Robert’s got a quick hand
He’ll look around the room, he won’t tell you his plan
He’s got a rolled cigarette, hanging out his mouth he’s a cowboy kid
Yeah found a six shooter gun
In his dad’s closet hidden oh in a box of fun things, I don’t even know what
But he’s coming for you, yeah he’s coming for you– Extrait de Pumped up Kicks par Foster the People, sortie le 14 septembre 2010
Oh oui, Robert vient pour toi, sois en certain. Pour preuve, en 2018, rien qu’aux USA, 23 tueries éclataient dans des écoles, 113 personnes en étaient victimes physiquement, se retrouvant soit blessées, soit gisantes sans vie sur le sol. Tout cela, sans parler des dommages psychologiques gravés dans l’esprit des survivants, des familles, etc… Des gamins traumatisés à vie qui, après toutes les interviews que j’ai pu visionner, en parlent encor comme si c’était hier, alors que certains événements remontent à 20 ans. Des parents qui ne reverront jamais leur progéniture revenir du lycée. Mais si vous voulez apprendre la meilleure, en milieu d’année 2019, les USA en sont déjà à 22 tueries. Allez les gars, le record n’est pas loin, on y croit…
Robert est un lycéen assez triste et déprimé.
Brandon, la brute du lycée, le rackette tous les matins.
Le matin même, justement, il le choppe comme d’habitude dans un couloir, et le force à lui donner ce qu’il a dans son sac.
Robert sort un MP3.
Brandon se moque, en lui disant que c’est démodé, lui met une petite gifle humiliante, et lui dit qu’il a intérêt à lui ramener quelque chose de mieux que ça si il ne veut pas se faire tabasser.
Les autres élèves ont laissés faire, certains même, se moquent aussi.
Le lendemain, même histoire.
Robert sort de son sac un MP4.
Brandon rigole, en lui disant que ce n’est pas vraiment mieux, et lui met une gifle humiliante, mais plus forte que celle de la veille.
Comme si Robert n’avait pas encor compris comment cela marchait, il lui rappelle qu’il a intérêt à lui ramener quelque chose de mieux à leur prochaine rencontre.
Les autres élèves ont laissés faire, certains même, se moquent aussi.
Le troisième jour, même histoire.
Mais cette fois, Robert ouvre son sac, et sort un MP5.
Brandon ne rigole plus, les autres élèves non plus. Plus personne ne rigolera de Robert maintenant.
Cette courte histoire, a au moins le mérite de poser les bases, et de mettre tout le monde dans le bain. Dans ce dossier, nous aborderons un sujet très sensible, et malheureusement, d’actualité : les tueries dans les écoles. C’est parti, suivez-moi !
I- Columbine, a True american story
20 avril 1999. Columbine, Colorado, USA. Eric Harris et Dylan Klebold, deux lycéens entrent dans leur école, fusils en mains, tuent douze élèves et un professeur, et mettent fin au massacre en retournant les armes contre eux. Cette affaire, connue comme la tuerie de Columbine, mettra le feu à l’Amérique, et poussera le pays à se poser pas mal de questions, et en premier lieu : Comment ces adolescents en sont arrivés là, et qui est responsable ?
Dylan et Eric, mineurs, se sont procurées les armes par le biais d’une de leurs amies, Robyn, avec laquelle Dylan est d’ailleurs allé au bal de promo s’étant déroulé quelques jours avant que les choses tournent mal. Elle ne pensait pas qu’ils les utiliseraient pour tirer sur leurs camarades, et elle verra d’ailleurs par la suite toutes les charges retenues contre elle écartées, étant allée spontanément voir les policiers pour leur expliquer tout ce dont elle se souvenait.
En dehors des armes feux, les deux ados ont construit des bombes artisanales qui heureusement, n’ont pas fonctionné comme prévu. Si elles s’étaient déclenchées, selon les spécialistes, une centaine de personne auraient également perdu la vie.
Des pistolets automatiques ont également été achetés par les tireurs. Le vendeur sera condamné pour n’avoir pris aucune précaution, n’ayant pas vérifié les noms des acheteurs, et n’ayant pas non plus enregistré les achats.
Certes, avoir fourni des armes à feux à des gosses est mal, mais il ne reste qu’un individu ayant contribué à l’accomplissement des meurtres, et non la source du problème. Il est indirectement et partiellement responsable. Or, l’Amérique veut un coupable, et comme d’habitude, dans la plus pure tradition de ce qui continue de se faire aujourd’hui, vous devez déjà vous douter de la manière dont tout va tourner.
« Ils détestaient les jocks (ndt : les athlètes connards et arrogants clichés), admiraient les nazis et méprisaient la normalité. Ils se croyaient des adeptes de la sous-culture gothique, même s’ils étaient ravis de la violence dénoncée par une grande partie de ce monde fantastique. Ils étaient des suprématistes blancs, mais aimaient la musique de groupes de rock antiracistes. » – The Washington Poste, 22 avril 1999
Si la tuerie correspondait en effet à la date d’anniversaire d’Hitler, et qu’Eric revendiquait dans son journal une certaine affinité avec le régime nazi, la « sélection naturelle » commise par la suite n’était basée sur aucun critère de race ou d’ethnie, à moins que l’on puisse considérer les abrutis qu’il est possible de trouver dans tous les lycées du monde comme une race à part.
