Après le premier numéro de cette collection One Bad Day consacré au Sphinx, vient le tour de celui de Double Face. Ici, on change d’équipe créative, à commencer par la scénariste qui n’est autre que Mariko Tamaki, la personne en charge de l’écriture des récits Batman Detective Infinite. Comme le précédent volume, l’histoire se situe hors-continuité et nous plonge dans la psyché de Harvey Dent, de ce qu’il représentait avant sa défiguration, et s’il lui reste un fond d’humanité après avoir adopté l’identité de Double Face. C’est également un récit court, donc il ne sera aucunement question de révéler les enjeux, juste gratter la surface et partager les impressions à la fin de cette lecture.
LE REVERS DE LA MÉDAILLE (OU DE LA PIÈCE)
Afin de débuter cette lecture dans les meilleures conditions, ce volume évoque deux évènements qui concernent Harvey Dent: No Man’s Land et Un Long Halloween. Je vous le dis tout de suite : aucune de ces lectures n’est indispensable, elles vous montreront explicitement les scènes dont il est question dans les dialogues et les cases de flashbacks. Cependant, je ne peux que vous recommander vivement leur lecture, notamment Un Long Halloween qui, en plus d’être un pur chef d’œuvre en terme de narration et de caractérisation, est un récit qui a profondément ébranlé la vision de Batman vis-à-vis de sa relation avec ses alliés du système judiciaire. Double Face étant le vilain de ce récit, il est très bon de noter qu’on ne s’intéressera pas du tout au chef de gang, mais plutôt aux réminiscences de Harvey Dent. Heureusement d’ailleurs, les histoires uniquement centrées sur Double Face sont redondantes, et ne prennent une réelle dimension que lorsque Harvey Dent est impliqué.
En effet, que ce soit aux yeux de Gotham City, de Jim Gordon, de Batman et bien plus encore, Harvey Dent était un véritable symbole d’espoir dans la lutte contre le crime. Un chevalier blanc incorruptible frappé par le drame qui lui est arrivé lors du procès d’un chef de la pègre (encore une fois, référez-vous à Un Long Halloween). C’est cette base que semble exploiter la scénariste Mariko Tamaki, et qu’elle utilise pour développer sa propre histoire. Le maire croit à l’opinion de Jim et de Batman, et décide d’accorder une unique opportunité pour se racheter aux yeux de la société. Harvey Dent lui en est reconnaissant, mais une mystérieuse lettre de menace vient perturber cette situation, d’autant plus qu’elle s’adresse à son père. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Tels seront les doutes que devront lever Batman et Harvey dans ce récit.
UN JOLI SOUFFLET QUI S’EFFONDRE UN PEU
Si le début de l’histoire, sa forme et son fond sont solides, le dernier acte n’a pas fonctionné. Pourquoi ? Parce que ce fut prévisible. Pour celles et ceux qui découvrent le personnage, il y a de fortes probabilités que ce récit vous accroche jusqu’à la dernière page. Mais pour les autres qui ont lu quelques récits sur ce personnage (No Man’s Land, Harleen, Batman et Robin, Batman Detective ou Batman Terre-Un), la surprise ne fait plus effet, malgré une construction solide du scénario. Aujourd’hui, Double Face est trop souvent campé au rôle de vilain lambda qui se différencie des autres par son physique atypique. Malheureusement, Mariko Tamaki n’apportera rien d’original à ce constat.
J’ai lu des récits, joué aux jeux et vu les adaptations animées comme cinématographiques qui traitaient de Double Face. Tous font mouche en traitant de la transition du brillant Harvey Dent vers le sombre Double Face. Parfois, on est si plongé dedans qu’arriver au moment fatidique, on ne peut que vouloir renoncer à croire que la Justice peut vaincre la Criminalité, qu’elle ne peut que la repousser sans jamais la faire disparaitre. Bien entendu, par la suite, de nombreux scénaristes ont exploité cet aspect jusqu’à saturation car tout semble avoir été dit au bout du compte. Le vrai intérêt de ce personnage réside dans sa chute, et non dans les tentatives de le faire sortir des ténèbres, surtout si le statut quo s’en mêle. Dommage, venant de la part de ce elseworld.
A l’instar de son personnage, ce numéro de One Bad Day divisera les lecteurs. Harvey/Double Face peut-il être sauvé ? D’une part, si vos connaissances se limitent au simple nom du vilain et de son ancienne profession, alors il y a des chances que cela vous accroche. D’autre part, passez votre chemin. Ce récit constitue une histoire sans réelle saveur pour celles et ceux qui ont déjà croisé le personnage dans leurs lectures. Heureusement, Mariko Tamaki se concentre essentiellement plus sur Harvey Dent que Double Face, mais elle ne révolutionnera en rien l’approche de ce personnage emblématique.
- Scénario: Mariko Tamaki
- Dessins: Javier Fernandez
- Collection: DC Deluxe
- Contenu: Batman – One Bad Day : Two-Face
- Pagination: 72 pages
- Prix: 15€
- Date de sortie: 7 avril 2023
- Voir sur le site d’Urban Comics
Si Harvey Dent n’avait pas été défiguré à l’acide, peut-être aurait-il pu continuer à oeuvrer du côté de la loi en tant que procureur. Peut-être serait-il resté l’allié de Batman, aux côtés de Jim Gordon… Quoi qu’il en soit, Harvey Dent est aujourd’hui libre, apparemment débarrassé de sa double-personnalité criminelle. Mais lorsque son père de 88 ans est menacé, l’ancien monstre de foire menace de réapparaître. Tout se jouera à pile ou face.
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