Review VF – Le Dernier des Dieux Tome 1

Urban Comics publie Le dernier des dieux de la fantasy Black Label, est-ce que cet essai est concluant ? 

Le dernier des dieux et la high fantasy

La fantasy, typée high fantasy, c’est-à-dire plutôt proche du Seigneur des Anneaux, se fait très rare dans les comics. Pour rappel, ce type de fantasy est caractérisé par un aspect épique. Tout est dans une certaine démesure, les enjeux, les thèmes, les personnages, mais aussi dans une notion manichéenne des conflits. La high fantasy se veut être un genre qui met en scène le bien contre le mal. Sauron contre la Communauté de l’Anneau en somme. Voir DC s’y tenter est donc plutôt sympa, c’est un genre littéraire qui est toujours aimé, même si peut-être un peu moins populaire qu’avant (d’ailleurs le titre est décrit comme étant de la dark fantasy par Urban, alors que le scénariste parlait lui de high fantasy et c’est vrai que Les derniers dieux est un peu à cheval entre les deux, mais prenons en compte la parole du scénariste avant tout).

Le pitch de base est plein de potentiel : une compagnie souffre d’une grande désillusion, toutes les actions glorieuses du passé n’étaient que mensonges. Il faut aujourd’hui du potentiel pour s’imposer dans la fantasy. Le genre de la fantasy a été et est toujours enseveli sous un océan de livres divers. Et en plus, on parle d’un genre où des génies comme Tolkien, Pratchett, ou Robert Jordan ont écrit et ont perpétuellement redéfini le genre. Et ça c’est en laissant de côté un bon paquet d’hommes et de femmes qui ont su s’approprier ce genre pour le renouveler. Aujourd’hui, la fantasy arrive avec un certain bagage et y tracer son chemin est assez ardu. Et est-ce que Le dernier des dieux y parvient ? Pas vraiment.

Un manque de fond

Le dernier des dieux a bien le mérite d’être un comics, ce qui lui ajoute une fine dose d’originalité, mais ce n’est pas assez. Durant ce premier tome, Phillip Kennedy Johnson veut absolument introduire son univers en long, en large et en travers. Cet univers semble plutôt sympathique mais aussi loin d’être exceptionnellement original, même si l’aspect horrifique a le mérite d’apporter une petite touche d’originalité (mais c’est léger). En soi, ce manque d’originalité n’est pas un problème. On a souvent tendance à penser que l’originalité est une fin en soi, mais ce n’est pas le cas. L’originalité pour l’originalité donne souvent un résultat bancal et sans intérêt. Une histoire et des personnages intéressants, même s’ils ne sont pas originaux, suffisent bien souvent à faire d’une œuvre une réussite. C’est d’autant plus important dans un récit de fantasy où, comme on l’a dit, énormément de choses ont déjà été dit.

Le problème de ce comics est que nous n’avons pas ces personnages intéressants. Le tout est creux, les personnages manquent de caractérisation et le peu d’interactions qu’il y a entre eux sont sans vrai intérêt. Si le scénario passait moins son temps à nous ensevelir sous les expositions de son univers, on aurait peut-être plus de temps pour développer les personnages et leurs interactions.

Qui plus est, tout l’aspect désillusions des gloires du passé n’est pas tellement exploité au-delà de quelques répliques. Pourtant, le concept a un énorme potentiel comme on l’a dit plus tôt. Néanmoins, le fait que sur notre groupe de personnages trois font partie d’une ancienne génération n’aide pas à pousser cette réflexion. Encore une fois, on a un énorme manque de développement de personnages et cela est le gros soucis de ce tome. On peut espérer que le tout prendra plus d’ampleur par la suite, mais le wait & see devient vite fatiguant.

Une partie graphique magistrale

Toutefois, il y a bien une chose que l’on doit reconnaître à ce livre, c’est que cet univers est présenté d’une façon magistrale. Le travail de Riccardo Federici est saisissant, que ce soit dans les illustrations qui sont toujours magnifiques ou dans son travail de découpage. Le dessinateur est tout simplement parfait pour illustrer cet univers de fantasy ainsi que les scènes d’actions, même si elles sont malheureusement assez rares ici. Qui plus est, il est tout aussi impressionnant dans les moments horrifiques et les moments de violences graphiques qui sont assez viscéraux par moment. De plus, les créatures ont des designs vraiment réussis et qui fonctionnent tout à fait dans cet aspect horrifique. Ces moments sont même trop rares, on aimerait en voir beaucoup plus tant ils font plaisir. On peut aussi souligner le travail sur les couleurs entre les différentes atmosphères.

Le Dernier des Dieux est un livre vraiment beau, c’est la seule chose que l’on ne peut lui enlever, mais c’est aussi et surtout un livre peu intéressant en l’état. Univers sympathique, mais loin d’être inoubliable, personnages creux et exposition lourde et interminable. Cependant, il y a toujours la possibilité de voir la série prendre son envol par la suite. Qui sait, après une introduction des plus laborieuses, le scénariste réussira peut-être à aller plus loin ? On l’espère. Le Dernier des Dieux ne manque pas de potentiel et il serait vraiment dommage que la suite n’arrive toujours pas à aller plus loin. Si c’est bien le cas, on pourra questionner l’initiative d’Urban Comics de se contenter de ne publier que ces trois premiers numéros.