Seul problème pour les médias, Hitler est mort depuis maintenant un bon nombre d’années, tout a déjà été dit, et le blâmer ne leur permettra pas d’assurer les audiences pendant très longtemps, d’autant qu’en dépit de l’émoi général, parler d’un retour des jeunesses hitlériennes n’est pas assez crédible sans d’autres éléments. Cependant, il reste une source intarissable de critiques, la culture des « d’jeuns », surtout lorsqu’elle divise les générations, et que les plus vieux, en plus de ne pas la comprendre, la voit déjà d’un mauvais œil.
Il faut savoir que les adolescents avaient l’habitude de jouer à Doom, jeu de tir à la première personne, et écouter des musiques « blasphématoires ». Ainsi le groupe KMFDM ainsi que Marilyn Manson seront accusés d’être en partie responsable des événements. Pour le cas de Doom, il est vrai qu’Eric en parlait dans son journal, mais le jeu-vidéo ne saurait encor une fois être la source de la tuerie. Néanmoins, il faudra aux journalistes des mois pour le reconnaître, enfin, pour ceux qui le reconnaîtront. Quant à la musique, chacun des artistes se défendra comme il peut dans un marasme intellectuel consternant pouvant être résumé par :
– KMFDM… Vous êtes un groupe allemand non ? Et qui était aussi allemand ? Hitler !
– Monsieur, tous les allemands ne sont pas nazis.
– Oui oui, je connais cette théorie…
Et si vous croyez que je blague, la phrase officielle que le groupe se retrouve à répéter sur tous les plateaux à cette époque est :
« Les KMFDM sont une forme d’art, pas un parti politique. Depuis le début, notre musique est une déclaration contre la guerre, l’oppression, le fascisme et la violence contre autrui. Bien que certains des anciens membres du groupe soient allemands, comme le rapportent les médias, aucun d’entre nous ne tolère les croyances nazies. »
En 2002, dans le documentaire Bowling for Columbine, Manson aura l’occasion de revenir sur le drame, et pointera du doigt le véritable problème, dans un dialogue avec le réalisateur du film, Michael Moore.
– Monsieur Manson, si vous deviez parler directement aux enfants de Columbine et aux membres de la communauté, que leur diriez-vous s’ils étaient ici maintenant?
– Je ne leur dirais pas un mot … J’écouterais ce qu’ils ont à dire, et c’est ce que personne n’a fait.
Plus qu’être simplement mis à l’écart des soirées par les autres élèves, ces deux jeunes étaient continuellement harcelés. Le harcèlement dans les écoles, tout le monde l’a vu en action, certains l’ont même subi ou ont été les bourreaux, mais ici, les choses vont bien plus loin que de simples moqueries. Non, nous sommes à un niveau assez inégalé, qui va du déversage de ketchup sur Eric et Dylan, les obligeant à rester tachés jusqu’à la fin de la journée, ne pouvant pas rentrer chez eux facilement, à un jet de tasse contenant des matières fécales…
Des petits cons jettent de la merde sur d’autres élèves, et les surveillants ou les autres élèves n’ont pas tiré la sonnette d’alarme ? Il est impossible que personne ne l’ait vu, et surtout ne l’ait su. Vous le savez aussi bien que moi, au lycée, tout se sait. Ce n’est pas que personne n’ait voulu écouter ces gosses le problème. C’est pire que cela. Le problème, c’est que personne n’ait voulu les écouter, et agir en conséquence. Entrer dans cette école et flinguer leur camarade a été leur ultime cri à la gueule du monde, un cri que personne ne pourrait cette fois-ci ignorer.
Contrairement à Dylan Klebold, étant un gosse dépressif, et pour cause, avec ce qu’il se prenait dans la gueule tous les jours, Eric Harris était un véritable psychopathe selon les médecins s’étant penchés sur son cas. Pourtant, même lui était assez lucide pour savoir qui il était venu viser. Il n’a jamais été question de tuer tout le monde. Les bombes étaient placées dans la cafétéria, lieu où il se faisait harceler à la vue de tous, lui et son ami, sans contestation de la part des autres élèves, qui étaient eux aussi complices, en laissant tout cela continuer. A contrario, Brooks Brown, un de leurs anciens camarades de classe est volontairement épargné juste avant le début du massacre. Alors qu’il grillait une clope à la sortie de l’école, il voit Harris débarquer. Il lui reproche de ne pas être venu en cours durant la matinée, et s’inquiète de sa situation, voulant tout de même le voir réussir ses études. Harris lui lance alors un :
« Ça n’a plus d’importance… Brooks, je t’aime bien. Maintenant va t’en, rentre chez toi ! »
Il le laisse là, perplexe, et s’éloigne. Brown ne comprend pas, mais quelque chose dans la voix d’Eric le pousse à s’éloigner sans vraiment réaliser ce qu’il va se passer. Quelques minutes après, les premiers coups de feu retentissent.
