Review VF – Heroes in Crisis

Heroes in Crisis cover

Heroes in Crisis, LA série polémique est en enfin disponible en VF. La dernière maxi-série, Mister Miracle, de Tom King avait été plus que chaudement accueillie. Tout le monde s’accorde à dire que Mister Miracle est un excellent comics, si ce n’est un chef d’oeuvre. Je vous laisse d’ailleurs lire, ou relire, la magistrale review de notre bon myplasticbus. Alors quand King a annoncé sa nouvelle maxi-série Heroes in Crisis, en promettant d’explorer les conséquences de la vie de super-héros sur la psyché des personnages DC, le moins que l’on puisse dire c’est que l’on était chaud bouillant. A raison ?

Disclaimer : Je vais tenter de spoiler aussi peu que possible l’intrigue, mais je ne peux vous garantir une review sans aucun spoiler.

Heroes in Crisis, un whodunnit raté

Heroes in Crisis

Le pitch de base est simple. Tout les patients à l’intérieur de Sanctuary, ou le Sanctuaire, (on reviendra dessus) sont morts et le coupable serait un super-héros. Donc Harley Quinn et Booster Gold,  vont mener l’enquête. King avait expliqué que le propos de base d’Heroes in Crisis lui était venu alors qu’il se rendait compte qu’il avait peur d’emmener son fils à l’école à cause des fusillades. Une idée extrêmement intéressante et malheureusement toujours d’actualité aux Etats-Unis. Dommage que ce ne soit jamais utilisé dans l’oeuvre.

Donc, HiC est tout simplement un whodunnit (abréviation de Who has done it : Qui est le coupable ?). Ce genre littéraire, dont Agatha Christie est, bien entendu, l’auteure phare, qui met donc en scène un crime, avec de multiples suspects, qui devront remonter petit à petit les pistes, pour trouver l’identité du coupable. Cependant le problème est que Heroes in Crisis est absolument raté de ce côté-là (si seulement c’était le seul côté).

Il n’y a aucune construction dans la façon dont l’enquête est menée. Là où un whoddunit, tel qu’Agatha Christie les écrivait, va accumuler les indices et les vraies ou fausses pistes, HiC n’a aucune direction, aucune construction logique. L’identité du coupable, qui est plutôt évidente dès le début, finit par nous être dévoilée. Pas parce-que les autres personnages ont trouvé son identité. Juste parce qu’il le fallait. Il en résulte une enquête qui existe à peine et qui ne procure aucun plaisir quand le coupable nous est révélé. Cependant vous allez me dire « oui, mais c’est surtout les personnages et le traumatisme l’intérêt avec King. » Alors…

Sanctuary une idée qui ne fonctionne pas

 Lagoon Boy

Non. D’accord, l’enquête est ratée. Mais ce n’est rien à côté de la façon dont les personnages et l’idée du traumatisme sont traités dans Heroes in Crisis.

Déjà, l’élément principal du récit. Sanctuary. Cet endroit qui est censé aider les héros à supporter leur quotidien et les expériences traumatisantes qu’ils ont vécu. La première chose qui saute aux yeux lorsque on lit le récit c’est qu’en réalité King ne nous explique jamais vraiment ce qu’est et comment fonctionne Sanctuary. D’ailleurs pour ceux qui n’avait jamais entendu parler de cet endroit il y a de quoi être confus. Mais du peu que l’on en voit, cet endroit est effroyable. Un endroit où des héros traumatisés sont seuls et mis face à une IA qui leur permet de revivre leurs plus grands traumatismes. Ce n’est pas comme ça que l’on se soigne ! L’idée même de ce Sanctuary est un non-sens total.

Et en soi, les seuls moments où King utilise vraiment le Sanctuary c’est durant les moments de confession des héros et là c’est un festival. Entre des moments purement anecdotiques et d’autres qui sont tout simplement des massacres en terme de caractérisation sous couvert d’humour.

