Devenue une sorte d’événement annuel, la collection de l’été proposée par Urban Comics est d’ores et déjà un succès assuré par l’éditeur. Avec une édition 2020 de haute volée, Urban Comics nous proposait un catalogue où Batman dominait (évidemment) mais qui se trouvait fort d’un titre Wonder Woman, Superman, Injustice ou encore le Justice de Alex Ross. Urban Comics va devoir rivaliser avec une sélection de très bonne références modernes. Mais que va donc nous proposer l’éditeur français de l’univers DC Comics ?
Pour ça, on vous sert ici une sélection aux petits oignons. Une review de la collection complète proposée par Urban Comics pour vous aider à choisir ces récits plus (ou moins) cultes de l’univers DC. Récit complet, réédition ratée, point d’entrée idéal, on tire ça au clair.
Urban Comics : Une politique éditoriale différente ?
Et bien la politique éditoriale semble avoir été complètement revue et semble un peu frileuse vis-à-vis des récits sélectionnés. Toujours plus de Batman, comme pour assurer un succès coûte que coûte. Et la forme dénigre grandement les histoires choisies. Si Batman VS Bane conserve encore son sens avec une opposition frontale entre les deux personnages, ce n’est absolument pas le cas d’autres albums comme Batman VS le Pingouin. On se retrouve même avec des titres « mensongers » comme avec L’Asile d’Arkham entrainant une confusion (volontaire ?) avec le récit culte de Grant Morrison et Dave McKean. Il s’agit en réalité de l’album Les Patients d’Arkham de Dan Slott et Ryan Sook – bien moins mémorable.
Néanmoins, l’expérience des lecteurs semble avoir été entendue. Vous souvenez-vous de ces gros pavés qu’étaient Injustice et Justice League : La Promesse ? Ces éditions si épaisses que de nombreux exemplaires se retrouvaient rapidement usés et surtout, avec des pages volantes. L’édition est bon marché, et à raison par rapport au prix extrêmement bas. Par rapport à ces plaintes, Urban Comics a appris de son erreur et propose des albums plus fins, assurant un meilleur maintien de l’édition. Pour autant, l’éditeur ne lésine pas sur le contenu et si on ne dépasse pas les 300 pages, ces albums sont tout de même à une moyenne d’environ 200 pages chacun pour 4,90€.
Récits complets : les points d’entrée
Généralement les plus recherchés, les récits complets sont aussi des albums de qualité, des perles qui mériteraient plus de reconnaissance. On compte ici tout de même Joker : Mauvaises Fréquentations, le Joker de Brian Azzarello et Lee Bermejo. Une histoire explorant le caractère bien spécifique du Joker à travers sa relation évoluant avec Jonny Frost, un petit voyou en quête de gloire à Gotham. Un concept particulier pour une histoire qui se veut surtout contemplative. Un récit qui se suffit à lui seul, teinté de défauts comme le double encrage du dessin de Bermejo qui souffre d’une comparaison au style actuel.
On retrouve au sein de cette collection d’autres récits complets, comme Batman VS Le Pingouin, reprenant le contenu de l’album La Splendeur du Pingouin. L’histoire est celle de ce personnage ambitieux, menaçant, et pourtant loin des codes du super-vilain puissant et physiquement imposant. En s’attaquant à son passé et à ses motivations présentes, Gregg Hurrwitz donne à ce personnage une nouvelle dimension. Dans le respect du personnage burlesque, il en fait ressortir un être torturé rappelant pour beaucoup le traitement qu’il a pu subir dans Batman : Le Défi de Tim Burton. La véritable force de ce récit complet réside dans la juste mesure. La narration nous donne les outils pour comprendre le personnage, nous laissant face à ce contraste perturbant entre son enfance et sa vie actuelle de criminel. Si une forme d’empathie naît de tout cela, elle est constamment perturbée par la cruauté dont il fait preuve. Un véritable coup de cœur pour ce récit devenu un point de passage obligatoire concernant le Pingouin.
