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« Il y a plus important à faire que de t’engager dans une sorte de croisade romantique ! »
– Jennifer Brown
- Scénario : Brian K. Vaughan – Dessins : Pia Guerra – Couleurs : Pamela Rambo
- Urban Comics Vertigo Essentiels – Y, Le Dernier Homme Tome 1 – 26 Octobre 2012 – 256 pages – 22,5€ – Hardcover – Collectionne: Y, The Last Man #1 à #10
C’est un jour comme les autres pour Yorick Brown, dont la seule et unique spécialité, c’est l’évasion. L’évasion dans le sens Houdini du terme. Il peut se défaire de menottes et de camisoles de force. Enfin bref… C’est un jour comme les autres. A ceci près qu’il compte demander sa petite amie en mariage, mais par téléphone. Oui parceque Beth est quelque part à l’aventure en Australie. C’est un jour comme les autres, sauf qu’au moment où il veut faire sa demande, il se passe un « truc » dans le monde. Trois fois rien. Une pichnette. Un évènement de très moyenne importance… Les hommes (et tout les mâles en fait, de toutes les espèces) meurent. Voilà, trois fois rien je disais. Tous sauf deux. Voyez, c’est vraiment pas si grave… Yorick et Esperluette. Esperluette, c’est un petit singe que Yorick a décidé de prendre en charge pour ramasser quelques deniers (une sombre histoire de biologie ou je ne sais quoi). Et que faire dans un monde tel que celui-ci ? Un monde sans homme ? Bénédiction ou malédiction ? Sachant que dans tous les cas, c’est la mouise question survie de l’espèce, mais bon, ça aussi c’est un détail… Et tout ce que veut Yorick lui, c’est retrouver Beth !
Brian K. Vaughan nous offre ici un pitch qui décoiffe. Qui est aussi très osé. Certainement une histoire qui est très difficile à dépeindre, se frottant à des thèmes qui fâchent, comme le féminisme en premier lieu. Un thème qui fâche surtout les ignorants (et les grands patriarches de ce monde), et je ne parle pas du tout de ces dames qui cherche l’égalitarisme entre les sexes. Un thème délicat qui tend à prouver aujourd’hui que nous sommes loin d’être sortis de nos carcans patriarcaux et nos valeurs dépassées en terme de place que la femme a dans la société. Et pourtant, Brian K. Vaughan ose. Gentilment de premier abord. Puis il brise un mur, et tente une approche, plutôt radicale il est vrai : et s’il n’y avait plus que des femmes sur Terre ?
Peinture réaliste d’un monde sans homme ? Mouvement crédible tel que celui des Amazones (des femmes qui applaudissent la dispartion des hommes, entre autres) dans cet univers androcide ? Difficile de dire que tout est à la même hauteur et dans la même logique dans ce récit, pourtant, il a réussi à me convaincre. L’idée est lancée : les femmes, au même titre que les hommes, sont capables du meilleur, comme du pire. Il y a des fortes têtes comme 355, agent secret qui sera chargé de protéger Yorick pendant son escapade. Il y a des folles comme Victoria dont la mysandrie parodie un peu les plus extrêmes des féministes (personnage à controverse s’il en est). Il y a des femmes un peu perdues comme Hero Brown, soeur de Yorick, qui ne savent plus vers qui ou quoi se tourner depuis que le monde a changé. Il y a aussi la Présidente Margaret Valentine qui s’est vu propulsée à ce rang suite à l’hécatombe des hommes qui était définitivement prédominant dans le gouvernement, responsabilité qu’elle va en premier lieu refuser au vu du mal qui la frappe elle aussi. Beaucoup de femmes, oui, mais suffisamment diversifiées pour faire contre-balancer les stéréotypes entre eux, les adoucir et nous apporter une histoire et des intrigues finalement assez réalistes et pleines de sens. Du moins, réaliste dans un monde potentiellement privé d’homme… Est-ce que mon jugement est biaisé par le simple fait que je sois du côté « mâle » de la barrière ? Je ne saurais dire. De même, Vaughan a-t-il de la légitimité pour dépeindre un univers pareil ? C’est aussi un membre éminent du sexe « fort », qui lui aussi, a vécu dans un contexte patriarcal et en a absorbé ses moeurs et coutumes, invisibles de tous sauf des féministes les plus pertinents (ouais, les hommes aussi peuvent être féministes messieurs). Ces Amazones ne seraient-elle pas un peu cliché ? Un peu facile ? Caricaturant un courant de pensée qu’on aime bien nous montrer comme dégradant, avec toutes ces femmes sois disant hystériques qui crient sur le pouvoir du mâle et de sa prédominance absolue sur le monde ? Pourtant de l’autre coté, nous avons un genre d’accusation sur la prédominance des hommes dans les gouvernements. Pour mieux démontrer que les femmes sont nos égales ? J’ai encore un peu de mal à le dire, la suite m’en dira certainement plus. Mais secrètement, je l’espère (oui, ne vous inquiétez pas mesdames, je suis avec vous !). Je pense aussi que la réponse se dessinera lorsque Yorick retrouvera Beth, car le but du héros, c’est celui-ci. Un bon coup de « demoiselle en détresse », bien que niveau détresse, on en sache rien. Dans tout les cas, on reste dans le thème !
Mais cessons ces digressions et ces analyses foireuses pour revenir à ce qui nous intéresse ! Ce premier tome laisse surtout place à l’exposition des principaux héros, que cela soit Yorick ou l’agent 355 en passant par le docteur Alison Mann, capable de cloner les humains et qui se sent définitivement responsable du cataclysme, ayant reproduit l’oeuvre de Dieu au moment où la mort s’est abattu sur les hommes. Le titre est assez décomplexé, le rythme est assez lent mais ce n’est pas un mal, on prend le temps de développer les situations complexes et les personnages et nous ne sommes jamais épargnés par des surprises. La fin du tome laisse d’ailleurs sur un cliffhanger des plus intéressants qui laisse songeur pour la suite !
Le tout est magistralement illustré par une Pia Guerra qui s’améliore de numéro en numéro. Avec des personnages vivants aux expressions marquées. Une constance dans le dessin qui fait plaisir. Les décors nous balandant un peu partout dans le monde offrent une certaine légèreté par rapport à d’autre titres post-apocalyptiques où tout est ravagé et où les cadavres jonchent le sol. Les femmes ont quand même bien repris les choses en main ici, et les rues et les villages sont plus ou moins clean. C’est propre, c’est joli, et ce n’est absolument pas pesant. Allégeant ainsi un peu l’ambiance de l’intrigue.
Petit mot sur l’édition Urban pour conclure qui est comme souvent, de très bonne qualité et assez abordable niveau prix. Par rapport à l’ancienne édition Panini, chaque tome d’Urban regroupe deux tomes Panini, pour un prix proportionnellement moins élevé et une qualité d’impression que je trouve simplement meilleure d’un point de vue papier et couleur. A n’en pas douter, encore un incontournable Vertigo édité par Urban que je vous engage à suivre de très près, si vous n’aviez pas déjà succombé à l’appel, à l’heure où le tome 2 se trouve aussi en vente (bientôt critiqué aussi sur le site).
Pareil, je luis mets 4,5 sur 5. Un début en fanfare !