Les vacances d’été se terminent bientôt, et avec elles mon lot de lectures dont faisait partie le quatrième et dernier tome de la série Les Archives de la Suicide Squad. Fidèle au ton des tomes précédents, il y aura au programme de la nouvelle chair fraiche, des retours étonnants de personnages, des formations improbables et le mystère de la disparition d’Atom qui trouve sa résolution dans ces pages. Autant vous dire que la commandante en chef Amanda Waller aura encore fort à faire avec sa garderie. A moins que ce ne soit aussi l’heure de raccrocher pour elle ?
Même la mort se joue de la Suicide Squad
Dès le premier chapitre, l’idée de la mort définitive des personnages est remise en question. Habituellement, la mort dans les récits sert la progression du scénario ou marque la fin d’une quête personnelle. Cependant, Ostrander introduit une nouvelle dynamique avec la Suicide Squad, dont la mission est de maintenir l’équilibre mondial. Une fois la mission accomplie, l’équipe sait qu’une autre suivra. Cela explique la surprise face aux « retours » de personnages comme Rick Flag et Dr. Light. En réalité, ces évènements visent à renforcer et immortaliser la caractérisation de l’équipe, cimentant ainsi son importance dans la narration.
La Suicide Squad d’Ostrander se distingue par un équilibre entre criminels impitoyables et figures plus vertueuses telles que Rick Flag. Ce dernier, l’un des rares à incarner la morale au sein de l’équipe, laisse une empreinte durable même après sa disparition, rôle désormais occupé par Bronze Tiger. Le Dr. Light, quant à lui, incarne l’idée que la Suicide Squad représente (pour certains) une dernière chance pour les condamnés de se sentir utiles ou vivants, même s’ils se jugent indignes. Cette alternative, bien que peu enviable, reste préférable à la mort. Ce qui était ironiquement la tendance contraire au départ. Ostrander illustre ainsi que la rédemption et l’utilité peuvent émerger dans des contextes désespérés, consolidant l’identité unique de l’équipe.
Waller et la politique du moindre mal
Dans le tome précédent, Waller s’est libérée de la tutelle du gouvernement américain, devenant une entité indépendante louant ses services à des clients peu scrupuleux. Cela donne des missions qui se déroulent aux quatre coins du monde avec des configurations originales dans les équipes, augmentant (trop souvent) le risque d’échec. Parmi les personnages notables, on croisera Black Adam et ses arguments persuasifs, et aussi Katana en quête de vengeance contre les yakuzas au Japon. Enfin, l’intrigue principale se concentre sur le mystérieux espion de Waller, Adam Cray, récemment considéré comme le nouvel Atom, révélant peu à peu son rôle dans l’organisation.
Cet arc central aborde la disparition de l’Atom original et l’implication de la Cabale, une organisation secrète gouvernementale cherchant à éliminer les témoins gênants, dont le leader du Jihad. Ses informations pourraient fragiliser la Cabale, mais s’avérer utiles à Waller. La situation se complexifie avec l’intervention de la Justice League et du groupe israélien Hayoth, rendant l’intrigue difficile à suivre avec les trahisons et changements de camp fréquents. Après la résolution, les dernières pages offrent un éclairage intéressant sur Waller, la montrant au-dessus du président dans sa quête de justice « par tous les moyens nécessaires ». On peut néanmoins s’interroger si les décès de la Suicide Squad l’affecte au niveau humain ou simplement militaire.
La pérennité de la Suicide Squad
Quid de l’héritage de John Ostrander ? Le dernier arc peut s’avérer révélateur. Dans le but de reproduire le modèle d’origine, d’autres organisations (métaphore des scénaristes ?) conçoivent leur propre Suicide Squad en changeant le commandement, les personnages ou leur contrôle. Bien entendu, cela vire à l’anarchie, et Amanda Waller est appelée pour remettre de l’ordre, confirmant son lien essentiel avec l’identité de son concept. Par ailleurs, dans une moindre mesure, on peut également citer l’empreinte laissée par Rick Flag, Deadshot, ou Captain Boomerang. Voilà l’occasion de mettre en évidence qu’il faut certains ingrédients précis pour concocter sa Suicide Squad. Un statut quo que de nombreux scénaristes ont tenté de dénaturer.
Aujourd’hui l’équipe a bien évolué. Le contexte géopolitique n’est plus le même, la technologie a fait un bond impressionnant et le turn-over continu laisse place à de nouveaux membres, et donc des configurations d’équipe en tout genre. Par exemple, on peut citer Zod, des speedsters, Red Hood, des IA, des démons et même, vous n’allez pas le croire, Harley Quinn. Pour maintenir ce petit monde en laisse, la persuasion ou la promesse de l’allègement de sa peine ne suffit plus. Ainsi les bombes cérébrales ont remplacé les brachiales, Et l’utilisation d’artefacts extraterrestres et magiques est presque courant pour pouvoir rivaliser avec la puissance d’une Justice League ou des Titans.
Clap de fin pour les Archives de la Suicide Squad, premier run d’environ 66 numéros sur la création de cette équipe atypique par John Ostrander. Ce fut une aventure incroyablement plaisante à suivre, de part l’ingéniosité de son concept en forçant les criminels à collaborer pour le gouvernement, de la relation entre ses personnages qui frôlent souvent la catastrophe. Et bien entendu, la cerise sur le gâteau, c’est que tout le monde peut y laisser ses plumes. Saupoudré de twists et d’une réflexion cynique d’une Amérique en fin de Guerre Froide, Ostrander conclut admirablement son run sur la note suivante : la Suicide Squad n’est pas une fin en soi, mais l’ultime opportunité d’en réchapper.
Ce n’est pas un euphémisme de dire que cette série est encore aujourd’hui considérée comme la référence sur cette équipe. Régulièrement relancée, jamais égalée, mais souvent décevante, Les Archives de la Suicide Squad demeurent une œuvre culte, un morceau de l’histoire de DC disponible par Urban Comics en 4 volumes complets que je vous encourage à lire absolument.