II – DC Comics in Crisis
Warren Ellis v Paul Levitz : Dawn of Publication
La tuerie de Columbine a trouvé une résonance particulière et un écho auprès de divers artistes, et les auteurs de comics ne font pas exception. La tragédie force d’ailleurs les éditeurs à opérer quelques changements de dernières minutes pour éviter toutes polémiques. Glenn Fabry devra par exemple peindre en quelques heures une nouvelle couverture pour Preacher #52, l’originale, représentant le père de Tulip tendant un paquet en forme d’arme à sa fille de 8 ans, le tout devant un arbre de Noël, ayant été jugé trop limite.
Mais l’affaire la plus importante dans le monde de l’édition, est sans doute l’affaire Shoot, par Warren Ellis.
Cela fait maintenant quatre ans que Jenkins opère sur le titre Hellblazer du label Vertigo. DC comics cherche donc un successeur, et voit en Warren Ellis un choix parfait. Le britannique écrit un premier arc de six chapitres, puis arrive le numéro #141, consacré aux tueries dans les écoles. Si les événements de Columbine n’ont pas encor eu lieux, et que l’Amérique n’est donc pas touchée par le phénomène, l’Europe ne peut pas en dire autant. En moins de dix années, quatre massacres ont eu lieux, le dernier étant survenu il y a trois ans, en Ecosse, et ayant fait 19 morts.
Sans spoiler l’histoire, qui sera sans doute plus impactante sans en dévoiler la fin, Ellis développe un propos sur la dépression dont souffrent beaucoup d’adolescents, la période du lycée étant souvent difficile. Qui plus est, il y explique qu’il n’y a pas de solution miracle ou facile pour endiguer l’épidémie de massacre d’écoliers, et que oui, ces phénomènes risquent de se multiplier. Il a malheureusement raison. Eric et Dylan vrillent en avril 1999, et en décembre de la même année, un incident similaire touche les Pays-Bas.
La coïncidence fait que le planning prévoit que le numéro sorte deux semaines après la tuerie perpétrée aux USA. Paul Levitz, éditeur chez DC, refuse tout simplement que le numéro paraisse. Ellis, quant à lui, veut que l’histoire soit publiée, et le traitement médiatique affligeant de l’affaire le conforte dans son choix. Karen Berger, alors à la tête de Vertigo, se range du côté de l’auteur. Cependant, Levitz n’en démord pas. Les semaines passent, les débats continuent, la presse est de plus en plus à l’ouest, jusqu’à ce que Levitz propose de publier une version de l’histoire totalement aseptisée et politiquement correcte. Le britannique s’énerve encor plus, lui explique que si il souhaite faire ça, il refuse d’y être associé, et de la publier en effaçant son nom de la couverture. Qui plus est, il démissionne du titre Hellblazer, et se contentera chez Vertigo de terminer Transmetropolitan.
L’histoire finira par leaker en aout 2000, soit plus d’un an après l’affaire, et connaissant un peu la personnalité de Berger et d’Ellis, il n’est pas improbable qu’ils y soient pour quelque chose. Loin de moi l’idée de les accuser de l’avoir fait carrément eux-mêmes… Sans éléments de preuve, vous êtes innocents. Il faudra attendre 2010 pour voir le numéro publié, dans l’anthologie Vertigo Resurrected #1, regroupant les fonds de tiroirs du label.
Hard Time (Pas le porno)
En 2004 est créé le label DC Focus, label tellement populaire qu’il disparaître l’année suivante. L’idée est de mettre en scène des personnages ayant effectivement des super pouvoirs, mais ne s’en servant pas pour combattre le crime. Pas de costume, pas de super vilains à affronter, des individus vivant une vie normale, mais avec un petit plus.
Steve Gerber, créateur de Howard The Duck, et Mary Skrenes, se retrouvent après avoir travaillé sur Omega the Unknow des années auparavant. Pour cette nouvelle série, DC leur laisse carte blanche, mais vraiment carte blanche. Ainsi, les deux auteurs décident de bosser sur une problématique actuelle, celle qui fait l’objet de ce dossier, et créent Hard Time, une série en 12 numéros.
Cela fait deux ans que Travis Danes et l’équipe de football du lycée harcèlent Ethan Harrow, 15 ans, et son ami Brandon Snood. Petit à petit, Travis devient de plus en plus tyrannique, et finit par tenter de violer Inez, une fille de leur classe. Heureusement, Brandon l’arrête en déclenchant l’alarme incendie, le capitaine se fait dénoncer, mais étant important pour gagner la saison et devant un certain manque de preuve, il n’est viré qu’une semaine.
Les dérives continuent, jusqu’à ce que Ethan et Brandon craquent, et réalisent une « fausse » fusillade dans leur école pour terroriser les brutes et leur faire réaliser ce qui aurait pu se passer à force de pousser les gens à bout. Mais ce qui était supposé être une blague/leçon vire au drame, lorsque qu’il s’avère que Brandon, qui était censé mettre des balles à blanc, les a remplacées par de vraies balles, et commence à abattre certains de ses tortionnaires.
