Le Batman de Chip Zdarsky fait son retour dans les étagères des librairies après plusieurs mois d’absence. Cinquième et avant-dernier tome de cette série qui aura plongé Batman dans une solitude abyssale, tout comme ses lecteurs, l’auteur semble vouloir panser les dégâts causés en développant une remise en question du personnage sur ses motivations afin qu’il prenne du recul pour mettre un terme à la domination de Failsafe. Exit les enfantillages avec les Robins, aux oubliettes les origines du Joker, Zdarsky reprend l’intrigue principal de son arc. Est-ce que cela vaut encore le coup de se remettre à la série ? Ne serait pas un peu trop tard à ce stade d’avancement du run ?
Failsafe-en-Arrh
La vision que l’on a si on évoque la série Batman Dark City de Chip Zdarsky, c’est celle d’un premier tome qui commençait très fort en faisant surgir une menace issue du subconscient et de la paranoïa de Bruce. Un ennemi qui donna d’ailleurs son nom au premier tome de la série : Failsafe. Puis se sont développés des embranchement avec le multivers, un constat qu’il existe une forme de constante multiverselle qui relie Batman au Joker, des références aux travaux de Grant Morrison (Batman en 2006-2013, Final Crisis en 2008-2009), de Scott Snyder (Batman en 2011-2016) ou de Mark Waid (Justice League en 2000). L’auteur se permettait même de réactualiser les origines de Batman durant la jeunesse de Bruce. Bref, un potentiel ambitieux au prime abord, mais qui s’est noyé tome après tome jusqu’à ce cinquième tome.
Plus seul et démuni que jamais, Batman est obligé de battre en retraite pour réfléchir à une stratégie qui viendrait à bout de Failsafe. Quant à ce dernier, émancipé de toute contrainte grâce à l’implémentation de la conscience de Zur-en-Arrh, il devient le Batman « idéal » où seul la mission dans la lutte contre la criminalité compte. D’ailleurs, Failsafe explose tellement les statistiques qu’il inquiète presque davantage les forces de l’ordre (police, gouvernement, Batfamily, Justice League) que les forces criminelles. Honnêtement, je n’aurai pas dit non à un ou deux arcs développant ce nouveau duo dynamique qu’il forme avec Robin (Damian Wayne). Mais que voulez-vous, les scénaristes réguliers ont des contrats plus courts sur un même run de nos jours.
The Batman’s Redemption
Bruce, marqué par de nombreuses blessures physiques et psychologiques, entreprend une introspection, en analysant sa relation avec ses fils et son fidèle Alfred. L’intention de Zdarsky de rendre le héros plus empathique est appréciable. Les dialogues entre les personnages sont bien écrits, et l’idée de Bruce s’isolant pour se retrouver peut rappeler celle de grands films. Cependant, cette démarche arrive trop tard dans le run pour avoir un réel impact. À part des raisons commerciales, il est légitime de se demander quelles étaient les véritables objectifs des intrigues des deux tomes précédents. Aucune conséquence notable n’a été observée sur les autres séries de la Batfamily, ce qui laisse supposer qu’Urban Comics n’a pas jugé la qualité de ces récits à la hauteur.
Pour la faire courte, ce cinquième tome sort un peu la tête de l’eau comme s’il prenait conscience que battre un peu des pieds peut être bénéfique. Par exemple, ce tome corrige littéralement toutes les bêtises de la Gotham War (Batman Dark City Tome 3), nous débarrasse du Joker n’avait pas sa place dans ce run et tisse des tous petits liens avec Absolute Power, le prochain event DC à venir en janvier 2025. En parallèle, Jorge Jimenez est bien plus présent sur la partie graphique, ce qui fait très plaisir lorsqu’on a apprécié son travail dès le premier volume de Batman Dark City. Et même si l’intrigue Failsafe semble prendre un tournant décisif dans son arc narratif, il sonne également la fin du statu-quo « post-Joker War » . Comment (re)devenir riche grâce à l’investissement de quelques centaines/milliers de dollars $ dans la cryptomonnaie ? Et bien, en en ayant investi plusieurs centaines de millions bien sûr !
Ce cinquième tome est mieux que ce que l’on espérait après la désillusion des derniers volumes. On retrouve Batman qui est beaucoup plus conscient que son âge avancé commence à le fatiguer, physiquement comme psychologiquement. Et de l’autre côté, nous avons Failsafe qui combat le crime avec un niveau d’efficacité impressionnant sans se soucier de l’aspect humain. Malheureusement, ces changements, bien que sympathiques, surviennent bien trop tard, sont très courts en soi, et ont été pas mal pollués par des sous-intrigues antérieures. Est-ce la une vision du progrès faite par Chip Zdarsky, surtout au niveau du comics avec l’émergence des IA ? À vous de vous faire votre idée. Moi je vois un scénariste qui se met une claque pour tenter de sauver le plus de meubles pour le prochain et dernier tome de la série avant la relance en 2025.
