Basketful of Heads est le premier récit du label Hill House Comics, ligne horrifique lancée par DC Comics sous la supervision de l’auteur Joe Hill, maître du comics d’horreur, connu principalement pour la saga Locke & Key (qui aura bientôt droit à son crossover avec Sandman). Voyons si ce récit est à la hauteur des attentes que l’on peut avoir.
L’horreur s’invite chez DC
Le scénariste place son intrigue sur l’île de Brody Island. On y découvre June et Liam, profitant des derniers jours d’été pour passer du bon temps ensemble. On y découvre également les habitants de l’île, accueillants, serviables. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Une introduction parfaite pour laisser au lecteur le temps de s’attacher aux personnages, de se faire une opinion sur chaque protagoniste et d’imaginer ce qui pourrait mal tourner dans cette ambiance plus qu’idyllique. Car on sait que tout va mal tourner. Joe Hill nous le fait savoir dès les premières pages avec un petit teaser qui donne l’eau à la bouche. L’auteur maîtrise sa narration du début à la fin, ne laissant jamais de répit à ses personnages et au lecteur. On subit les événements au même rythme que June, à travers un récit finement ciselé pour apporter le plus d’émotion et de surprise à celui qui ose s’aventurer dans cette histoire.
Scénaristiquement, Basketful of Heads est un mélange d’horreur, de thriller et de drame. Trois éléments qui s’imbriquent les uns avec les autres pour fournir un tout cohérent, où toute certitude va être remise en question. Les dessins de Leomacs et les couleurs de Dave Stewart sont parfaitement adaptés à la narration de Hill, passant d’une ambiance lumineuse, rayonnante, des couleurs chaudes à quelque chose de beaucoup plus froid et inquiétant au fil des pages. L’ensemble donne quelque chose de classique mais parsemé de très bonne idées de scénario et de mise en scène, sur fond de mythologie Viking et de problèmes sociétaux des années 1980.
L’enfer, c’est les autres
En effet, Joe Hill place son récit en 1983. Un choix qui n’est absolument pas fait au hasard. Au même titre que Locke & Key qui vient dépeindre un drame dans la société actuelle, Basketful of Heads utilise le contexte sociétal des années 1980 pour jouer avec les codes de cette époque et rendre son récit encore plus crédible et intéressant.
Chaque personnage que June va rencontrer au cours de périple est un archétype de cette époque. Un flic. Un croyant. Un fils de riche. Ces clichés, éculés dans tous les films et romans de cette période, prennent un tout autre tournant sous la plus de Hill, qui vient leur donner de la profondeur. Chacun se voit attribuer une caractéristique propre, en contradiction totale avec les meurs de cette Amérique puritaine et intolérante. L’homosexualité, la drogue, l’argent sont autant de sujets tabous évoqués dans ce récit. Les personnages sont complets, attachants et sont tous l’incarnation d’un ou plusieurs affres de cette société. Le principal étant, dans ce comics, la misogynie et la place de la femme dans un monde machiste et masculin.
Tout au long de Basketful of Heads, June se fait trainer dans la boue par des hommes qui se croient tout permis avec elle. Le langage utilisé est dur, les gestes sont violents. Le lecteur est impuissant face à cette femme qui semble ne rien pouvoir faire face à un monde rempli de connards, qui se protègent entre eux et qui ne considèreront jamais une femme comme leur égale. Évidemment, tout est écrit avec beaucoup plus de subtilité. Évidemment, tous les clichés sont empilés les uns sur les autres pour que l’effet soit amplifié. Il n’empêche que Joe Hill parle de ce sujet à raison. Car malheureusement, tous ces clichés des années 80 restent tristement d’actualité. Cependant l’auteur nous donne de l’espoir. Car malgré cela l’héroïne s’en sort. Elle utilise même l’arrogance de tous ces hommes contre eux. Avec June, le scénariste nous offre un personnage fort et parfait pour affronter le monde dans lequel il nous plonge. Un monde dur, réaliste, avec ce qu’il faut de fantastique pour espérer que celui-ci s’améliore.
Basketful of Heads est une entrée parfaite dans le monde de l’horreur imaginé par Joe Hill pour son label. L’histoire est maîtrisée de bout en bout. L’ambiance est contrôlée, autant par l’auteur que par les artistes, pour donner au lecteur l’envie de s’immerger dans ce monde étrange. Étrange mais malheureusement beaucoup trop réaliste. On y retrouve tout le talent de Joe Hill dans l’écriture de ses personnages, qui en disent long sur le monde dans lequel on vit mais qui vivent des aventures qui les transforment et les font évoluer à jamais.