Warner a réuni de jolis noms autour de Bruce Timm pour produire ce que tout le monde appelle déjà l’enfant spirituel de Batman : TAS, entre Matt Reeves, J.J. Abrams, James Tucker et Ed Brubaker. Batman : Caped Crusader propose de replonger son héros dans son statu quo originel : une ambiance « Amérique des années 30 », des costumes inspirés des premières apparitions des personnages et un ton à la fois sombre et pulp. La patte de Timm est évidente, mais cette nouvelle vision de Batman est-elle digne de la sacro-sainte série de 1992 ?
Du Bruce Timm mature mais sage
Fini les séries pour enfants, Bruce Timm peut enfin se lâcher sur la violence et la cruauté, même si on a déjà eu cette promesse dans un film Batman & Harley Quinn qu’on aurait préféré ne jamais découvrir. Les limites sont parfois bénéfiques créativement. On assiste finalement à une première saison plutôt sage, malgré une promo tournée autour d’un Bruce Timm plus libre que pour son ancienne œuvre. Aucune provocation juste pour le plaisir, alors qu’une mode de l’exutoire super-héroïque se fait encore sentir, Timm et sa clique profitent simplement de récits matures rappelant un vieux cinéma, entre les vies de gangsters de la Warner et les monstres d’Universal. C’était déjà le cas dans Batman : TAS, mais c’est ici une inspiration plus frontale dans l’écriture, l’image et même la musique. De ce côté, rien de transcendant, la bande originale lancinante pose l’ambiance, mais ne dégage pas de sentiments supplémentaires ou de thèmes personnels.
Concernant la direction artistique, le ton sépia est logique mais difficile de trouver ça spécialement marquant, surtout que la mise en scène ou la qualité de l’animation, plutôt correct au demeurant, n’arrive pas à compenser ce manque de percussion. Le plus stimulant visuellement restera les designs rétro des personnages qui ont beaucoup de charme.
Faire du neuf avec un Batman rétro
Heureusement, Batman : Caped Crusader a plein d’idées à partager dans son scénario, notamment avec de nouvelles versions de certains personnages. La part belle est aux antagonistes et à la police. Batman ne sert souvent que de figure de justice divine pour cette première saison, même s’il se dévoile timidement à quelques rares moments et vers les derniers épisodes. On se rappellera bien plus de la nouvelle Pingouin, une gangster à la fois haute en couleurs et intransigeante avec un impact surprenant sur la mafia de Gotham. Ou de ce Clayface qui complexifie le dévouement du personnage pour son art ou encore une Catwoman complètement désabusée par le milieu bourgeois et par la facilité dont elle se sort de tous les pétrins. Il y a aussi l’apparition de Nocturne, que Bruce Timm a toujours voulu utiliser. Loin d’un love interest pour Bruce, elle est ici dans un freak show, lieu qui, avec les plateaux de cinéma ou le cabaret du Pingouin, évoque aussi un cinéma d’antan, ce qui ancre une époque et donne vie à Gotham et à cet univers.
Il nous faut bien entendu parler de Harley Quinn, qui est développée sans l’ombre du Joker dans Batman : Caped Crusader. Plus complexe, cette version ambiguë renoue avec sa fonction de psychiatre et propose certaines des relations entre personnages les plus intéressantes à suivre. Le fil rouge concerne Harvey Dent qui est, à l’image de la série, moins extravagant. Sa maladie mentale est moins fantasmée, présentant une bipolarité et une transformation plus crédible. Son origine de super-vilain a été racontée un nombre incalculable de fois et on l’a connu plus dramatique, mais la série peut se vanter de complexifier Harvey quand il est encore procureur. Son code moral est mis à l’épreuve par la pègre tout du long, il doute beaucoup, alors qu’il doit montrer un visage de procureur sans peur et sans reproche et feint une prétention auprès de la police et de la pègre.
Adieu les belles nuits rouges de Gotham, Batman : Caped Crusader sombre dans le sépia dans des récits dignes d’un Hollywood doré et des comics pulp. La maturité promise par le grand Bruce Timm n’est pas visuelle, elle se trouve dans la complexité des personnages et de leurs histoires. Moins dramatique que Batman : TAS, mais plus subtile sur des thèmes pourtant similaires, c’est avec beaucoup de plaisir qu’on redécouvre cet univers avec des antagonistes remodelés, mais toujours fascinants. Elle n’aura peut-être pas l’aura de sa grande sœur, mais la première saison de ce Batman rétro nous a séduits.
Batman : Caped Crusader est disponible intégralement sur Prime Video.