Superman Lost est le dernier récit complet consacré à notre kryptonien à la cape rouge. Ecrit par Christopher Priest (Deathstroke Rebirth, Justice League Rebirth) et dessiné par Carlos Pagulayan, le récit retrace un voyage qui aura duré longtemps pour Superman et ses conséquences sur la psyché du héros. C’est une histoire très forte qui, si vous avez quelques acquis sur ce que représente Superman, ne vous laissera pas indifférent et vous fera comprendre pourquoi il est désormais perdu.
Nota Bene: L’intrigue et les révélations seront préservées pour vous laisser l’opportunité de découvrir l’œuvre. En revanche, pour rentrer dans le vif du sujet et aborder les messages de ce tome, de légères révélations sur d’autres œuvres à titre comparatif seront utilisées.
Superman, l’Homme à l’acier plié
Superman, appelé en urgence par la Justice League pour une mission de sauvetage en mer, rassure sa femme avant de partir. Mais ce qui aurait dû être une tâche simple tourne au drame. Emporté par un phénomène spatio-temporel, il se retrouve à l’autre bout de la galaxie, loin de chez lui, pendant 20 ans, alors que sur Terre seulement quelques heures se sont écoulées. De retour, il est bouleversé, comme si une partie de lui avait été arrachée. Les questions fusent : pourquoi cela lui est-il arrivé ? Comment est-il revenu ? Et surtout, est-il vraiment de retour ? Pourquoi ne peut-il pas reprendre le cours de sa vie malgré qu’il ait retrouvé ses proches ?
Christopher Priest aborde ces questions à travers une narration en deux temps. On suit le retour de Clark sur Terre, décrivant ses mois de lutte pour retrouver un sens à sa vie. Son incapacité à avancer affecte tous les aspects de son existence : en tant que mari, héros, kryptonien, et même journaliste. Bien que sa paternité ne soit pas explorée, Priest offre une profonde analyse du syndrome post-traumatique de Superman, dépeint subtilement dans ses relations, que ce soit avec sa femme, la Justice League, ou son psychiatre. À travers ces interactions, il devient évident que malgré son retour, Clark n’a jamais vraiment quitté la planète où il a vécu sa tragédie.
L’Odyssée d’un paragon
Dans ce monde sans nom, que Clark nomme affectueusement Kansas, deux factions se disputent : une génération Z satirisée, favorisant un système d’initiative populaire pour les lois, et une élite préoccupée par des enjeux majeurs et prête à décider pour les autres. Cette division conduit à un conflit incessant, plaçant Superman au cœur des tensions. Ironiquement, il est désapprouvé par chacun des groupes à chaque intervention, renforçant sa solitude. L’Homme d’acier, habituellement le paragon de vertu de l’univers DC, apparaît ici désarmé, incompris et peu soutenu, révélant ainsi une facette rare de sa personnalité.
Cette guerre l’engagera pendant des mois qui deviendront des années par la suite. Mais pourquoi s’entêter pour une planète qui prend les mauvaises décisions et qui ne souhaite pas apprendre de ses décisions? Parce que c’est Superman, c’est ce qu’il est et ce qu’il fait. Il place ses valeurs au-dessus de sa personne. Cette longue absence sera d’autant plus douloureuse car on comprend la raison de son mal être. Le personnage est déchiré entre Kansas et la Terre.
Témoignages et influences
Les scènes contemporaines captivent également, montrant l’investissement de l’auteur dans les personnages confrontés au stress post-traumatique, tels que Black Adam, Adam Strange et Supergirl. Leurs histoires, bien que terribles, démontrent leur résilience. Superman cherche des conseils pour avancer malgré son passé inaltérable, tandis que Lois Lane l’encourage à réagir tout en menant une enquête, déroutante au début, mais qui se révèlera cruciale au fil de la lecture.
En parallèle par rapport à d’autres auteurs, bien que les influences de Christopher Priest pour son Superman Lost soient perceptibles à travers diverses histoires et personnages, j’aurais aimé en savoir davantage sur ses propres inspirations. Ce type d’intrigue n’est pas nouveau dans l’univers DC. Jeff Loeb l’a déjà exploré avec Superman dans New Metropolis où il passe 1000 ans à combattre aux côtés de Wonder Woman. Plus récemment, Tom King a écrit un arc similaire dans Batman Rebirth où Batman est piégé dans un autre monde pendant 37 ans avec Wonder Woman. Personnellement, je suis particulièrement attaché au Superman Annual #11 d’Alan Moore, qui a inspiré un épisode (Ep.54) de la série animée Justice League, montrant un Superman emprisonné dans une utopie qu’il a dû abandonner.
En dehors de DC, vous avez le choix entre plusieurs medias entre les films (e.g. Interstellar, Buzz l’éclair, Edge of Tomorrow), les séries (e.g. Rick et Morty – S04E08) ou les romans (e.g. La Guerre éternelle).
En conclusion, il est clair que Superman Lost est un récit atypique par son approche mais qui ne vous laissera pas indifférent. L’histoire se construit autour d’un sujet rare et touchant puisqu’il nous montre un Superman ravagé comme jamais par ce qu’il a dû renoncer pour retourner chez lui. Il ne faut pas considérer ce récit comme une histoire éphémère, car je pense que pour s’immerger complètement dedans il faut avoir lu quelques récits majeurs du personnage pour comprendre que la grandeur de Superman provient avant tout de ses actes.
« It’s not about where you were born. Or what powers you have. Or what you wear on your chest. It’s about what you do… It’s about action » (Kal-L de Terre 2 , voir Infinite Crisis Tome 5)