Quatre. Il aura fallu quatre ans de patience et d’espoir avant de voir paraitre le troisième tome des Archives de la Suicide Squad (en 2021 quand le tome 2 est sorti en 2017). Était-ce à cause d’un succès trop relatif des deux premiers tomes ? De la sortie du film The Suicide Squad ? Ou bien qu’Urban Comics qui craignait que l’on s’ennuie lors de la pandémie Covid ? Les voix de l’éditeur sont impénétrables. Aujourd’hui, c’est l’heure des rattrapages de lecture. Aujourd’hui, il est temps de donner notre retour sur ce troisième volume (par soucis de complétisme maladif). Aujourd’hui, il est temps de (re)découvrir comment Amanda Waller a mérité sa place de tacticienne manipulatrice implacable, dont le sang froid ferait s’éteindre les fosses ardentes d’Apokolips.
Turnover à la Suicide Squad: 100%
Comme vous le savez, rejoindre les rangs de la Suicide Squad, c’est également l’occasion de rencontrer des personnes de tout horizon psychopathique. Et si le médecin du groupe n’est plus, il incombe désormais au père Creamer de garder une oreille à ses ouailles. S’il était évident qu’Amanda Waller a recruté des vilains à l’esprit fragile, il semble probable que le personnel (logistique, médical ou technique) ait subi le même traitement. Briscoe, le pilote qui projette l’image de sa fille décédée sur son hélicoptère « Sheba« , et Flo, opératrice logistique, amoureuse de Bronze Tiger et jalouse de Vixen, en sont des exemples. Bien qu’introduits dès le début par John Ostrander, ces personnages finiront par vriller totalement dans ce tome.
En parallèle, d’autres membres de Suicide Squad vont également être secoués durant les différentes missions (et pas ceux qu’on aurait cru), ce qui devrait procurer un sentiment de surprise et de curiosité non-coupable à peine dissimulé chez les lecteurs. Personne n’est à l’abri, et c’est l’occasion par conséquent de croiser de nouvelles têtes telles que le nouvel Atom ou encore la fameuse Oracle (dont l’identité n’est pas un grand secret pour les connaisseurs). Encore une fois, la raison d’être et de faire de la Suicide Squad est mis en évidence dans ce tome dont aucun ne semble se complaire, excepté peut-être Captain « Boomeuré » Boomerang.
Résolution d’intrigues en suspens
En plus de prolonger ou d’en créer de nouvelles, John Ostrander va apporter un dénouement à certaines intrigues initiés depuis plusieurs chapitres. C’est notamment le cas pour la vérité sur Duchesse. Introduite dans le tome précédent, cette dernière nous spoilait déjà qu’elle n’était pas celle qu’elle laissait croire, c’est-à-dire une sorte de « Rambo » féminin à la force et invulnérabilité hors-normes. Amanda Waller la soupçonnait et avait un nom à l’esprit. Autant dire que cet arc va mettre en place une réunion de personnages digne d’un jeu Super Smash Bros. Ostrander ose exploiter les personnages du Quatrième Monde de Jack Kirby, et cela donne des face-à-face d’anthologie. Vous aurez rarement vu Amanda Waller dans cette situation croyez-moi.
Les autres révélations sont de moins grande ampleur mais tout aussi intéressantes, comme la découverte du personnage entarteur qui s’amusait à ridiculiser n’importe qui qui croisait sa route. On assiste à une véritable investigation avec déduction des suspects, du mobile et des alibis. Le tout teinté d’un humour au 3ème degré jusqu’à la découverte du coupable, c’est tout bonnement hilarant à suivre. Enfin, ce n’est qu’à la toute fin de ce tome que l’on lèvera le voile sur l’identité d’Oracle, du moins pour la Suicide Squad, sous fond d’une chasse à l’homme contre la montre. En tout cas, c’est très réussi, varié et chacune de ces résolutions marquera l’équipe à cause de ses conséquences.
Expendables sans frontières (et sans morale)
Ce qui fonctionne depuis le début avec la Suicide Squad, c’est son concept de bande de bras cassés qu’on envoie en pâture aux quatre coins du monde pour servir les intérêt de l’oncle Sam, bien souvent au détriment d’une justice en règle. Que ce soit sur Terre, comme sur d’autres planètes d’ailleurs, le scénariste excelle toujours avec ses pions personnages en s’inspirant du contexte géopolitique de son époque, c’est-à-dire la fin de la Guerre Froide, les conflits au Moyen-Orient ou encore les manigances du gouvernement pour conserver un semblant de pouvoir sur Waller. Autant vous dire que même si aujourd’hui les moyens sont plus modernes, les enjeux sont assez semblables à notre actualité.
Tout comme les tomes précédents tomes, John Ostrander ne prend pas de pincettes pour jouer avec l’idéologie américaine et bafouer le patriotisme politiquement amoral de sa Suicide Squad. Certes, il faut savoir se retrouver avec la pléthore de personnages qui se croisent, certains profils sont peut-être un peu trop unidirectionnel psychologiquement, mais cela reste satisfaisant et divertissant à suivre.
Autant vous dire que l’attente en valait la peine. Ce troisième tome s’avère généreux en termes d’histoires, de caractérisation et de révélations. Le fait que l’on revienne à des récits courts et variés fournit un sentiment beaucoup moins lourd à encaisser que lors de l’arc Janus dans le deuxième tome. Les protagonistes ne cessent jamais de nous surprendre, eux mêmes compris. Par exemple, le « couple » Captain Boomerang/Deadshot est un motif à lui seul de se coller une facepalm à chaque fois qu’il apparait. Ou encore qu’il est assez admirable de suivre une Amanda Waller rester rationnelle (et surtout en vie) au milieu de toute cette poudrière. Bref, que du bonheur à lire !