Ethan, qui lui, n’a jamais ouvert le feu, réalise que son ami est en train de tuer des gens, et fait une crise de panique, provoquant l’apparition chez lui de pouvoirs. A la manière d’un Superman, il perfore la poitrine de Brandon avec ses nouveaux yeux lasers. Arrêté par la police, il est jugé comme un adulte, et envoyé dans une prison pour majeur, dans laquelle il va devoir survivre. Et là vous vous dites « Ah quand même ! », mais sachez que dès le numéro #2, les néonazis débarquent…
La série, en plus de traiter du problème de harcèlement scolaire et des tueries, frappe aussi sur divers problèmes, notamment celui du traitement de la délinquance juvénile, des prisons, et du traitement médiatique en général.
III – Bully : Marvel’s Schorlarship Edition
School Shooting : Homecoming
De son côté, Marvel va également traiter du sujet, mais il faudra ici aussi attendre quelques années. Dans la galerie de séries de l’éditeur, deux d’entre elles tombent sous le sens pour parler de ces massacres : Spider-Man, Peter Parker ayant été victime de harcèlement, et étant devenu professeur, et X-Men, mettant en scène une école de super-mutants.
En juillet 2001 sort le numéro #31 de Amazing Spider-Man, série écrite par Straczynski, et commencée en janvier 1999. Peter arrête ici des gosses en train d’en harceler un autre. Les petites brutes s’en vont, ne voulant pas avoir des problèmes avec un professeur, mais alors qu’il pensait recevoir des remerciements, la victime lui reproche d’être intervenu, lui expliquant que le lendemain, ils seront encor pire avec lui. Le lendemain, un homme encapuchonné et armé débarque en plein milieu de l’école, alors que notre héros donne un cours de physique/chimie. Il balance quelques grenades fumigènes, et ouvre le feu. L’homme araignée enfile son masque, le neutralise, et se rend compte que le tireur n’est qu’un gosse. Ce dernier se met à pleurer, expliquant qu’il n’en pouvait plus de se faire humilier. Surprenamment, il ne s’agit pas du même élève que la veille, montrant que ce problème de harcèlement n’est certainement pas un cas isolé.
Morrison quant à lui, traitera du problème, mais l’adaptera à la sauce X-Men. En 2001, l’auteur débarque sur la série New X-Men. Sans entrer dans les détails pour ne pas vous gâcher la découverte, un groupe d’étudiants enragés de voir la discrimination et les mauvais traitements que subissent leurs pairs, va décider de se venger après avoir appris le meurtre d’une star mutante. Pour ce faire, ils vont prendre la direction de leur école afin de faire entendre leurs idées, et bien entendu, tous ceux qui se mettront en travers de leur route en payeront le prix.
Et ensuite ? Pas grand-chose que ce soit chez Marvel et DC, le néant. Comme si le problème n’était plus d’actualité, et cela pendant des années… En recontextualisant, il est facile de deviner que les événements du 11 septembre 2001, y sont en partie pour quelque chose, ayant volé la vedette, et étant devenu le principal sujet de discussion. Par ailleurs, les événements du World Trade Center, commence eux aussi à dater, et le problème de tuerie scolaire revient en force, sans grande réaction.
Champions #24 : National Education strikes back
Depuis des années, les tueries dans les écoles continuent, les éditeurs évitent le sujet, et personne n’en parle chez les Big Two, alors que le sujet est plus que jamais d’actualité. Et puis chez Marvel, Jim Zub, auteur sur le titre Champions, centré sur une équipe de super-héros adolescents s’étant émancipés des Avengers, pousse un coup de gueule.
« Plus tôt cette année, j’ai commencé à parler à Tom Brevoort, rédacteur en chef de Marvel, à propos de la rédaction d’un numéro de Champions sur les conséquences de la violence armée dans les écoles. Marvel s’est toujours efforcé de présenter « le monde derrière notre fenêtre » et c’était un sujet trop vaste. Centrée sur Miles Morales, l’histoire parle d’une tragédie et du traumatisme qui découle de la violence insensée, et des personnes qui s’unissent pour s’entraider afin de se construire un avenir meilleur, au cœur de chaque histoire de Champions. Je suis incroyablement fier du travail de chacun sur ce sujet et je suis reconnaissant d’avoir eu la chance de raconter cette histoire. »
Voilà ce que disait l’auteur en 2018. Ce numéro, Marvel va le laisser l’écrire. Ainsi, Champions #24 sort en septembre 2018 avec sur sa couverture, les visages de dizaines d’élèves, et la phrase « You never think it will happen to you ! ».
Si l’éditeur a accepté, c’est aussi en partie parce que Zub connait le sujet, étant lui-même professeur. Ainsi, celui-ci confiera à Newsrama :
« Je n’enseigne pas au lycée, j’enseigne à la fac, je travaille donc avec des adolescents et de jeunes adultes à la fin de leur adolescence et au début de la vingtaine. Mais c’est toujours une expérience très précieuse de dialoguer avec les étudiants et de me rappeler mes vulnérabilités et mes craintes concernant l’avenir, ainsi que les choses que je pensais être importantes à cet âge, et la façon dont j’ai construit ces choses en grandissant.
Je suis constamment en contact avec de vraies personnes qui sont à ce point de transition dans leur vie, réfléchissant profondément à ce qu’elles veulent être et quelles sont leurs priorités, et me souvenant de ces moments clés de ma propre vie et les canalisant comme je peux dans les histoires.