Des personnages maltraités

Review VF - Heroes in Crisis 15

Ces moments de confession sont navrants. Par exemple, on a Hal Jordan qui nous explique qu’il ne sait pas ce qu’est la volonté. Ou Roy, là King nous explique en fait qu’en gros, il est devenu un super-héros pour pouvoir se faire prescrire des anti-douleurs. Ce qui est tellement loin de la vérité, car c’est surtout la peur de l’abandon et la dépression qui a poussé Roy de ce côté. Un peu dommage de rater ça dans un livre qui parle de traumatismes, non ? D’ailleurs, en passant comme ça, on sait que Troie a existé. Ce n’est pas nouveau que les américains et l’histoire (et la culture en générale) ce n’est pas ça, mais là il suffisait d’une recherche Wikipedia pour corriger cette bêtise.

Mais en vérité Heroes in Crisis nage dans une mauvaise caractérisation constante. Aucun des personnages ne sonne comme lui-même. Et ce n’est pas que durant les scènes de confessions. La Trinité par exemple semble toujours à côté. Déjà, le simple fait qu’ils aient eu l’arrogance de penser pouvoir créer une IA entièrement basée sur leur personnalité n’a aucun sens avec le caractère des personnages. Mais celui qui fera sans doute le plus de mal c’est Wally. Ce personnage ô combien aimé est utilisé d’une façon qui a révolté les fans en VO et qui révoltera sans aucun doute autant les fans en VF. Mais, je ne vais pas trop m’appesantir là dessus.

Une gestion traumatisante du traumatisme

Review VF - Heroes in Crisis 16

Qui plus est, pour revenir à la question du traumatisme et de l’exploration de ces traumas, cela n’est pas aidé par le dessin. Cela avait fait débat à l’époque (je vous laisse lire l’édito de myplasticbus) et il était donc impossible de passer à côté. Clay Mann est un bon artiste, là dessus il n’y a même pas débat. Par contre est-ce qu’il était le bon artiste pour cette série ? Là, la question se pose, car même s’il nous offre de magnifiques planches, celle avec les fleurs, ou celle avec Green Arrow viennent en tête, mais globalement il y a un vrai problème.

Clay Mann a un style où tous les personnages adoptent un physique de statues grecques. Les hommes sont tout en muscles, tandis que les femmes ont des formes souvent surréalistes. Qui plus est, il a tendance à dessiner les femmes telles des pin-ups ce qui n’aide en rien. Et qui nous offre même des moments peu glorieux, tel cette Lois en culotte. Donc ces dessins créent une dissonance avec le propos. Là, où King veut écrire une histoire qui se centre sur les être humains et sur leur psyché (même si c’est un échec), les dessins nous font suivre des statues grecques.

Jouer sur cette dissonance aurait d’ailleurs pu être intéressante. Vouloir montrer que sous une apparence divine, les héros sont juste humains. Mais l’écriture n’est pas assez fine pour ça et Mann ne dessine pas différemment les héros dans leurs moments de faiblesse, donc ça ne peut jamais fonctionner. Et c’est là que l’on se dit que le compère naturel de King, Mitch Gerads aurait été plus à même de représenter tous ces thèmes, avec son style plus réaliste. Les numéros qu’il dessine le prouve d’ailleurs.

Heroes in Crisis, un assassinat littéral des personnages secondaires

personnages secondaires morts

Enfin, tout ça en lumière une chose qui est vraiment assez terrible quand on est fan de DC et de ses personnages. Le traitement de tous les personnages secondaires. Là où il y a un peu plus de dix ans on célébrait chez DC ces personnages en leur offrant une série, 52, aujourd’hui, avec Heroes in Crisis, ces personnages ne servent que, comme le disent les américains, de shock value. Ils meurent, pas parce-qu’ils sont arrivés à l’aboutissement logique de leur arc. Non, ils meurent juste pour choquer. Pour choquer et pour débarrasser Dan Didio de personnages qu’il n’aime pas. Et ce procédé est juste écœurant.

On ne peut s’empêcher de se demander si par exemple un scénariste avait une idée fantastique pour une mini-série Lagoon Boy, est-ce qu’elle serait refusée parce-que le personnage est mort ? Est-ce que l’on va devoir faire une croix sur les récits autour de ces petits personnages ? En suivant cette logique, encore une fois, des choses comme 52 n’auraient jamais existé, mais même Mister Miracle en soi, ce qui est vraiment ironique. Ce n’est pas parce-que des personnages ne servent pas pour l’instant que l’on doit s’en débarrasser et surtout pas de cette façon. Tout ça démontre un cynisme insupportable qui semble être le nouvel état d’esprit chez DC.

