Histoire de prod #1 : Batman 89

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Les films, qu’ils soient des échecs industriels ou des chefs-d’œuvres ont quasiment systématiquement des productions passionnantes. Réalisateur tyrannique, studio qui s’immisce dans la production, producteurs collants, caprices d’acteurs. Il y a des centaines d’exemples différents et les films de super-héros n’échappent pas à la règle.

Ça tombe bien, car aujourd’hui nous fêtons les 30 ans de la sortie française du Batman 89. Ce premier numéro d’histoire de prod va donc s’intéresser à l’histoire de ce film qui a marqué toute une époque. Car Batman est un précurseur de beaucoup de choses dans notre Hollywood moderne.

Uslan et le commencement

Commençons par le commencement. Batman 89 ne serait jamais sorti sans la ténacité de Michael Uslan. Nous sommes au début des années 70. Le jeune homme dans sa vingtaine, alors qu’il était à l’Indiana University de Bloomington tenta une chose qui n’avait jamais été faite auparavant. Le département art et science de cette université proposait à qui le souhaitait d’enseigner la matière de leur choix, tant que le projet était jugé convaincant par un groupe de professeurs et de doyens. Uslan proposa donc un cours sur les comics. Le doyen de l’époque vint donc le voir en lui disant, en gros : « C’est toi qui veux lancer un cours sur les comics ? Bon t’es gentil, les comics c’est rigolo, mais c’est quand même de la merde. Tu ne me feras pas croire que les comics sont de la vraie littérature ou même de la mythologie moderne. » Ce à quoi Uslan répondit : « Vous connaissez l’histoire de Moise ? » Le doyen lui répondit par l’affirmative en la décrivant. Uslan lui demanda alors, s’il connaissait l’histoire de Superman. Il lui répondit aussi par l’affirmative et vit où le jeune homme voulait en venir. Uslan fut donc la première personne à créer un cours sur les comics dans une fac américaine.

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© Warner Bros.

C’était bien entendu une première et l’on peut dire que cela aura été précurseur. Aujourd’hui il existe énormément de cours dans les facs américaines qui se centrent sur la culture populaire. Ceci fit donc événement à l’époque et amena deux personnes à passer un coup de fil à Uslan. La première, qui n’est pas vraiment pertinente pour ce papier, mais c’est plutôt cool, donc on fera fi, fut Stan Lee. The Man vint féliciter le jeune homme, heureux de voir son médium enfin être reconnu. la deuxième personne, était Sol Harrison, le vice président de DC Comics. Celui-ci proposa au jeune homme de travailler avec eux et c’est à ce moment-là que Uslan fit part de son rêve. Produire l’adaptation filmique ultime de Batman. Un film dark, tel que « Bob Kane et compagnie » (je cite, à l’époque Bill Finger était nommé « et compagnie ». D’ailleurs c’est absolument effroyable de voir la façon dont son nom n’est même pas prononcé une seule fois durant les making off) l’avait créé.

Durant les années qui suivirent, Uslan finit la fac de droit et rejoignit United Artists, une société de distribution et de production créée en 1919 par non moins que : Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith. Avec cette nouvelle expérience, Uslan se tourna de nouveau vers Sol Harrison, en lui disant que maintenant il voulait acquérir les droits cinématographiques de Batman. Harrison n’était pas enchanté par cette idée. Il avait peur que le jeune homme se casse les dents, arguant qu’aujourd’hui plus personne n’était intéressé par Batman, car la série de 66 avait tué le héros. Mais Uslan ne lâcha pas l’affaire objectant qu’un film Batman sombre serait quasiment une nouvelle forme de divertissement. C’est grâce à son travail à United Artists qu’il rencontra son futur partenaire, Benjamin Melniker.

En effet, à l’époque Uslan côtoyait le fils de Melniker à son travail. Celui-ci fit part à son père du désir de Uslan de rencontrer le producteur, ce qu’il accepta. Uslan fit donc part de ses idées concernant Batman, et le producteur a dit banco. Le duo passa donc 6 mois à essayer d’acquérir les droits et ce fut enfin le cas le 3 octobre 1979. On ne connait pas les détails de ce deal. Cependant, on sait que la licence était loin d’être donnée, malgré son statut de licence morte. Le paiement devait arriver dans les 6 mois suivants, puis tous les ans jusqu’au moment où un film entrera en production.

