Review VF – Superman écrase le Klan

Superman écrase le Klan est sorti chez Urban dans la collection Urban Kids et on vous parle de cet incroyable comics.

Le Ku Klux Klan

Le KKK est un phénomène intrinsèquement américain qui, pourtant, a réussi à s’implanter durablement dans l’inconscient collectif international. Aujourd’hui, dur de trouver une personne chez qui l’image de ces hommes en tenue blanche n’évoque rien. Le premier Klan est fondé en 1865 après la défaite du sud durant la guerre de Sécession, cependant le groupe sera assez souvent dissous avant de renaitre. Le premier a donc vu l’émergence d’un groupe terroriste, peu organisé, ce qui causera d’ailleurs son implosion, mais qui avait déjà trouvé ses principes. Ils voulaient une Amérique blanche, leur cibles étaient les catholiques, les juifs, les asiatiques, mais leur cible de prédilection restait les noirs. Leurs méthodes sont bien connues, un mélange d’intimidation et de violence, assez pour intimider les afro-américains afin qu’ils aient trop peur de voter ou de s’impliquer politiquement.

Le groupe prendra un second souffle et deviendra plus puissant que jamais en 1915, à cause de la sortie du film Birth of a Nation, de David W Griffith, qui montre les noirs comme des sauvages, tandis que les hommes du KKK sont des héros. On peut parler de premier véritable blockbuster pour ce film, ce qui explique l’engouement qu’il provoqua. Mais ne vous inquiétez pas, il paraît que l’art est devenu politique seulement lorsque l’on a commencé à mettre des personnages LGBT dans les films et séries. Le Klan était donc plus puissant que jamais et c’est à ce moment-là que le dirigeant, William Joseph Simmons, comprit qu’il y avait moyen de se faire de l’argent sur le dos de la haine. La deuxième renaissance survint après la seconde guerre mondiale, mais elle fut très vite écrasée, et cela en partie grâce à une émission radio, Adventures of Superman !

Cette émission mit en place une intrigue nommée Clan of the Fiery Cross dont l’histoire est fascinante. Vous pouvez découvrir tous les détails ici. Mais sachez qu’il s’agit d’une intrigue écrite grâce à l’impulsion de Stetson Kennedy, un homme s’étant infiltré au sein du Klan, et qui met donc en scène Superman contre le Ku Klux Klan. Superman écrase le Klan est donc une adaptation de cette émission radio de la part de Gene Luen Yang. Le comics n’est pas une adaptation au mot près, loin de là, Yang prend des libertés et celles-ci sont plus que bénéfiques. Déjà il scinde son récit en deux points de vue, celui de Superman et celui de Roberta Lee, la fille de la famille Lee qui existait déjà dans l’émission mais qui avait une importance moindre.

Superman et Roberta un excellent duo

Cette dualité de point de vue est tout le sel de ce récit. En effet, Clark Kent et Roberta Lee sont tous les deux des personnages déracinés qui doivent se conformer à leur nouvelle culture. C’est comme ça que Yang remet en avant une caractéristique que les scénaristes ont tendance à oublier, quand ils ne sont pas occupés à transformer Superman en pseudo Jésus, c’est que Clark Kent est un migrant. C’est dans son adn et ça Yang nous le rappelle continuellement. Et c’est particulièrement intéressant dans la façon qu’il a de dépeindre cette confusion, ce tiraillement entre deux mondes, qu’entrainent cette nouvelle vie. Doit-on abandonner son ancienne vie, son ancienne culture ? Dans ce cas-là qui est-on ? Comment construire son identité après ça ? Tout cela renvoie à cette croyance qu’un bon étranger est un étranger qui s’assimile, un étranger qui oublie d’où il vient, pour ne se souvenir que de son pays d’adoption. Beaucoup de pays sont plongés dans cette rhétorique en ce moment même et l’aborder frontalement est très intéressant.

