Suite à la relance du titre Batman (2016), sous l’appellation Batman Dark City, après les passages des scénaristes Tom King et James Tynion IV, on avait pu voir le premier travail de Chip Zdarsky dans le tome précédent. Un tome dont la narration résonnait plus comme un hommage car l’histoire reprenait des éléments clés parus dans l’arc de La tour de Babel sur la Justice League of America en 2000 par Marc Waid et du Batman de Zur-en-arrh réactualisé en 2008 par Grant Morrison. On pouvait (enfin) voir un Batman subissant le deuil de Alfred, mais aussi la crainte de perdre d’autres membres de son entourage proche. Bien entendu, c’était sans compter l’activation d’un protocole de sécurité du nom de Failsafe qui mis un terme à la vie de Batman. En fait, pas exactement car en physique/chimie, rien ne se perd, tout se transforme, l’arme utilisée contre Bruce l’a désintégré de son univers pour le réintégrer dans un autre. Dans ce deuxième tome, vous découvrirez où Batman a atterri, les protagonistes de cet univers alternatif et surtout comment il tentera de retourner chez lui.
Après le Flashpoint, voici le Batpoint?
Le premier constat après la lecture de ce deuxième tome, c’est son changement de rythme qui tranche radicalement avec le précédent tome. Ici, nous sommes plutôt sur un produit plus terre-à-terre, plus citadin. Ce qu’il faut essayer de comprendre pour mieux se projeter, c’est que Batman débarque dans une Gotham City corrompue qui n’a jamais connu de Chevalier Noir. Bruce, par ses souvenirs et ses expériences sur la nature humaine va tenter d’installer le Batman dans la ville. On retrouve certains codes narratifs relatifs à la construction du mythe d’un héros: ses alliés, ses ennemis, l’environnement qui l’entoure, le costume etc… Vous l’aurez compris, il n’y aura pas de Justice League, de Robin, de batcave ou de gadget technologique. C’est un peu l’exemple du jeu vidéo que vous avez maitrisé pendant des centaines d’heures, puis qu’on vous impose de tout recommencer depuis le début sans aucun atout hormis votre grande connaissance des niveaux effectués.
Cette première partie de l’histoire rappelle foncièrement le récit Flashpoint de Geoff Johns lorsque Barry Allen/Flash débarque dans un univers et qu’il ne peut se fier qu’à sa connaissance des lieux et des personnes pour progresser. Ce qui est différent avec Chip Zdarsky, c’est qu’il caractérise Batman comme quelqu’un de très solitaire qui doit se débrouiller seul autant que possible. Et ceci, bien que correct dans son traitement, n’a rien de très original car cela s’est déjà vu des dizaines de fois dans d’autres histoires par d’autres scénaristes. Toute comme l’identité de l’antagoniste que vous devinerez certainement si vous prêtez juste attention à la couleur et la silhouette de son couvre-chef. Quant à la fin, c’est un enchainement de scènes fan-service sur le Multivers telles que certaines productions hollywoodiennes essaient de nous vendre la coolitude depuis 3-4 ans (coucou aux films Flash et du MCU). Ca reste très sympa en terme d’instant nostalgique, mais c’est très éphémère dans les mémoires une fois qu’on referme le livre.
Batman & Robin vs Dark City
J’aurai pu m’attarder longtemps sur l’intérêt de coller du Multivers pour jouer sur les infinies versions d’un héros histoire de brosser les fans dans le sens du poil, mais je préfère me concentrer sur la caractérisation de Batman et de Robin (Tim Drake). Le premier n’est pas ressorti complètement indemne de sa confrontation à Failsafe. Si physiquement ses blessures vont guérir, au niveau psychologique Batman souffre d’hallucinations dont il reste à déterminer encore les réelles conséquences. Ceci est surement dû à l’éveil de son autre personnalité, le Batman de Zur-en-arrh. L’auteur semble encore vouloir développer des intrigues de ce côté là. Quant à Robin, cela fait longtemps qu’on n’avait pas eu de développement sur ce personnage, son rapport avec Bruce bien sur, mais aussi dans sa vie personnelle et enfin son côté investigation tel un détective. Il interroge, rassemble des preuves, suit des pistes et arrive à des conclusions argumentées.
Enfin, un petit mot sur la partie graphique. Jorge Jimenez s’en est allé pour laisser le crayon à Mike Hawthorne, un dessinateur qui a travaillé sur Batman: Gotham War ou Wonder Woman Evolution ainsi que d’autres travaux chez la concurrence Marvel. C’est un style qui remplit je pense le cahier des charges, mais qui est différent de celui de son collègue. Ca reste assez mainstream dans la forme. Ca manque de détails dans les décors ou dans la volonté de présenter des pleines pages. Il est également crédité un bref passage de Mikel Janin (très connu pour être le dessinateur principal de Batman Rebirth) et de Jorge Jimenez qui signera son retour pour le troisième tome à venir.
En résumé, le deuxième tome de Batman Dark City constitue la suite narrative directe autour de la défaillance de la psychée de Batman. Tout d’abord mis en difficulté par…lui-même dans le premier tome, puis abandonné dans un monde qui ne le reconnait pas dans ce second arc, Chip Zdarsky vise à déconstruire ce qui faisait l’inébranlabilité du héros. D’un autre côté, le scénariste redonne ses lettres de noblesse à Tim Drake, le troisième Robin, qui apparait comme un vrai pilier de soutien pour le Chevalier Noir, peu importe la nature de l’obstacle qui lui fait face. Différent de par un changement de rythme plus lent, voire plus prosaïque, Batman Dark City reste une série d’intérêt à suivre si vous êtes un.e lecteur.rice qui cherche autre chose que de l’explosion ou de la bagarre vide de sens.
- Scénario: Chip Zdarsky
- Dessins: Mike Hawthorne
- Collection: DC Infinite
- Contenu: Batman #131-135
- Pagination: 208 pages
- Prix: 21€
- Date de sortie: 6 octobre 2023
- Voir sur le site d’Urban Comics
Depuis la disparition de Batman, les rues malfamées de Gotham sont aux mains des pires criminels, et des individus tels que Killer Croc ou Harvey Dent brutalisent la population en toute impunité. Qu’est-il arrivé au Chevalier Noir ? Comment peut-il rester sourd aux appels de ceux qu’il s’était pourtant juré de protéger ? Traqué par un certain « Red Mask », reste-t-il même à Bruce Wayne une infime possibilité de sauver sa peau avant de voir sa ville s’écrouler ?