Je veux que ces personnages se sentent comme de vrais adolescents. Ils font des erreurs comme de vrais adolescents, ils font des choix difficiles comme de vrais adolescents. »
Et ce numéro, je vous laisse le soin d’aller le lire, mais jusqu’à présent il est sans doute le numéro qui parlera le plus à des adolescents s’étant retrouvés dans cette situation. Le pari est donc bien réussi, surtout lorsqu’on écoute les retours de la critique et du public.
IV – Le Grand tabou
Cependant, je ne crois pas en la théorie du « il faut être professeur pour parler des étudiants et de l’école, il faut être noir pour parler de racisme anti-noir, etc… ». Il est possible de parler d’un sujet sans y être personnellement confronté. Alors comment expliquer que ce sujet reste aussi tabou ?
Marvel a fait un premier pas, DC pas encor, en tout cas, pas depuis près de quinze ans. Pourtant, les tueries de masse dans les écoles sont un sujet plus que jamais d’actualité.
Première piste : la question de la légalisation des armes.
Dès qu’une attaque survient, comme les médias l’avaient déjà fait pour Columbine il y a des années, le débat se porte très rapidement sur la possibilité de s’armer facilement en tant que civil. Or, le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique, soit le texte au sommet de la hiérarchie des normes des USA, reconnait la possibilité pour le peuple américain de constituer une milice « bien organisée » pour contribuer « à la sécurité d’un État libre ». Par conséquent, tout citoyen américain a le droit de porter des armes.
Le débat fait rage depuis des années, et on pourrait comprendre la volonté des Big Two de ne pas s’en mêler. Plus d’engagement politique, surtout sur un sujet aussi glissant, c’est maintenant la règle.
Néanmoins, constamment déplacer le problème sur la question de l’armement est une erreur, car encor une fois, ce n’est pas la vente d’arme le véritable problème. Comme si les USA refusaient d’être confrontés aux failles de leur système éducatif. La possibilité de se procurer un pistolet ou un fusil accélère le processus certes, permet de conforter le futur tueur dans son idée, là où il pourrait craindre d’être facilement neutralisé avec une simple arme blanche. Mais l’arme n’est pas véritablement la source du problème. Ce n’est pas l’achat de l’arme qui crée l’idée d’une tuerie dans la tête de l’adolescent. Lorsqu’il achète l’arme, il s’est déjà plus ou moins décidé à s’en servir. Le problème est donc avant. C’est le harcèlement constant qui pousse ces élèves à acheter un 9mm et à flinguer à tout va dans leur école.
Supprimer les armes ne changera pas le problème. Au mieux, il le diminuera, et encor, rien n’est moins sûr. En effet, Eric et Dylan, déjà en 1999, créaient des bombes artisanales, alors qu’internet n’était pas aussi développé que maintenant. Aujourd’hui, après une brève recherche sur la toile, n’importe qui peut construire un engin explosif avec des produits du quotidien. Par conséquent, il est probable que les tueries diminuent légèrement, mais que celles-ci fassent plus de morts.
DC et Marvel peuvent très bien traiter de ces massacres en évitant le débat de la légalisation des armes. D’autant que cette question de la prolifération des pistolets, fusils, et mitraillettes, ils en ont en fait déjà parlé par le passé. En 1993, Chuck Dixon écrivait le titre Robin, dont les numéros #25 et suivants traitaient justement de la tension raciale entre les étudiants de l’école de Tim Drake, et de l’armement progressif des élèves. Cette guerre conduisait d’ailleurs directement à la mort d’un des camarade de classe de Robin, lors d’une escarmouche en plein milieu du hall du lycée…
Seconde piste : le refus de l’autocritique américaine.
Si le problème n’est pas véritablement lié aux armes, il est lié au harcèlement, et le harcèlement n’arrive pas tout seul. Il résulte de la responsabilité de plusieurs personnes. Et ces personnes, il conviendrait alors de les pointer du doigt. Attention, quelque soit leur comportement, cela ne justifie en rien qu’un élève se mette à leur tirer dessus, mais elles restent la cause de cette tragédie.
Alors qui sont-elles ? Les autres élèves, les professeurs, les parents, et quelques tiers. Mais blâmer tout le monde, surtout l’éducation nationale est trop simple, il y a des bons profs, des mauvais profs, d’autant que le métier d’enseignant est complexe, et ne se limite pas à simplement venir dans la classe, donner son cours, et se barrer.
Personne n’est omniscient. Personne ne peut savoir tout ce qui se passe dans une école, et encor moins à l’extérieur de cette dernière. Certes, c’est un fait. Mais les devoirs sont finalement les mêmes pour les enseignants, les élèves, les parents, et même les tiers… Du moment qu’ils sont au courant, ils ne peuvent pas laisser faire, chacun à leur niveau. Si on comprend qu’un élève, bien qu’il ne cautionne pas, ait du mal à intervenir, craignant les foudres des brutes du bahut, il en va de la responsabilité des adultes d’intervenir, qu’ils travaillent dans le cadre de l’école ou non. Bordel, des réflexions assassines, je comprends que les enseignants aient pu ne pas les remarquer, ou ne pas les prendre avec énormément de sérieux, mais une tasse avec de la merde, quand même… Comment des adultes ont-ils pu laisser passer ça ?