Recherche d’un studio

La pression sur les épaules de Michael Uslan était forte. Cependant, Uslan s’attendait à ce que tous les studios lui ouvrent grand leurs portes, car le potentiel de sequel, d’animation et de produits dérivés était gigantesque. Toutefois, lui et Melniker virent leur pitch d’un Batman sombre être refusé par tous les studios. Plus qu’un refus, ils leurs firent comprendre que c’était la pire idée qu’ils avaient jamais entendue. Qui plus est, alors qu’il est courant à Hollywood de s’attacher la présence d’une star pour réussir à vendre le film plus facilement aux studios, il était impossible pour eux de le faire. La série était encore bien trop ancrée dans les esprits des gens et il était quasiment certain qu’aucun acteur n’accepterait de se voir rattacher au projet, sans réalisateur, ni scénariste. Un studio finit par accepter de faire le film, mais seulement s’il était dans le même esprit que la série de 66. Billy Batson nous en parlait ici. Uslan rejeta cette proposition. Ce refus fut un peu un crève-cœur pour le duo, mais Uslan n’était pas prêt à dire au-revoir à sa vision.

Par la suite Melniker mentionna la société Casa Blanca Records. La société appelée alors The Kings of Disco était dirigée par deux personnes, dont un certain Peter Guber. Ce dernier avait rencontré Melniker quelques années auparavant et Melniker avait l’intuition que Guber pourrait accepter leur projet. Là où l’implication d’un studio de musique pourrait sembler étrange, il s’avère qu’à l’époque il y avait des rumeurs faisant part d’un investissement d’une société européenne pour que Casa Blanca Records ouvre une division filmique.

Après un coup de fil à Guber, celui-ci demanda au duo de venir le rencontrer en personne. Quelques jours plus tard ils parvinrent donc à un agrément et le deal était signé. A l’origine Casa Blanca était supposé travailler avec Universal Pictures, puis Orion, puis 20th Century Fox, avant d’enfin arriver chez la Warner, avec la présence du producteur Jon Peters. Jon Peters, ancien coiffeur devenu producteur influent à Hollywood, même s’il est devenu le rebut d’Hollywood aujourd’hui. Comment me demandez-vous ? Eh bien il s’agit du american dream, bien entendu (si american dream signifie sortir avec Barbara Streisand). Mais nous reviendrons sur ce… personnage.

Tom Mankiewicz écrivit un script, sur lequel Warner se basa pendant des années, en le réécrivant de multiples fois. Plusieurs acteurs, réalisateurs se succédèrent. Ivan Reitman, Bill Murray, Eddie Murphy, Joe Dante, encore une fois je vous dirige vers le dossier de Billy Batson qui vous parle très bien de tout ça.

L’arrivée de Burton

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© Warner Bros.

C’est à ce moment-là que Warner pensa à un jeune homme pour réaliser le film, Tim Burton. Le réalisateur, ancien animateur de chez Disney, venait de signer un joli film, doublé d’un succès financier, nommé Pee-wee’s Big Adventure en 1985 pour la Warner. Burton fit part à Uslan de son idée. Pour lui, « ce n’est pas un film à propos de Batman. Si l’on veut faire ça sérieusement, ce doit être un film à propos de Bruce Wayne. » D’ailleurs il serait bon de rappeler ici que malgré ce que l’on peut lire parfois sur internet, Burton avait déjà lu des comics. Il n’en était pas fan, n’arrivant jamais à comprendre dans quel sens les cases devaient être lu. Cependant il avait lu et adoré Killing Joke et The Dark Knight Returns. Qui plus est il adorait Batman, se retrouvant dans le personnage. Burton demanda alors à sa copine de l’époque d’écrire 30 pages d’un nouveau script, ceci car Burton n’était pas du tout convaincu par le script de Mankiewicz, le jugeant trop kitch. De son côté, le grand succès de The Dark Knight Returns en 1986 réalimenta l’intérêt de Warner dans le film.

Warner appela alors Steve Englehart pour écrire un nouveau traitement du script en mars 86. Celui-ci était en fait un scénariste de comics et il basa son scénario sur son propre run, appelé Batman : Strange Apparitions. Le même comics dont Mankiewicz s’était inspiré. Le script comprenait les personnages de Silver St. Cloud, Dick Grayson, le Joker et Rupert Thorne, ainsi qu’un caméo du Pingouin. Warner était heureux du résultat, cependant le scénariste n’était pas convaincu. Dès le départ il sentait qu’il y avait trop de personnages. Le studio finit par être d’accord avec le scénariste, sentant que ce trop-plein finirait par étouffer le personnage de Batman. Le scénariste écrivit donc un deuxième script en supprimant Dick Grayson et le Pingouin. Celui-ci fut terminé en mai 86.