Petit cas particulier, Les Sirènes de Gotham. Cette série fait partie des meilleures lectures concernant le personnage de Harley Quinn, et pourtant, ce titre datant de 2009 n’a connu sa première publication française qu’en 2020. Notre édition de l’été reprend les 8 premiers épisodes de la série, là où l’album regroupait les 9 premiers. Un écart qu’on ne comprend pas vraiment dans les choix de l’éditeur, toujours est-il qu’il est bien dommage de se priver de ces épisodes écrits par Paul Dini and Marc Andreyko. Cette série est initiatrice de l’univers moderne de Harley Quinn, l’inspiration première de la récente série animée. On y trouve toute la collaboration entre Harley, Ivy et Catwoman, dans l’univers sombre de Gotham où vivent divers personnages connus. Vous y croiserez le Sphinx, Batman, et d’autres personnages dans des situations pour le moins cocasses. Paul Dini a ce savoir-faire où l’humour de ses personnages s’intègre parfaitement à l’univers de Gotham, sans nuire à cette part sombre nécessaire à la vie de cet univers.
Dernier récit complet de la collection : L’Asile d’Arkham. Et non, rien à voir avec L’Asile d’Arkham de Grant Morrison et Dave McKean (que nous vous recommandons fortement au passage). Sans doute Urban Comics souhaitait jouer de la renommée de cette histoire pour en vendre une autre, car le contenu reprend l’album Les Patients d’Arkham de Dan Slott et Ryan Sook. S’il s’agit d’un récit complet, c’est sans doute le seul avantage de cette histoire focalisée sur la vie à Arkham. Un récit qui aurait sans doute gagné à être plus contemplatif. Dan Slott livre une histoire très convenue, impactant avant tout le personnel d’Arkham. Rien de bien folichon dans cet album qui n’est au final qu’une curiosité pouvant intéresser certains mordus des jeux Arkham et qui y retrouveront quelques personnages comme Aaron Cash.
Les albums hors-contexte
On touche désormais à un problème de taille concernant cette nouvelle collection. Rappelez-vous, un an auparavant. Urban Comics proposait une série de titres Batman. Ces histoires étaient complètes : Batman : Silence, Batman : Le Chevalier Noir. Celles se trouvant en dehors de cette optique de récit complet avait au moins l’avantage de proposer une histoire complète et pouvait être complété (Batman : La Cour des Hiboux, Joker : Un Deuil dans la Famille).
Ici, rien de tout ça. Et ce facteur nuit à la lecture de trois albums.
Dans l’épisode précédent…
Batman VS Bane met en avant une confrontation colossale entre les deux ennemis. Batman va tenter de récupérer le Psycho-Pirate à Santa Prisca, cette prison où Bane règne en maître. Bien loin de Gotham, Batman va se lancer dans une mission suicide qui entrainera une lutte violente. Gotham sera mise en jeu, et Tom King y livre une parfaite réflexion du comics moderne, révélant la nature des confrontations entre Batman et Bane.
L’album reprend les épisodes #9-13 et #16-20. Ce choix de publication est assez dérangeant. S’il ne supprime pas la qualité de l’arc en question, il place le lecteur dans une situation tout de même problématique. D’un côté, la présentation de ce Batman inarrêtable dans Batman Rebirth Tome 1 donne du sens à ce sentiment d’invulnérabilité et les risques conséquents que prend la chauve-souris sans sourciller. Et même si Batman VS Bane offre ce que ce premier acte a de plus important, cet album n’est qu’une introduction à un run ayant besoin d’être lu dans son intégralité.
De l’autre côté, Batman VS Deathstroke est un cas plus problématique encore. Il s’agit d’une remise en question de taille : Batman est-il véritablement le père de Damian ou serait-ce Deathstroke ? Bruce va tout faire pour remettre son fils sur le droit chemin alors que Damian vit une énième crise d’identité. De son côté Slade y voit l’occasion de réussir une vie de père, alors que toute sa famille se retourne contre lui. Une écriture familiale intelligente et justifiée dans l’idée où Damian conserve une nature d’assassin, et où Deathstroke pourrait faire office d’une figure paternelle, peut-être plus en accord avec l’identité de Damian que Bruce, cherchant à retenir ses envies de meurtre.
Batman VS Deathstroke est un album que Urban avait décidé de publier comme un one-shot. Chose qui nous dérangeait déjà à la sortie. Et oui, Batman VS Deathstroke n’est pas censé mettre en avant Batman, mais bien Deathstroke puisqu’il compile Deathstroke #30-35, que Urban a complété avec les #6-8. Ce qui veut dire qu’il vous manquera 29 épisodes pour saisir tout le contexte dans lequel baigne Deathstroke, mais qu’en plus, après ça, vous pourrez lire 3 épisodes isolés en lien avec une première partie manquante, et amorçant une intrigue que vous ne pourrez pas lire.
