Après une longue attente qui commençait à se faire sentir, Urban Comics sort enfin le troisième et dernier tome consacré à la Justice League sous la plume de Joe Kelly. Cette fois-ci, il sera question de nous intéresser à un nouveau groupe appelé Elite dont le nom n'est pas choisi au hasard. En effet, les membres de l'Elite ont pour vocation de nettoyer la planète des criminels, et on peut dire que leurs méthodes sont très purgatives.
DEUX CRÉDOS QUI SE RENCONTRENT
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est possible que vous ayez déjà entendu parler de l'Elite si vous avez vu le film d'animation de 2012 : Superman vs Elite. Ce film introduit ce nouveau groupe composé de métahumains, mené par Manchester Black, et sa rencontre avec Superman, dont les valeurs ne sont pas du tout partagées. D'ailleurs, le premier chapitre de ce volume est le récit qui a servi 100% à l'adaptation du film et pour un résultat très fidèle. Manchester Black expose sa vision de lutte contre la criminalité, la corruption, la dictature et ce, sans limite morale ou de frontière. Pour lui, un aller simple dans une prison suivi d'une remise en liberté est un traitement inutile à cause du risque de récidive. Les sentiments de vengeance, de châtiment, ou de "ras-le-bol" sont des raisons légitimes pour vouloir y mettre un terme définitif. Il faut agir de manière directe et expéditive si l'on veut éliminer la menace.
Bien entendu, cela n'est pas du tout du goût de Superman pour qui les valeurs de liberté et justice sont essentielles. Le récit prend un tournant intéressant lorsque le scénariste Joe Kelly met en avant l'opinion publique où celle-ci est partagée. Certains sont en accord avec Manchester Black, et d'autres restent du côté de Superman. Par exemple, la scène des enfants qui se mettent en scène dans un jeu de rôle Superman contre l'Elite est relativement forte et lourde de sens. La fin de ce récit agit comme une petite claque de rappel que nul n'est au-dessus de la liberté et de la justice. En effet, si c'était le cas, il n'y aurait plus de limites et seuls les puissants domineraient. C'est un excellent numéro pour introduire la suite du propos avec la maxi-série Justice League Elite.

JUSTICE LEAGUE SANS FRONTIÈRES
On suppose qu'il s'est écoulé plusieurs semaines, et une deuxième équipe appelée également l'Elite apparait, avec à sa tête une certaine Sœur Supérieure, la petite sœur de Manchester Black. On apprend à travers quelques cases de flashback que ce dernier s'est donné la mort après avoir échoué à faire basculer Superman. Urban Comics a décidé de ne pas inclure ce passage car cela aurait semblé trop artificiel, le suicide de Manchester Black occupant une toute petite partie d'un arc narratif bien à part. La nouvelle Elite n'est pas différente de la première dans le sens où elle a les mêmes objectifs mais pas les mêmes méthodes punissantes. Cette nouvelle stratégie s'avèrera payante et opportuniste, ce qui créera une dissidence au sein de la Justice League dont pas moins de 5 de ses membres (Flash, Green Arrow, Major Desastre, Manitou Corbeau et Aube) changeront de camp: la Justice League Elite est née.
Désormais ses rangs gonflés à bloc, on obtient ainsi un groupe très hétéroclite dont on aura l'occasion de voir les relations évoluer et s'entremêler. Contrairement à l'ancienne, la nouvelle Elite s'est jurée de ne jamais agir à découvert ou de causer la mort, et de toujours privilégier la discrétion. Elle ne souhaite pas exister aux yeux des autorités, ce qui lui permet pas mal de possibilités de manœuvres telles qu'envoyer balader la diplomatie, ne pas lésiner sur les interrogatoires forcés, l'infiltration, l'excès de coups & blessures, les menaces, les mensonges etc... Malheureusement, cette entreprise va se retrouver perturbée par un drame survenu lors d'une mission avec l'assassinat d'un dictateur. Tout semble accuser Elite, et la vraie question est de savoir qui a osé franchir la limite. Vous l'aurez compris, la partie principale de ce volume est consacrée à une enquête interne de l'Elite car, hormis Flash et Green Arrow, tous les membres sont des suspects potentiels.