Sam Hamm

Burton demanda ensuite à Sam Hamm, un fan de comics, de réécrire le script. Hamm changea donc quelque peu les choses en remplaçant Silver St Cloud par Vicky Vale et Rupert Thorne par un personnage original. Hamm décida qu’il ne ferait pas du film une origin story. Il déclara plus tard que le fait de montrer littéralement le processus via lequel Bruce Wayne devenait Batman détruisait toute crédibilité. L’idée était qu’il était plus intéressant de découvrir le secret au cours du film. Robin avait retrouvé son chemin dans le script, cependant Burton et Hamm durent se rendre à l’évidence : le personnage ne fonctionnait pas dans leur histoire et il fut donc supprimé. Le script fut complété en octobre 86.

Warner était heureux du résultat, cependant ils n’était pas encore vraiment prêt à lancer la production du film. Il fallut attendre quasiment deux ans pour qu’il se décide enfin à donner leur feu vert, donc plus de quatre ans après l’arrivée de Burton sur le projet, et ce grâce au succès de Beetlejuice, le deuxième long métrage de Burton en 1988.

Le casting

Le Joker

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Le premier personnage à être casté fut le Joker. Brad Dourif, Tim Curry, David Bowie, John Lithgow et James Woods furent considérés pour le rôle du Joker. Cependant ce fut deux autres acteurs qui finirent par s’opposer pour le rôle. Jack Nicholson et Robin Williams. Nicholson était un choix très populaire pour le rôle. C’était même le choix favori de Uslan et de Kane. D’ailleurs pour l’anecdote, Kane avait envoyé, en 1980, un montage de Nicholson dans Shining, avec les cheveux vert du Joker. cependant l’acteur était loin d’être emballé par le rôle. De l’autre côté Robin Williams voulait absolument jouer le Joker. Williams était un énorme nerd, il adorait les jeux-vidéos, les comics et surtout Batman. Il adorait donc le Joker et rêvait de pouvoir le jouer. Ceci allait devenir réalité pour lui, la Warner ayant fait part de leur intention de lui donner le rôle, après que Nicholson ait fait part de son hésitation à l’accepter.

Cependant il s’avéra que c’était juste une façon pour la Warner d’utiliser Williams pour que Nicholson accepte enfin le rôle, ce qu’il fit contre un contrat de 6 millions de dollars (4 millions de moins que ce qu’il gagnait à l’époque), cependant il doubla cela en incluant dans son contrat un pourcentage sur les profits du film, merchandising compris. Une première pour l’époque, pour ce qui est aujourd’hui une pratique plus que banale. Bien entendu Williams prit très mal ce coup bas de la Warner et refusa de travailler pour la société pendant des années. L’acteur, qui nous a quitté il y a cinq ans de ça maintenant n’aura jamais pu réaliser son rêve de jouer un personnage de comics.

Michael Keaton

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Pour le choix de Bruce Wayne l’idée était à la base de choisir un acteur inconnu, pour reproduire le même schéma qu’avec Christopher Reeves à l’époque. Cependant Jack Nicholson était le Joker et il était maintenant impossible de mettre un acteur inconnu en face de lui. L’idée était qu’un acteur se serait fait étouffer par la présence de Nicholson. Un grand nombre d’acteurs furent envisagés par la Warner, Mel Gibson, Kevin Costner, Charlie Sheen, Tom Selleck, Bill Murray, Harrison Ford et Dennis Quaid. Cependant ce fut un tout autre nom qui resta au final, il s’agissait de Michael Keaton.

Burton avait déjà travaillé avec Keaton sur son précédent film et il avait visiblement apprécié l’expérience. Et c’est ainsi que le premier scandale autour d’un casting de super-héros a commencé. Scandale qui se répétera à à peu près chaque choix d’acteur pour incarner la  chauve-souris, jusqu’au dernier en date, avec Robert Pattinson. Cependant, à l’époque point de réseaux sociaux, ou même d’internet pour écrire des pétitions, alors les gens faisaient ce qu’ils pouvaient, ils écrivaient des lettres. Il se dit que Warner aurait reçu 50.000 lettres de protestation. Même un article à la une du  Wall Street Journal déclarait que ce choix était ridicule et qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Le Los Angeles Time allait encore plus loin : »En castant un clown, Warner Bros et Burton ont déféqué sur l’histoire de Batman« . Même Adam West, le Batman de la série de 66, alla de son commentaire, arguant qu’il était un bien meilleur Batman que Keaton. Un commentaire étonnant, mais soit. Tout ceci créa de la publicité pour le film bien entendu, mais cela inquiéta aussi énormément les costumes cravates chez Warner, et qui affecta même l’action de Warner à la bourse. Toutefois il y avait un fan, un peu différent des autres qui prenait aussi très mal la nouvelle, Michael Uslan.

