On est le 1er octobre et il fait chaud, mais pas autant que la nuit où Johnny Viti s’est marié. Vous l’aurez compris si vous êtes aussi fan que moi de Batman : Un Long Halloween, il est temps d’ouvrir la spooky season avec l’adaptation animée de ce qui est pour moi le récit le plus important de la chauve-souris.
Le Whodunit gothamite
Les dessins de Tim Sale nous font déjà le plaisir d’être montrés au générique des deux parties. Il était à priori trop ambitieux de reprendre son style pour deux des cinq films que sortent DC et Warner Bros. Animation cette année. À la place, nous avons la même direction artistique que Superman : Man of Tomorrow ou le film Justice Society, avec ce cell shading autour des personnages, avec un grain plus terne évident quand on passe des rues de Metropolis aux nuits brumeuses de Gotham.
Un nouveau serial killer sévit dans la ville, son gimmick est de tuer des personnes de l’entourage du Romain lors des jours de fête, à commencer par Halloween bien entendu. Un jeune Batman (puisque c’est une suite spirituelle à Année Un) fait alors équipe avec James Gordon et Harvey Dent pour trouver le coupable tout en essayant de se débarrasser de la famille Falcone et de la pègre en général.
En terme d’ambiance, vous serez servis. On suit cette pure enquête pleine de rebondissements avec beaucoup de plaisir, que ce soit par l’animation ou par la narration, bien que le début galère à avancer. Le nombre de personnages est conséquent, plusieurs super-vilains arrivent à attraper leur petit moment de gloire malgré une durée encore trop courte pour retranscrire tout le comics. L’éveil de Double-Face est toujours un récit saisissant à suivre, tout comme la relation particulière qu’entretient Batman avec le Joker, qui se voit être plus ou moins l’ennemi principal du premier film. Petit plus, on retrouve Adrien Antoine en voix du Chevalier Noir, ce qui fait toujours plaisir.
Un Long Halloween raccourci
Les deux parties tiennent donc la route et sont même découpées proprement, mais il y a une certaine frustration qui peut se créer quand on se penche sur la fidélité d’Un Long Halloween. Il y a forcément des modifications compréhensibles dans une adaptation : on transforme certains moments en scène d’action ou on préfère rallonger des dialogues pour faire passer des émotions quand l’animation n’arrive pas à transmettre celles des dessins. Le scénariste Tim Sheridan préfère ajouter une scène hallucinée que certains attendaient sûrement en voyant débarquer l’Épouvantail, même si elle est absente du comics. Et pour compenser le temps d’écran, on enlève le chapitre sur l’Homme-Mystère, pourtant très intéressant pour le mystère et les fausses pistes qui l’entourent, ou on profite de l’éllipse de Poison Ivy pour caser quelques meurtres.
C’est autrement plus compliqué d’accepter des changements qui, à mon sens, enlèvent de la profondeur aux personnages. Je passe le fait que la relation entre Carmine et sa fille Sofia soit moins complexe, ou que Batman est un enquêteur vraiment bidon qui ne capte rien à ce qui se passe, ce qui est d’ailleurs ironique quand on connaît les résolutions du film et du comics.
ATTENTION PARTIE SPOILER
Je déplore déjà un manque de focus sur la vie de Gordon. Dans ce Triumvirat de la justice à Gotham, il ne devrait pas être tant en retrait. Notamment dans la deuxième partie, on ne le voit pas assez être un ami pour Harvey, et surtout on ne sent pas que leur femme se soutiennent beaucoup, qu’elles ont la vie dure par la situation professionnelle de leur mari. En fait, je comprends pourquoi cette partie est sacrifiée quand on voit la révélation finale. Gilda n’apparaît plus comme une femme fatiguée, mais toujours amoureuse de Harvey, prête à tout pour retrouver quelque chose à partager avec lui. Elle est plutôt une femme qui a connu une déception amoureuse à cause de la famille d’Alberto et a préparé sa vengeance, elle ne s’éprend que de Harvey après coup, alors qu’il est un moyen d’atteindre ses fins. Double-Face apparaît donc aussi comme moins tragique, car il ne protège Gilda qu’à la fin lors d’une rixe, alors que c’est en prenant le rôle de Holiday qu’il la protège dans les comics, tout en partageant ce combat et ce secret, « leur enfant » comme elle le dit.
Quant à Alberto, il est censé représenter le changement de Gotham. Mis de côté par son père à cause de sa faiblesse, il usurpe l’identité de Holiday pour pouvoir appartenir aux freaks, les super-vilains à gimmick qui gagnent en notoriété et qui menacent la mafia à l’ancienne. Le fait qu’il ait réellement commis certains meurtres dans le film animé le rend moins pathétique, mais le message sur l’évolution de la criminalité de Gotham persiste dans le fait que Carmine est assez désespéré pour engager certains super-vilains pour l’aider.
Il reste néanmoins moins prononcé que dans le comics Un Long Halloween et que dans une autre adaptation bien plus libre mais qui capte cette essence, ainsi que celle de la tragédie de Double-Face, pour en faire une œuvre incroyable : The Dark Knight de Christopher Nolan.
Batman : Un Long Halloween est une adaptation qui trébuche parfois sur des aspects pourtant clés en voulant à tout prix changer la résolution de l’histoire. Elle reste suffisamment intelligente pour retranscrire tout ce qui fait de ce récit le grand classique qu’il est et qui inspirera The Dark Knight au cinéma : une enquête troublante qui marque un tournant dans la vie de Batman, de ses alliés et de ses ennemis. On observe Gotham et son symbole Harvey Dent prendre un nouveau visage déchirant et perverti avec la mort de la pègre et le soulèvement des Freaks.