[Review VO] Batman #21

Les points positifs: Alléchant Le saut de camion ! Du neuf dans la mythologie de Batman… Les points négatifs: …qui se fait désirer pour l’instant… …puisqu’il ne se passe pas grand-chose Batman n’a pas l’air jeune

« Good. Then he won’t see me coming. » – Batman

• Scénario : Scott Snyder – Dessin : Greg Capullo

• DC Comics – Batman #21 – 12 Juin 2013 – 40 pages – 3.99$

Ça y est, l’arc Zero Year a commencé ! Annoncé en grandes pompes en Mars par DC, cette nouvelle histoire propose de décrire les origines de la Chauve-Souris à la sauce New 52. Car Scott Snyder avait été clair à ce sujet : il ne s’agissait pas de raconter ce qu’il s’était passé avant le fameux Year One de Frank Miller, mais de jeter un nouveau regard sur les débuts de Batman. Qui de mieux que Snyder sur ce projet, déjà rompu aux commandes de la Chauve-Souris après s’être occupé de la série Detective Comics jusqu’au reboot de 2011, puis de la série Batman avec son arc des hiboux acclamé par les critiques ?

L’intrigue s’ouvre six ans avant le ‘présent’ de la continuité actuelle, avec une intervention salvatrice du Chevalier Noir à moto et déjà en costume (!). On savait déjà que Batman en était à sa cinquième année de lutte contre le crime dans le monde des New 52, six ans auparavant remonte donc bel et bien à son ‘Année Zéro’ de carrière. C’est tout de même étonnant de le voir déjà en tenue de circonstance si tôt ! Quoi qu’il en soit, il adresse brièvement quelques paroles annonciatrices de tempête au gamin qu’il vient de sauver, puis… retour cinq mois encore auparavant pour expliquer ce qu’il s’est passé. Vous découvrez là une des caractéristiques de ce premier numéro : Snyder s’amuse avec les temporalités. En quarante pages il multiplie les flashbacks, les flashforwards, etc, en use (et en abuse ?) avec joie. S’il maîtrise assez sa combine pour que la fluidité de la lecture n’en souffre pas, le récit peine à prendre l’ampleur avec ces changements de vitesse à répétition.

Un premier chapitre, c’est effectivement le moment de présenter les personnages, de monter le cadre de la pièce. À ce qui semble être la ‘temporalité principale’, Bruce Wayne a déjà commencé sa croisade contre le mal qui ronge Gotham et se concentre sur le gang de Red Hood. Il n’a pas encore LE costume, mais dissimule son visage sous des masques réalistes. Il se bat donc contre Red Hood et… eh ben rien. C’est tout. L’histoire n’avance pas plus, merci les flashbacks. Non c’est de la mauvaise foi, on apprend également que l’oncle de Bruce, soit le frère de Martha, est impliqué de manière louche dans l’affaire. Et l’épisode s’achève avec l’apparition d’un vilain familier, révélation qui se veut estomaquante mais qui fait presque ‘too much’ pour un Zero Year.

Et pour un Zero Year, Batman affiche une sacrée confiance en soi. On peut comprendre que Snyder ne souhaite pas marcher dans les traces de Frank Miller, mais entre le Chevalier Noir qu’il dépeignait dans La Nuit des Hiboux et le futur croisé de la nuit de ce Zero Year, il n’y pas tant de différences, si ce n’est au niveau du costume… ah non, le costume apparaît aussi. Exit les tâtonnements et la réflexion sur la manière de rendre justice qui habitaient le Batman de Year One, même au cours de son entraînement ici Bruce a déjà ses méthodes et ses objectifs clairs. Il est plus casse-cou que jamais (oh que oui !) et n’a rien de l’allure d’un débutant. C’est dommage ! Espérons que ce côté-ci du personnage se précise au fil des numéros.

