Warren ellis n’émet qu’une seule véritable critique dans transmetropolitan, la valeur de l’information est inestimable et l’éducation est la clé d’une société saine. C’est comme ça que j’ai compris le truc en tout cas, après c’est avant tout une grosse dose de fun et une lecture incontournable.

pacclerouge
pacclerouge
10 années il y a

Transmetropolitan c’est juste une transposition cyberpunk des gonzo paper de Hunter S. Thompson. La référence est même clairement assumée par Warren Ellis, donc je ne suis pas d’accord avec les bémols que tu mets. Transmetropolitan est bien moins prétentieux que ne l’est par exemple le Punk Rock Jesus de Murphy tout en étant 100 fois plus punk ou subversif. Murphy se prend dangereusement au sérieux alors que son script fleure bon la colère d’adolescent, tandis qu’Ellis assume d’emblée le côté « j’en fous partout ».

A voir si tu changes d’avis tome après tome, mais pour moi Transmetropolitan trône avec fierté dans le panthéon Vertigo (voire du comics d’ailleurs).

Corentin
10 années il y a

Faut aussi se rappeler que ce n’est pas une oeuvre « actuelle ». A l’époque où ça a été écrit, les mentalités n’étaient pas les mêmes, ne serait ce que la critique du trash et du vulgaire qui est ici proférée, rentre dans le contexte d’une époque beaucoup plus permissive (j’ai même envie de dire beaucoup plus cynique) que l’ère moderne. Ca joue aussi sur la perception du sexe et des drogues, faut replacer ça à son époque, tout comme on replace le côté évanescent du rock des années 70 dans l’ère psychédélique hippie et LSD.
Et reprocher le manque de fond… Sur ce premier tome peut être, mais Transmet doit se lire comme un tout à mes yeux. Lire les 6 tomes, et principalement le 3ème, permet justement de rendre compte de cette profondeur qui n’est qu’effleurée dans le premier volume. Enfin bref, pas très convaincu par cette review (probablement parce que j’ai une sensibilité très élevée au sexe et à la drogue ^^), Transmetropolitan reste un chef d’oeuvre à mon sens, qui mérite un 5/5 du début à la fin.

jihem
jihem
10 années il y a

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