Toujours porteur du titre de Superman, Jon Kent continue de faire face aux défis que la cape incombe. Dans les pages de Son of Kal-El, Tom Taylor a choisi de faire du jeune homme le nouvel espoir d’une génération consciente des nombreux enjeux vitaux qui se jouent actuellement pour son avenir. Voilà ce que nous proposait et promettait le premier tome, qui nous avait globalement assez convaincu. Il est temps de voir désormais si l’auteur parvient à tenir sa parole pour le moins ambitieuse avec ce second tome.
Des épaules allégées
On l’a vu dans la review du précédent tome, Tom Taylor a choisi de faire peser un certain poids sur les épaules de son héros, et par extension sur les siennes. Dans un univers comics rempli de fantaisies, Jon Kent devait s’attaquer aux problèmes réels qui assaillent tout autant notre monde que le sien. Dans ce second tome, l’auteur se concentre en revanche quasi exclusivement sur la menace constituée par Henry Bendix, dirigeant d’une nation fictive d’où provient une vague d’émigration importante. Si cet antagoniste permet en effet d’aborder certains sujets sociaux, cela manque clairement de courage et de prise de risque.
Dès le début de ce tome se trouve un élément assez évocateur de cela. Le premier numéro collecté ici montre en couverture Superman (Jon Kent) et Aquaman (Jackson Hyde) mener une marche pour le climat, devenant ainsi des figures de premier plan dans la lutte politique contre le réchauffement climatique. La réalité du numéro se trouve en revanche bien décevante sur cet aspect puisque cette marche y est complètement absente et le climat évoqué simplement en toile de fond. Le récit ne manque certainement pas de qualité, on y reviendra, mais ce n’est certainement pas aussi audacieux que ce qu’on pouvait en attendre.
L’aspect bénéfique de cette perte d’ambition est un certain gain de sobriété. Là où Jon était dans le premier tome sans cesse comparé à son paternel, Taylor lui permet désormais d’exister tel quel, sans être en compétition avec qui que ce soit si ce n’est lui-même. En réalité Jon n’a pas besoin d’être meilleur que Clark, personne ne le lui demande, pas même le lecteur : le voir porter le même regard et la même considération envers toute vie, humaine ou pas, suffit à le rendre digne. La lecture n’en est que plus agréable, et parfois même plus percutante, comme quand Taylor nous montre implicitement que même un Superman ne peut être de taille face à l’ampleur des catastrophes naturelles, renforçant alors le maigre propos écologique du titre.
Superman & friends
Dans les pages du titre Nightwing Infinite, Tom Taylor nous promettait un crossover avec Son of Kal-El, et c’est désormais chose faite. Aucun besoin d’avoir lu les aventures de Dick Grayson pour suivre ce court récit dont les deux numéros sont collectés ici, ainsi que dans le titre associé à Nightwing. Si jusque là on pleurait la disparition des géniaux Super Sons, l’auteur nous offre à leur place une nouvelle dynamique qui fonctionne incroyablement bien avec ce Jon plus âgé. Leur relation ne se limite d’ailleurs pas à un crossover mais persiste dans les numéros suivants, Dick se révélant être un véritable ami et conseiller.
Ce n’est par ailleurs pas le seul personnage que Tom Taylor sort de sa besace personnelle puisque les Révolutionnaires font également leur retour après leur création dans sa série Suicide Squad Renégats. L’auteur assure ainsi une forme de continuité entre ses œuvres, mais également avec celles de ses prédécesseurs puisque sont explicitement référencés les runs Superman de Peter Tomasi et de Brian Bendis. Taylor s’appuie sur ceux-ci pour mieux construire son personnage et parvient même à transformer de sinistres errances en quelque chose de beau. Son of Kal-El est ainsi un titre profondément connecté, et Jon un héros bien entouré.
La place prépondérante des médias
Si l’information avait déjà une certaine place dans le premier tome à travers l’émission La Vérité, celle-ci devient quasiment un personnage à part entière tant elle devient centrale. Les interventions de Jon en tant que nouveau Superman sont logiquement scrutées de près, et tandis que certains louent son dévouement envers l’humanité, d’autres n’attendent qu’une erreur de sa part pour le mettre à mal, quitte à manipuler les faits. Cette place prépondérante est en fait loin d’être innocente puisque, consciemment ou pas, elle reflète en quelque sorte le vécu de Tom Taylor lui-même.
Premier auteur de ce nouveau Superman, c’est vers lui que se portent tous les regards. Si vous suivez Taylor sur Twitter, vous n’êtes pas sans savoir qu’à l’instar de son personnage, l’auteur subit aussi une certaine désinformation. On pense notamment à tous ces pseudo-journalistes clamant à tort que l’adage “go woke, go broke” (signifiant qu’être “woke” assure un échec) se vérifie avec Son of Kal-El, dont les ventes seraient en déclin en comparaison des aventures de son père, principalement en raison de la bisexualité de Jon. On imagine alors aisément en quoi il est si important pour l’auteur de mettre en scène un média indépendant ayant la recherche de la vérité pour moteur.
Cela dit, le traitement de ce média n’est pas tout à fait convaincant pour autant. Taylor accorde dès le départ à La Vérité une crédibilité parfaite quasi-digne du Daily Planet, mais sans jamais se soucier de la construire ou de lui donner une quelconque opposition. Si on comprend l’envie d’écrire un titre aussi bienveillant (surtout dans un tel contexte), il faudrait veiller à ne pas confondre simplicité et facilité, et encore moins quand on s’embarque dans un récit qui se veut aussi politique. Le traitement sans obstacle de la romance et du coming-out de Jon est en revanche très appréciable tant il évite de tomber dans l’écueil du drama déjà trop vu.
Si Son of Kal-El n’est pas à la hauteur des lourdes promesses prononcées dans le tome précédent, le titre n’en reste pas moins une lecture tout à fait agréable. Oui, il y a des choses critiquables comme le montre cette critique, mais Tom Taylor continue d’exceller là où on l’attend le plus, c’est-à-dire dans l’écriture de dynamiques réussies et d’une ambiance franchement positive. C’est un réel plaisir de suivre ce Jon en quête de légitimité et qui, sans toujours s’en rendre compte, prouve être un Superman à la hauteur d’un tel titre.
- Scénario: Tom Taylor
- Dessins: Bruno Redondo
- Collection: DC Infinite
- Contenu: #7-12 + Nightwing #89
- Pagination: 176 pages
- Prix: 19€
- Date de sortie: 14 Octobre 2022
- Voir sur le site d’Urban Comics
En prenant la suite de son père en tant que protecteur de la Terre, Jon Kent doit affronter son lot d’épreuves quotidiennes, qu’il s’agisse de calmer de gigantesques monstres marins ou de travailler au côté de son petit ami pour révéler la vérité sur les dirigeants corrompus de ce monde… Comme Lex Luthor et son allié Henry Bendix, dictateur du Gamorra. Les deux hommes semblent engagés dans une entreprise de décridibilisation de la communauté super-héroïque en vue de placer leurs propres agents. Aussi, leur premier objectif n’est autre que de gagner la confiance de la population et détruire la réputation grandissante de Kal-El.
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