En somme, pour quelqu’un qui aime vraiment les personnages de DC les voir mourir comme ça c’est triste. Triste mais aussi rageant. Et c’est réellement l’impression qui reste avec nous à la fin d’Heroes in Crisis.

On ne va pas aller par quatre chemins, Heroes in Crisis ne réussit absolument rien de ce qu’il entreprend. Ce n’est jamais un bon whodunnit, ni une bonne exploration psychologique des personnages DC. Et même si l’ingérence éditoriale est aussi flagrante qu’effarante. Et que de toute manière faire d’un super-héros un meurtrier ne pouvait tout simplement pas fonctionner. Il en reste que ce Heroes in Crisis est un réel échec à tous les niveaux de la part de Tom King. 

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Claygan

Claygan

Amoureux de la culture sous à peu près toute ses formes. Grand fan de Green Arrow (et de crêpes), je suis tombé dans cet univers infernal que sont les comics il y a de cela maintenant plusieurs années, cela sans doute un peu grâce aux films. Vous pourrez me retrouver pour parler (ou râler) de DC en long, en large et en travers, dans les podcasts, ou dans mes articles.
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Vittorini
4 années il y a

Merci. Sincèrement, merci.

The Bat
4 années il y a

« Tout le monde s’accorde à dire que Mister Miracle est un excellent comics, si ce n’est un chef d’oeuvre. »
comment image

« Ce n’est pas nouveau que les américains et l’histoire (et la culture en générale) ce n’est pas ça […] »

C’est de trop, non ?

Il y a également beaucoup trop de fautes (de grammaire notamment). Mais sinon, je trouve les défauts reprochés au bouquin assez pertinents pour la plupart.

Apokolips
Invité
Apokolips
4 années il y a

Bon alors, je dois être à côté de la plaque mais j’ai trouvé ça plutôt bien. Oui, scénaristiquement, le fonctionnement du sanctuaire n’est pas bien pensé, tout comme la résolution de l’intrigue expédiée et peu convaincante. Oui, Claymann a toujours un problème dans la représentation des perso féminins (même si je m’attendais à encore pire vu la polémique) notamment sur le tir groupé des pages 86 à 89 de ce présent volume. On pourrait se dire que c’est suffisant pour rejeter cet ouvrage mais non. Je ne suis pas la politique de Didio ni ne me pose la question de la continuité, j’ai pris cette œuvre pour ce qu’elle est : une œuvre. Une œuvre d’un auteur qui ne me laisse jamais indifférent, une œuvre qui me choque, me bouscule, m’émeut. Je comprends que cet ouvrage puisse être rejeté mais pour ma part j’y ai trouvé, non pas une grande œuvre bien sûr, mais de nombreuses qualités.

batléo
Invité
batléo
3 années il y a

J’ai relu cet album pour la première fois depuis un moment. Je l’avais apprécié la première fois. Cette fois, je l’ai adoré. Le speech de Superman en particulier m’a parlé parce que dans mon travail je traverse une forme de crise identitaire ces derniers temps et ça sonnait extrêmement vrai.

Je pense que c’est un récit qui gagne à être relu et qui est beaucoup plus profond que ce que l’on pourrait croire au premier abord.

Comme d’habitude, la critique du site est bien argumentée, par contre j’aimerais revenir sur un point: Roy ne dit pas qu’il est devenu super-héros pour se faire prescrire des anti-douleurs. Au contraire, il explique bien qu’étant armé de flèches et n’ayant pas de pouvoirs, il a rapidement pris un abonnement chez le médecin car il se blessait sans cesse et que c’est bien ça qui a progressivement créé une dépendance.

batléo
Invité
batléo
3 années il y a

Et j’ajouterais que pour la résolution de l’intrigue, son intérêt réside dans ce qu’elle vient dire des thèmes abordés. Dans ce qu’elle montre de l’évolution du personnage. Dans l’humanité qu’elle apporte à ces icônes. Et surtout dans la façon dont elle vient nous rappeler qu’aucun de nous n’est exempt de faire des erreurs et que pour grandir, pour évoluer, pour devenir meilleur, on se doit de faire preuve de bienveillance envers soi-même, d’accepter qu’on est faillible et d’assumer ses erreurs pour justement avancer et donner l’exemple.

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