Tout cela révèle une nouvelle fois un problème national de gestion du harcèlement.
Par ailleurs, la question des parents reste plus complexe, ceux-ci n’étant pour certains pas au courant de ce qui se passe dans l’enceinte de l’école. Tout le monde a déjà caché des choses à ses parents, et le changement d’attitude de leur enfant peut souvent être mis à raison sur le dos de l’adolescence. D’où la nécessité, même si ce n’est pas toujours facile, de parler à ses gosses.
Trouver des solutions à l’échelle nationale afin de corriger un problème est la tâche souvent ingrate et difficile du gouvernement. Tirer la sonnette d’alarme lorsqu’il y a un problème, problème qui se répand et fait des morts, est la responsabilité de tous. Se voiler la face ou attendre ne changera rien, et le comics, qui a su être si critique à une certaine époque, se doit de prendre le risque de le redevenir.
Troisième piste : les ventes et la ligne éditoriale.
Est-ce que c’est ce que les lecteurs veulent ? Et est-ce que c’est à nous d’en parler ? Les lecteurs veulent du divertissement, se changer les idées. Ils ne veulent pas vraiment ça…
Qu’est-ce que c’est que ces conneries… Marvel a été acclamée pour avoir fait le premier pas, DC se doit de s’y mettre aussi. L’éditeur semble avec certaines de ses dernières sorties comme Heroes in Crisis vouloir revenir à quelque chose de plus « réaliste », avec des héros dépressifs et abattus. Vous voulez quelque chose de sombre et réaliste ? J’ai un Master 2 en Sciences criminelles, et je peux vous le dire, rien ne sera jamais plus sombre que la réalité, parce qu’elle est palpable, parce qu’elle nous pousse à nous questionner sur ce que nous sommes.
Kendrick Castillo. Joshua Jones. Brendon Bialy. Trois noms en allitérations, comme les héros de comics. Lors de la tuerie de Highlands Ranch STEM, au Colorado, ces trois adolescents ont décidé de faire face au tueur et tenter de l’arrêter. Ils n’ont pas tous survécu. Joshua Jones a été interviewé par ABC un peu plus tard. Son regard en dit long. Il semble étrangement calme, mais ne l’est pas du tout. Il fixe un point, car s’il détourne d’un centimètre le regard, il sait que le masque va se briser. Sa voix déraille quand il commence à parler de son pote qu’il a vu se vider de son sang, et avec qui il est resté jusqu’à la fin. Facile de comprendre qu’il ne s’en remettra véritablement jamais.
Le présentateur lui demande alors si avec toutes ces tueries qui arrivent aux USA, il y avait déjà pensé avant ça, s’il s’était préparé à une telle possibilité. Le jeune homme lui répond que ça arrive tellement souvent qu’il est impossible de ne pas y penser, mais qu’il n’avait jamais réfléchi à la manière dont il réagirait dans cette situation.
Malheureusement, comme bien des choses dans la vie, ça arrive souvent aux autres, jusqu’à ce que ça vous arrive.
La jeunesse américaine vit dans une époque où aller à l’école, n’est plus juste barbant. Non, elle vit dans une époque où aller à l’école revient à jouer à la grande loterie. Peut être que vous aurez une scolarité classique, mais n’oubliez pas que Robert a la main rapide, et qu’un de ces jours, il y a une possibilité qu’il vienne pour vous, et si c’est le cas, dommage.
Cette jeunesse, il est nécessaire de lui parler, notamment après ce genre d’incident, pour qu’elle se sente soutenue, et des personnages, même fictifs, peuvent jouer ce rôle. Un rôle libérateur. Ce n’est certes pas la vraie vie, ce ne sont que des héros en collants totalement fictifs, mais certains y accordent de l’importance, et c’est ce qui au final compte. Pour certains, Superman et Spider-Man sont quelques parts réels.
De plus, ce n’est pas qu’après qu’il faut en parler, mais aussi avant. Ces jeunes vivent dans un climat de tension permanent, essayant de se convaincre que ça ne va pas arriver, et même leurs parents peuvent difficilement les rassurer, tout simplement car eux aussi partagent cette peur. Comment aborder le sujet avec ses parents ou avec ses enfants ? Dire que ça ne va pas arriver est un mensonge, car il est impossible de savoir. Hormis leur dire de signaler tout harcèlement afin d’éviter qu’un élève craque, il n’y a rien à faire à leur échelle. Une psychologue qui explique à Miles Morales que c’est normal d’avoir peur, ça ne changera pas le monde, et ça n’arrêtera pas les balles quand elles commenceront à pleuvoir, mais rien qu’exprimer ce droit d’avoir peur est libérateur.
Quant aux victimes de harcèlement, devenues par la suite des tueurs de masse, le profil type qui a su s’imposer et se confirmer au fil des années est celui de l’adolescent masculin de 17 ans. Cela veut dire une chose : leurs études étaient quasiment finies, et que souvent, cela s’est donc joué à peu. Eric Harris et Dylan Klebold auraient tenu encor deux trois mois, et c’en était fini du lycée, des brutes, et du harcèlement. Ils auraient eu leur diplôme, se seraient cassés de là en conservant tout de même une certaine amertume vis-à-vis de ces années difficiles, mais auraient sans doute fini par relativiser.