Uslan et le choix de Keaton

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Uslan, tout comme les fans, ne pouvait tout simplement pas voir l’acteur de Mr Mom (une série comique) prendre le rôle de Batman. Qui plus est l’acteur n’avait pas du tout le physique pour jouer Batman. Il n’était pas grand, n’était pas musclé et n’avait pas la mâchoire pour. Cependant, lorsqu’il vint à en parler avec Burton, celui-ci lui fit comprendre sa vision. Pour Burton, il était impossible de prendre un inconnu, mais il était aussi impossible de prendre un acteur connu. Pour lui personne n’aurait pris au sérieux ce type d’acteur dans le costume de Batman. Plus que ça, il disait que Keaton a cette folie dans le regard nécessaire pour le rôle, ainsi qu’un physique différent des super-héros, ce qui expliquait pourquoi il avait besoin d’un costume.  Puis il a ajouté qu’il avait travaillé avec Keaton et qu’il savait comment le faire fonctionner et que pour que les gens prennent au sérieux un film de super-héros il devait en faire un film à propos de Bruce Wayne.

« Tout ça doit être à propos de Bruce Wayne. L’audience doit croire en lui. Déjà ils doivent croire en Gotham City dès le début du film. Gotham doit être le troisième personnage le plus important du film. Dès qu’ils croiront en Gotham, ils devront croire que Bruce Wayne est une personne tellement obstinée, obsédée au point de devenir psychotique, que les spectateurs croiront que cette personne se déguiserait en chauve-souris et se battrait contre le Joker. “En passant d’un médium à un autre, une mâchoire carré ne fait pas Batman. C’est à propos de Bruce Wayne. Je peux sculpter une musculature dans le costume. Je peux tricher sur la taille. Mais au bout du compte c’est juste à propos de Bruce Wayne. Et pour finir de prouver le point de Burton, une projection de Clean and Sober fut organisé pour Uslan. Clean and Sober était le prochain film de Keaton, prévu pour 1988. Il s’agissait d’un film où Keaton jouait un drogué. Le film fut suffisant pour prouver à Uslan que Keaton était l’homme de la situation.

Le reste du casting

Le reste du casting fut constitué de Robert Wuhl dans le rôle du photographe, Alexander Knox, collègue de Vicki Vale. Tandis que cette dernière serait jouée par Sean Young. Cependant, les choses allaient changer. Après une première lecture du scénario avec les acteurs, Burton et John Peters, qui s’était très bien passée, la deuxième fut bien plus compliquée. Alors qu’une grande partie des pontes de la Warner était présente, Sean Young fit la réflexion au beau milieu de la lecture que son rôle semblait disparaître du scénario, ce qui, selon Robert Wuhl, était bel et bien le cas. Son rôle avait été considérablement réduit. Alors, elle continua la lecture d’un ton totalement monotone qui sapa l’énergie dans la pièce. Après ça, Vicki Vale eut le droit à un plus grand rôle. Cependant, ce que l’actrice avait fait, devant les plus grandes pontes de la Warner ne passait pas inaperçu.

Alors, que le tournage devait commencer sous peu, l’actrice eut un accident de cheval qui la rendit incapable de jouer son rôle. Chez la Warner tout le monde était vraiment heureux par ce fâcheux « accident » (adepte de la théorie du complot, lâchez-vous). C’est l’actrice Michelle Pfeiffer qui devait reprendre le rôle, sous l’impulsion de Jon Peters. Cependant, selon Wuhl, encore une fois, Michael Keaton mit son veto. En effet il s’agissait de l’ex de l’acteur. L’actrice viendrait remplacer Annette Bening dans le Batman Returns. La boucle était bouclée. Kim Basinger fut la première actrice à satisfaire tout le monde et elle fut appelée tout de suite sur le tournage.