Dans tous les cas ce duo de personnages fonctionne à merveille, Roberta est une héroïne rafraichissante et on prend vraiment un grand plaisir à la suivre. Elle est aventureuse, intelligente, mais aussi confuse et profondément humaine. Quant à Superman il est parfaitement écrit. C’est avec ce genre d’histoire que l’on se souvient de pourquoi le personnage est important et pourquoi il est intéressant. De plus, on a toute une partie du scénario qui s’intéresse aux capacités changeantes de Superman. Mais tout cela est parfaitement intégré au récit et ne semble jamais artificiel.

Un excellent traitement du racisme

En plus, de ces complexités dans le traitement des personnages, Yang n’oublie pas d’en incorporer au sein de son interprétation du Klan et du racisme en général. Car tout n’est pas blanc ou noir, le racisme est complexe et ne vient pas de rien. Le racisme est construit, qu’il soit volontaire ou non, il existe. Comme lorsque qu’une des enfants évoque le fait que tous les chinois sont braves. Comme s’ils étaient une masse qui devait partager la même caractéristique, qui n’a pas le droit à l’unité. Ce sont des petits éléments qui sont parsemés au sein du récit. Mais le personnage de Chuck Riggs en est l’exemple type. Ce n’est pas une mauvaise personne dans le fond, il est juste confus et élevé au sein d’un environnement qui exacerbe cette confusion pour le mener vers le chemin de la haine de l’autre. Même le personnage de Superman et sa représentation en tant qu’Über-mensch ou Surhomme est abordée et questionnée.

Yang, aborde aussi, bien que rapidement, le fait que le racisme n’était pas réservé seulement aux blancs et que, même entre différentes minorités, du racisme existait. Surtout envers la population afro-américaine. Ce n’est énormément évoqué, mais cela fait partie des choses terribles de l’histoire américaine. L’intolérance et le racisme étaient tellement insidieux qu’ils existaient même parmi les populations discriminées. Un catholique n’allait pas supporter un afro-américain, car celui-ci était plus bas que lui sur l’échelle du racisme.

Enfin, son traitement du Klan est intéressant. Il ne manque pas de pointer du doigt les incohérences et la mauvaise foi de ce groupe. Yang montre surtout que derrière tout ça, c’était toujours l’argent qui régnait et que les dirigeants du Klan ne croyaient même pas en ce qu’ils prêchaient. Historiquement ces groupes ont souvent été fondé sur une volonté d’appât du gain. Les coûts d’inscription étaient très élevés et revenaient à un mois de salaire à l’époque. Qui plus est, il y avait tout un système de vente basé sur les costumes qui ajoutait un aspect toujours plus ignoble au tout.

Un comics pour tout le monde

Superman écrase le Klan brille aussi de par son aspect graphique. Gurihiru sublime le scénario de Yang, ce qui donne au comics un aspect très doux, qui peut rappeler l’aspect graphique des dessins animés Fleischer. La composition est elle aussi très bonne et toujours bien réfléchie. On a au final un comics qui pourra, graphiquement, plaire aux lecteurs de 10 à 99 ans.

Mais ce n’est pas que graphiquement. Yang parvient à écrire un comics destiné aux enfants mais qui, grâce à sa finesse d’écriture, reste passionnant pour toute personne qui le lira, peu importe son âge. Et c’est toute la force de ce récit.

Superman écrase le Klan est le genre de comics qui nous rappelle pourquoi on aime tant ce médium. Sous les dessous d’une histoire tout publics Gene Luen Yang aborde des thèmes complexes d’une manière juste, ce que beaucoup de comics supposés pour « adultes » ne parviennent pas à faire correctement. Luen nous rappelle pourquoi on aime cet univers et pourquoi les comics peuvent être importants et changer les choses. Qui plus est, il écrit une histoire avec un Superman tout simplement excellent, chose que l’on a plus tant l’habitude de voir.

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