Ces gosses avaient des rêves, des ambitions, et du talent, et personne ne nait avec le rêve de devenir tueur de masse.
Qui plus est, et sans rentrer dans des amalgames, lire des comics à 17 ans, ce n’est certainement pas un truc cool. Je peux me tromper, et l’école a pu changer depuis quelques années, ou l’école est peut être totalement différente aux USA, mais je vois mal Brandon, capitaine de l’équipe de foot de l’école, lire avec sa copine Tiffany, le dernier numéro de Dectective Comics. Du peu que j’en sache, le lycéen type qui lit des comics est plus proche du club de jeux de rôle, d’échec ou quoi que ce soit d’autres, que des jocks et autres élèves populaires. Pour résumer crûment, il est en bas de la chaîne alimentaire scolaire, et a donc plus de chance d’être victime de harcèlement, et par conséquent de craquer.
Peter Parker a été un outsider victime de harcèlement, mais maintenant, il est nécessaire de trouver d’autres héros, peu importe la maison d’édition, qui parlent aux élèves, qui leur permettent de s’évader, et leur expliquent que tout va s’arranger. Faire cela ne changera jamais le monde, n’arrêtera jamais le harcèlement, mais si ça permet à un gamin de ne pas péter un câble, alors le pari sera réussi. Quand viendra le moment de constat, il n’y aura pas de : « On a juste évité un seul suicide et deux meurtres ». Trois vies auront été sauvées, et ce sera un constat suffisant.
V – Vers l’avenir…
Pour l’anecdote, quand j’étais au collège, collège privé qui plus est, un gamin s’amusait à tyranniser des élèves. Nous n’étions jamais dans des extrêmes, juste des petites phrases et des moqueries qui usent au fil des heures, des jours, des semaines, des mois. Personne ne disait rien. Il s’en est pris à un élève, puis un autre, puis encor un, et etc… Il n’était pas physiquement imposant, mais tout le monde le laissait faire et le craignait, même les professeurs qui ne disaient pas grand-chose lorsqu’il dérangeait les cours.
Mais un jour, les piques n’ont plus suffi. Accompagné d’un de ses potes, il a chopé un type de ma classe à la sortie, l’a plaqué contre un mur, lui a mis son avant bras sous la gorge, et a commencé à presser. Il y avait des adultes autour qui attendaient l’arrivée de leur gosse. Pas un n’a bougé, et il était pourtant impossible de ne pas le remarquer. Ce n’était tout simplement pas leur problème.
Mon père est arrivé au moment où je sortais du collège et que j’ai vu ce qu’il se passait. Je lui ai tendu mes affaires, et ait tourné les talons. Il n’a pas compris tout de suite. Je me suis approché du type, et lui ait demandé d’arrêter ses conneries. Il m’a répondu en me disant d’aller me faire foutre, et en appuyant avec plus d’insistance son avant-bras sur le coup de l’autre gosse. J’ai vu rouge.
Ma main a agrippé son cou, et je l’ai explosé sur le trottoir. Alors qu’il était à terre, j’ai continué de le frapper. Son pote a eu un mouvement de recul, et a abandonné l’idée d’intervenir. Pour tout avouer, heureusement, à deux contre un, j’aurais perdu. Une main m’a attrapé au niveau du dos, et m’a projeté en arrière. C’était mon père. Tant mieux, j’avais totalement pété les plombs.
Le lendemain, j’ai été convoqué. La sentence est tombée, j’étais viré. Des négociations ont eu lieu, et finalement, je n’ai été exclu que partiellement. Vous voulez savoir ce qui m’a sauvé ? Mes résultats, et les profs. Ces derniers se sont soudain réveillés, en expliquant que l’autre gosse était un petit tyran, et cela depuis des mois…
Un aveu qui en dit long. Ils savaient, tous savaient, et pourtant, personne n’est intervenu à ce moment. Ils sont intervenus après coup, quand le mal était déjà fait. Une sorte de « Merci d’avoir réglé son compte à ce petit con, parce que même lorsqu’il foutait la merde en classe, on n’osait pas intervenir ! ». De rien Messieurs Dames, mais ce n’était pas à moi de faire ça, ça n’aurait jamais du arriver.
Chaque année, des centaines d’enfants se donnent la mort ou tentent de se donner la mort à cause du harcèlement scolaire. Des jeunes qui ont préféré orienter toute cette tristesse, cette colère, et ce désespoir accumulés, vers une seule personne, eux-mêmes, et non vers leurs bourreaux. Comprenez de ce fait qu’à chaque suicide du au harcèlement, une tuerie de masse a potentiellement été évitée.
Les grands éditeurs de comics doivent briser ce tabou.
Il est nécessaire d’être enfin critique et parler de la réalité du harcèlement scolaire, mais aussi de l’ambiance dans laquelle évoluent les élèves, vivant tous les jours avec une cible derrière leur dos, et s’attendant au pire, tout en essayant de ne pas y penser.