Il n’est pas ici question d’un problème de continuité. Ces deux séries sont très bonnes chacune dans leur domaine et profitent de très bonnes équipes créatives. Mais quitte à mettre en avant ces séries, pourquoi ne pas publier un premier album ? Une introduction à la série à un prix réduit, comme avait pu l’être Injustice ou Batman : La Cour des Hiboux l’année dernière.
En l’état, ces deux albums sont très bons, si vous souhaitez goûter à un des nombreux climax qui rythment ces deux séries. Un essai qui vous révélera certains éléments et qui vous confortera dans l’achat des albums librairies.
Le cas Justice League : Forever Evil
Retour à l’époque des New 52 ! Vous rappelez-vous de Forever Evil ? Alors que la Justice League a mystérieusement disparu, ne reste que les grands vilains de l’univers DC pour se dresser contre une le Syndicat du Crime, une Justice League maléfique venue d’une terre parallèle.
Evènement décrié (à tort ou à raison), Forever Evil se hisse comme ce qui a été le plus simple à digérer parmi cette période. Sorti comme étant le Dark Reign de l’univers DC, il faut encore se rappeler que Trinity War en était le Secret Invasion. Autrement dit, Forever Evil perd beaucoup de son sens si vous n’avez pas lu Trinity War qui lui sert d’introduction.
Néanmoins, on doit reconnaitre un bel effort de la part d’Urban qui ne se limite pas au simple événement et offre les tie-in du titre Justice League. De très bons compléments aidant à bien comprendre la progression de l’histoire. Ce qui fait de Justice League : Forever Evil un événement qui souffre d’un manque de contexte, mais offrir le même contenu que Justice League L’Intégrale Tome 3 pour 4.90€.
Vaudrait mieux éviter…
La collection de l’été compte toujours du Harley Quinn. Et si on était pourtant bien servi avec Les Sirènes de Gotham, Urban Comics continue de capitaliser avec Harley Quinn et la Suicide Squad. A bien y réfléchir, il aurait été sans doute intéressant de proposer les premiers épisodes de la série de John Ostrander puisque le public demandeur de cette collection est d’ores et déjà un public lecteur. Alors à quoi bon nous ressortir une période Rebirth très en deçà de certaines séries méritant plus de visibilité ? On peut penser à Deadshot et les Secret Six de Gail Simone ou aux mini-séries Deadshot des années 80. Des petites perles perdues parmi les publications de l’éditeur.
Au lieu de ça, Harley Quinn Rebirth et Suicide Squad Rebirth servent de substitut afin de ne pas décevoir un public s’étant limité à l’adaptation de David Ayer, alors que la Suicide Squad de James Gunn s’apprête à sortir, et assurément plus fidèle au run de Ostrander. Toujours est-il que Harley Quinn Rebirth comme Suicide Squad Rebirth feront l’affaire si vous ne cherchez rien de plus qu’une histoire out-of-character bas du front entre blagues convenues et explosions à foison.
S’ajoute à ces deux récits, Justice League VS Suicide Squad. On peut reconnaître une certaine qualité à cette ligne éditoriale qui propose là une forme de continuité. En effet, Justice League VS Suicide Squad se trouve être la suite « directe » de Suicide Squad Rebirth. Malheureusement, cet événement est bien discutable. Pour rappel, sorti en 2016, DC Comics espérait miser sur ce petit crossover dans le but de communiquer autour de ces deux licences fraichement adaptées – ou en pleine production.
Et si certains noms peuvent effectivement vous faire envie, sachez que Jason Fabok ne dessine que le premier numéro, que Tony Daniel n’est pas à son meilleur, essuyant de nombreux retards, et que la fin du crossover est récupérée in-extremis par Howard Porter, surmené à l’époque entre ces derniers numéros et Flash Rebirth. En plus de ça, le scénario est un blockbuster complètement tiré par les cheveux où l’affrontement n’est qu’un prétexte de plus parmi les plus gros clichés du comics mainstream. Vous êtes prévenus.
Maintenant, vous savez tout sur cette collection, ce qui vous attend derrière chaque titre. Ne reste qu’à faire votre choix parmi cette collection et profiter de ces histoires au soleil.