UNE CARACTÉRISATION AVEC QUELQUES DENTS DE SCIE
Loin de là à dire que la caractérisation est mauvaise, au contraire, elle n'est pas équilibrée pour tous les personnages. Tout d'abord les points positifs. Les personnages sont tous des marginaux (enfance difficile, rapport répulsif avec la société), ce qui donne une autre dimension que celle du héros traditionnel. Puis voir l'évolution des personnages tels que Major Desastre, Manitou Corbeau ou Aube est plus intéressant que de revenir une énième fois sur Batman ou Superman. Quant aux nouveaux personnages, on est aussi agréablement surpris. Sœur Supérieure, Naif al-Sheikh, Kasumi, ou Coldcast sont bien construits et leurs motivations sonnent juste. Les vrais bémols sont la raison de la présence de Flash et de Green Arrow. Le premier donne une justification plutôt bidon pour rejoindre l'Elite, et Joe Kelly ne creusera jamais vraiment pourquoi. Quant au deuxième, disons qu'être avec Black Canary devait être frustrant à la longue. Le scénariste avait juste besoin de la présence d'un speedster et d'un stratège au sein de son équipe, point barre.
Enfin, pour ce qui est du dessin, Doug Mahnke est de retour et ce, pour notre plus grand bonheur. Joe Kelly aura su garder ce dessinateur pour la quasi-intégralité de son run sur la JLA. Le style de Mahnke a bien évolué entre le premier et le troisième volume. Son trait est plus- affiné et confère à l'artiste une vraie caractéristique propre, qualité que l'on retrouvera à nouveau dans Green Lantern, Batman Detective, La Colère de Black Adam, Final Crisis ou plus récemment Superman Rebirth. De plus, ce troisième volume était l'occasion de s'essayer à de nouveaux personnages car ici la Justice League n'apparait que dans 30 pages maximum sur les 400 au total.

Sans surprise, si vous avez aimé tout le travail de Joe Kelly sur les deux premiers volumes, celui-ci devrait remporter le même succès en terme de lecture, de narration, de caractérisation et d'action. Le scénariste offre également une qualité de travail dans la droite lignée de ce qu'avaient fourni Grant Morrison et Mark Waid, à savoir des intrigues psychologiques intéressantes, rythmées, et qui touchent tout un large panel de héros/vilains. En revanche, si vous êtes fan de Flash ou de Green Arrow, vous risquez d'être surpris de la caractérisation que l'auteur a fait d'eux. De toute manière, c'est souvent le grand défi d'un récit Justice League que de satisfaire tout le monde. C'est un peu comme lorsque vous trouvez une pépite d'or. Il y aura toujours quelques impuretés, mais vous êtes contents de l'avoir entre les mains.
- Scénario: Joe Kelly
- Dessins: Doug Mahnke
- Collection: DC Signatures
- Contenu: JLA #100 + JLA Secret Files & Origins 2004 + Justice League Elite #1-12 + Action Comics #775
- Pagination: 400 pages
- Prix: 35€
- Date de sortie: 10 février 2023
- Voir sur le site d'Urban Comics
Rien ne va plus au sein de la Ligue de Justice ! Confrontés à un monde qui chaque jour se montre plus violent, les héros envisagent d’endosser un rôle plus proactif. Les avis sont partagés, la discussion s’avère impossible et, à l’initiative de Flash, certains membres quittent l’équipe et rejoignent Vera Black et sa nouvelle union, l’Élite. Mais Superman et les derniers justiciers fidèles à l’idéal du groupe se méfient de Vera. Après tout, n’est-elle pas la soeur du redoutable et manipulateur Manchester Black ?