Suite aux événements de Columbine, les éditeurs avaient su démontrer qu’ils avaient compris cette nouvelle réalité touchant le milieu scolaire. S’ils savaient en parler à l’époque, il n’y a aucun raison qu’ils ne puissent pas aujourd’hui le refaire. Marvel a fait le premier pas, il est grand temps que DC fasse de même, et que le Big Two avancent ensemble sur cette voie. Si vous voulez parler à des adolescents, et les faire relativiser, il y aura toujours des séries comme Wonder Twins pour le faire d’une belle manière, mais certains sujets, plus graves, nécessitent de s’y consacrer sérieusement.
Il ne reste maintenant plus qu’à espérer que les chosent changent dans l’industrie du comics, et que cette vague de tragédies soit endiguée le plus rapidement possible.
Pour conclure, si vous voyez quelqu’un être victime de harcèlement scolaire, réagissez. Si vous êtes vous-même victime de ce genre de pratiques, ne vous laissez pas faire. Parlez-en. Vous trouverez normalement toujours quelqu’un qui vous écoutera. Il n’y a pas de honte à demander de l’aide quand vous sentez que vous en avez vraiment besoin. Mais dans le cas contraire, si vous ne trouvez personne, que personne ne vous écoute, ou si personne n’arrive à gérer cette situation, je laisse à votre disposition ce numéro ainsi que ce site :
Parfaitement gratuit, quelque soit votre situation, des gens sauront vous écouter que vous soyez victimes ou simples témoins. Si vous en êtes au point de penser que vous n’avez plus rien à perdre, que vous estimez que c’est foutu pour vous, au final, juste un coup de téléphone avant d’agir, ça ne coûte rien…
Long sujet qui me tenait à cœur, et que je me suis efforcé tant bien que mal de présenter ici. Une bonne dizaine d’heures d’interviews et de reportages, et des centaines de documents entre rapports de police, articles de presse, et photos, que ce soit des visages des familles des victimes tordues par le chagrin, mais aussi des scènes de crimes, des cadavres troués par les balles, etc… Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur le manque de décence générale qui entoure ces derniers. Mettre la photo des corps de certains tueurs, après leur suicide, en première page d’un magazine afin de vendre plus de numéro est tout simplement misérable… Mais ce n’est ici pas l’endroit pour discuter de ça. Si l’histoire de Eric Harris et de Dylan Klebold est sans doute celle qui m’a le plus touché, c’est sans doute car je me suis notamment retrouvé à visionner toutes les vidéos d’eux-mêmes qu’ils avaient laissées avant de craquer. Que ce soit celles se contentant de présenter les meilleurs moments de leur vie au lycée en compagnie de leurs amis, ou celles de leur projet de film étudiant, il y en a pour une bonne heure et demi. Et pour être honnête, aussi étranges et décalés soient-ils, ou plutôt étaient-ils, j’ai fini par m’attacher à eux. Ce qu’ils ont fait est impardonnable, harcèlement ou non, mais ce n’étaient pas de mauvais gars, juste des gosses qu’on a poussé à bout, et qui ont disjoncté. Ainsi, le retour à la réalité causé par la vue de leurs cranes explosés, et de leurs corps baignant dans leur sang sur le sol de cette bibliothèque, m’a profondément touché. Puis j’ai vu la photo des corps de leurs camarades, certains visages reconstitués aussi bien que la sciences le permet, afin que les familles les voient une dernière fois avant de pouvoir refermer le cercueil… Bordel, vingt ans que ça dure et le nombre de ces incidents ne cesse d’augmenter, telle une épidémie, telle une tumeur qui prolifère dans ce pays. Faudra-t il attendre que la moitié des gamins se retrouvent à être scolarisé à domicile pour réagir, ou va-t-on sérieusement un jour essayer de se charger de ce problème ? L’avenir nous le dira…
Bully est un jeu franchement très sympa.
Mais on passe plus de temps à defendre les binoclards face aux autres que de les rabaisser.
Si ce sujet est si peu traité, c’est je pense justement comme tu l’évoques que c’est un sujet qui impose un traitement sérieux, ce qui ne correspond pas aux récits super-héroiques qu’ils veulent vendre.
Comme tu en parles aussi, Tom King expliquait que le pitch de Heroes in Crisis lui venait des tueries de masses banales des USA, que son fils va entrer à l’école et que ça fait monter en lui la peur. Bon après malheureusement il semblerait que le traitement du comics ne suive pas l’idée, mais ça montre que ce genre de sujet pourrait être abordé par les comics quand même.
Je pense que c’est des sujets aussi qui sont touchy de tous les côtés pour les éditeurs. Attaquer frontalement la question des armes notamment c’est se mettre à dos toute une amérique. De l’autre côté, ce genre de questions c’est s’exposer à des critiques sur la justesse du traitement présenté (Je pense par exemple à 13 reasons why, accusé de glamouriser le suicide, le feuilletonnage en multiples saisons pour faire de l’argent sur un sujet qui passe mal…).
Quand à savoir comment ça va évoluer, c’est une question encore plus large sur les Etats-Unis eux-mêmes…
Formidable dossier, Blue. À la fois riche, instructif et d’une grande puissance. Beaucoup d’informations et de références qui nécessitent plusieurs lectures, mais merci pour un tel travail. Par ailleurs, je suis assez d’accord avec les propos de Para’ au-dessus de moi, notamment sur HiC.