Après un gros numéro consacré aux 80 ans de l’homme d’acier et sa série Action Comics, Urban Comics nous propose cette année le volume Batman 80 ans, sorti le 20 septembre dernier. Au programme, un retour dense sur les décennies d’existence du chevalier noir, mais aussi un parcours plus large autour des 1000 numéros de la série qui l’a vu naître : Detective Comics. Et en bonus, Urban propose l’intégrale de Detective Comics #1000, sorti en avril dernier en VO. Alors, est-ce que ce nouveau volume anthologique vaut le coup ?
Une avalanche d’origin-stories made in Detective Comics
Ces dernières années, DC a beaucoup joué le jeu des anthologies en VO. Joker, Two-Face, Catwoman, mais aussi Batman ont eu droit à leurs anthologies, dont certaines ont été publiées par chez nous également. Pour ce nouveau volume, l’accent n’est pas nécessairement mis sur la qualité des récits, mais davantage sur leur importance historique. L’objectif, clairement, c’est de montrer tous les apports de la revue Detective Comics à l’histoire du médium. Pour ce faire, le volume s’intéresse essentiellement aux origin-stories, histoire de dire : « Hé, regardez, c’est dans cette série qu’il est apparu pour la première fois ! ». Batwoman, Batgirl, Robin, Clay-Face, Two-Face, Man-Bat, Riddler et Bat-Mite (entre autres) ont tous droit à leur première apparition.
Très clairement, beaucoup de ces récits sont parfaitement anecdotiques et même parfois pénibles à la lecture. En plus, tout le monde n’appréciera pas le style du Golden ou du Silver Age (même si ce n’est pas mon cas). Ici et là, comme pour « Batwoman » (un brin sexiste), on sent clairement l’aspect daté de l’époque. Certaines origin-stories comme « Le défi de gueule d’argile » ne sont franchement pas mémorable. Rares sont celles qui tirent vraiment le volume vers le haut à l’images des origines de Robin, à découvrir si ce n’est pas déjà fait. Mais globalement, on reste plutôt déçus par ces récits.
Un plongeon dans l’histoire
La véritable qualité de Batman 80 ans est sa capacité à nous faire revivre en 500 pages l’histoire des comics. En plus de Batman, l’ouvrage nous propose toute une série d’histoires tirées des pages de Detective Comics. D’emblée, on rencontre le pulpesque Crimson Avengers, l’une des premières tentatives de DC pour créer un justicier masqué en crypto-The Shadow, quelques mois avant la naissance de Batou. Aussi, nous découvrons la naissance des Boy Commandos de Kirby et Simon… Et celle d’oubliés comme Air Wave, Slam Bradley ou Poe-Wow Smith (dont la représentation des natifs a très mal vieillie).
Mais il y a aussi d’autres choses bien plus signifiantes. Par exemple, avez-vous les origines du chairman historique de la Justice League ? Oui, la première apparition de J’on Jonzz est là. Et le récit, à défaut d’être vraiment bon, est très amusant à lire, surtout si vous appréciez la naïveté Silver Age. On trouve aussi l’excellent revamp de Manhunter par Archie Goodwin et Jim Aparo. Une histoire colorée qui tranche avec l’obscurité des histoires de Batman et montre la diversité d’approche au sein d’une même époque. C’est rafraichissant.
Quelques éléments exceptionnels
À côté de ces jolies perles, on retrouve malgré tout certains récits exceptionnels au-delà de leur valeur historique. À commencer par Comment tuer une légende ?, tiré des pages de Detective Comics #500. Nous avons tout simplement affaire à l’une des meilleures histoires racontées sur Batman pré-TKDR. Alan Brennert et Dick Giordano nous y offrent une vision fascinante et touchante sur le rapport du chevalier noir à sa mission. Ajoutez à cela Une nuit à oublier de Gene Colan et Mort Honorable de Greg Rucka et vous tenez une extraordinaire trinité. On regrettera juste l’absence cruelle d’histoires publiés entre 1986 et 2000… probablement pas assez d’origin-stories ? (sic)
On appréciera aussi quelques pépites qui sortent de la case « comics », peut-être les plus intéressantes du volume. Soyons honnêtes : si vous êtes amateurs de Batman et de son univers, vous avez sans doute déjà lu la plupart des histoires de ce volume. L’une de ses valeurs ajoutées tient donc aux essais inédits sur le personnage et le titre qui ponctuent le volume. Signés par des grands capitaines de l’industrie et au-delà, ils offrent souvent un témoignage personnel sur le rapport au héros, ou un éclaircissement sur un aspect du personnage. S’ils sont souvent de moins bonne facture que ceux du numéro anniversaire de l’homme d’acier, ils forgent une pause agréable pour le lecteur.
Detective Comics #1000
En plus de la collection des 80 ans, DC nous offre l’intégralité du #1000 de Detective Comics. Ne l’ayant pas lu au moment de la sortie VO, je l’ai découvert pour la première fois. N’ayant pas lu la review de Sledgy7 pour rester objectif, je m’attendais au pire… et j’ai été plutôt agréablement surpris. Bien sûr, on est loin d’une anthologie glorieuse. Certains récits, pourtant signés par des grands noms, tombent parfois complètement à plat. C’est notamment le cas pour Dennis O’Neill et Christopher Priest, dont les récits laissent pantois et interrogatif. Même Geoff Johns passe relativement à côté (bien que, full disclosure, mon désamour pour Kelley Jones joue peut-être aussi dans ce jugement de valeur).
Mais globalement, on trouve pas mal de récits amusants, enthousiasmants, à défaut d’être vraiment brillants. Malheureusement, aucun ne peut se revendiquer du niveau de Comment tuer une légende ?. Mais certains auteurs tirent bien leur épingle du jeu. C’est le cas des éternels Snyder et Capullo, qui livrent un récit plaisant, ancré dans l’aspect détective du héros. C’est pareil pour Tom King, accompagné par Daniel et Jones, pour une histoire drôle et touchante. Il en va de même pour Paul Dini et Dustin Nguyen, qui restent fidèle à leur réputation. Chacun participe de sa petite touche et laisse malgré tout un sentiment agréable.
A la fin des 500 pages de Batman 80 ans, on garde une impression plutôt positive de cette anthologie anniversaire, principalement tournée autour des origin-stories. Résumant l’histoire des comics à travers son plus vieux titre, Batman 80 ans livre un sympathique hommage à son héros phare, malgré quelques lieux communs et maladresses. Les fans les plus hardcore seront sans doute un peu frustrés, mais l’amateur occasionnel saura sans doute y trouver son bonheur.