Autre reproche : un paquet d’éléments de ce lancement sentent le réchauffé. Parfois il s’agit d’influences extérieures (ou de clins d’oeil, difficile à dire), comme la scène où Alfred tente de convaincre son maître de juste mener une existence tranquille loin du crime, qui rappelle sa jumelle dans The Dark Knight Rises de Christopher Nolan, ou la scène où le jeune Bruce s’approche du fameux puits à chauve-souris du jardin des Wayne. D’autres fois, Scott Snyder réinsère des éléments de ses propres anciennes histoires. Typiquement, on apprend que les membres du gang de Red Hood ne sont pas des petites frappes, mais des citoyens de Gotham issus de classes aisées. Ça ne vous rappelle rien ? Ça pourrait par exemple vous rappeler les adeptes des ventes aux enchères morbides du Masque dans son arc Black Mirror, voire l’aspect aristocrate de la secte des Hiboux. Un détail peut-être. Mais il y aussi l’implication suspecte de son oncle, qui trahit le penchant de Snyder pour les menaces venant de l’intérieur (Dick Grayson lié aux ergots dans les Hiboux, le fils de Gordon légèrement perturbé dans Black Mirror). Un renversement de perspective visuelle lors d’une scène où Bruce marche au plafond (si, si) renvoie encore au jeu similaire auquel Snyder se prêtait dans le labyrinthe des Hiboux. Bref, même sans remarquer tous ces éléments, le lecteur s’imprègne malgré lui de ces formules déjà utilisées et le résultat est… qu’on reste sur sa faim.

Car oui, il y a de quoi mettre l’eau à la bouche. Une scène d’action parfaitement exagérée mais jouissive tout de même notamment, lorsque Bruce Wayne, aux commandes d’un camion dans lequel sont ligotés des prisonniers du Red Hood, entreprend de les sauver de leur situation inconfortable en lançant son véhicule à vive allure dans le vide, puis en tirant à bat-grappin à travers le pare-brise, pour qu’il aille s’accrocher sur une grue. Visualisez la scène : le 36 tonnes, c’est Tarzan, le bat-grappin, c’est sa liane, et la grue, son arbre de la jungle. Le camion se balance donc au bout de ce fil, et au moment où il se retrouve au point mort, Bruce Wayne, qui s’était auparavant extirpé de la cabine et s’était agrippé sur le flanc du véhicule, manquant probablement d’adrénaline, Bruce Wayne donc ouvre les portes de la remorque, les otages tombent dans l’eau, à la seconde précédant la rupture du câble du bat-grappin. Dit comme ça, ça n’a pas l’air impressionnant, mais sur les planches, c’est absolument hallucinant. Bien qu’un peu excessif, reconnaissons-le. La course-poursuite qui clôt le numéro, expliquant au passage les talents de coureur automobile de Bruce Wayne, offre également une scène d’action trépidante.

Quant aux dessins de Capullo, rien à redire. Ils se marient à la perfection avec la narration de Snyder. À croire que les deux bonhommes sont faits l’un pour l’autre. On remarquera cependant que la majorité de ce numéro se passant de jour, le rendu est nettement moins sombre que les précédents travaux de Snyder. Quelques détails amuseront encore les fanas de la chauve-souris, comme l’apparition de la pièce de Lincoln géante, ou la mention de la fameuse promesse qu’il s’est faite devant les corps encore chauds de ses parents. Lors d’une discussion avec son oncle il est même mentionné que ce dernier l’aurait emmené voir des dinosaures au musée une fois dans sa jeunesse, et les lecteurs les plus torturés feront un lien avec le tyrannosaure de la batcave, mais ce serait peut-être exagéré (quoique, moins en tout cas que le saut de camion décrit au paragraphe précédent).

En conclusion, même si le scénario avance assez peu, même si de multiples éléments sentent le réchauffé, même si Batman n’a rien d’un super-détective en devenir, ce premier numéro se laisse lire sans problème. Les nombreux flashbacks rythment la lecture, les quelques scènes d’action sont admirablement mises en scène, l’intrigue se met gentiment en place, bref, on reste sur une impression générale de « On attend la suite ». Jusque là, ne risquons pas de jugement trop hâtif.