Le tournage

Ce sont les studios de Pinewood à Londres qui furent choisi pour abriter le tournage de Batman. Ce studio fut choisi pour plusieurs raisons. Déjà, pour une question de budget. Le film ne devait pas être fauché, mais le studio souhaitait tout de même limiter les dépenses et il semblerait que l’Angleterre offrait des tarifs avantageux. Cela n’empêcha pas le film d’être la production la plus coûteuse jamais faite à l’époque.

Qui plus est, les studios de Warner en Californie n’avaient pas assez de place pour le film. L’équipe savait qu’il leur faudrait de larges espaces pour pouvoir construire des décors et le studios de Pinewood offrait cette opportunité. De plus, Burton avait admis que c’était une bonne façon d’échapper à toutes les questions de gros sous qui se jouaient en Californie, ainsi qu’aux attentes que cristallisait le film aux États-Unis. En plus, cela permettait à Keaton d’être loin de la polémique que son casting avait provoqué.

La conception des décors fut confié à Anton Furst. Tous les décors que l’on peut voir dans le film existent en dur. Celui-ci avait déjà travaillé sur le Full Metal Jacket de Kubrick et c’est donc à lui que l’on doit cette Gotham au style très art-déco.

Ce tournage fut très difficile pour bien des raisons. Déjà il faut voir que niveau température Londres et Los Angeles sont assez éloignées l’une de l’autre. De plus, quasiment la majorité du tournage se déroulait de nuit, ce qui fit que la production ne vit pas la lumière du jour pendant des semaines. Le rythme de tournage était assez éreintant, tournant cinq ou six jours par semaine. Burton expliquait d’ailleurs qu’il n’a plus jamais voulu tourner à un tel rythme trouvant cela plus contre-productif qu’autre chose.

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Le costume

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Bien entendu il faut parler du plus important chez Batman, son costume. On connait tous ce costume qui est devenu iconique. Le costume a été conçu par Bob Ringwood un costume designer anglais, qui a travaillé sur Excalibur, Dune, Alien 3.

Le costume en lui même a été inspiré par la silhouette du Batman de Neal Adams. Il s’agissait d’ailleurs du tout premier costume à utiliser de la peinture noire autour des yeux de Batman, ce qui aura été utilisé pour tous les Batman suivants. Le costume arbore une musculature plus que prononcée. D’ailleurs le costume était extrêmement plaqué près du corps, ce qui fit que Keaton, même s’il se prépara physiquement avant le film, n’avait pas le droit de prendre trop de poids.

Les bottes de Batman sont aussi un aspect plutôt… intéressant du costume. En fait Jon Peters est venu voir Graham Churchyard, un assistant costumier et lui a dit « Warner a ce truc avec Nike, est-ce que vous pouvez utiliser un de leur jogging ? ». Churchyard a demandé à Ringwood, qui lui a répondu qu’un jogging des années 80 ne s’accorderait pas vraiment avec le style années 40 du film. Et c’est là qu’ils se sont dit « pourquoi pas s’occuper des bat-boots ? ». Ils ont donc crée les bottes, basées sur une de leur paire de baskets. Ce qui enchanta Keaton et ses doublures, car elles étaient extrêmement confortables. Cependant il apparaît que Burton était beaucoup moins enchanté par cet apport. Et peut-on vraiment l’en blâmer ?

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Mais la raison pour laquelle ce costume est si connu c’est à cause de son masque. En effet, celui-ci était fixé d’une telle façon que Keaton ne pouvait absolument pas bouger la tête. Il expliquait d’ailleurs qu’ils s’en étaient tous rendu compte durant le premier jour de tournage dans le costume, qui arriva alors que le tournage principal était déjà bien entamé. Keaton devait réagir à ce qu’une autre personne lui disait et lorsqu’il tourna la tête, tout le côté du masque s’arracha. C’est à ce moment-là qu’ils décidèrent que le personnage adopterait ces mouvements très statique, telle une statue.

Keaton était (et l’est sans doute toujours) très claustrophobe et son masque ne faisait rien pour l’aider. Cependant c’est grâce à cette sensation de claustrophobie qu’il dit avoir trouvé la bonne façon de jouer Batman.

Les tensions

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© Warner Bros.

Pour l’instant, tout ce papier laisse penser que la production de Batman a été un vrai conte de fée. Mais la réalité est bien loin de cela. Derrière les sourires de façade du making of, il y avait la réalité et elle était bien peu reluisante, le cœur du problème résidant en la présence de Peter Guber et de Jon Peters. En effet les deux producteurs étaient constamment présents sur le tournage.

Il est assez compréhensible que la présence constante de producteur sur ses plateaux doit être assez lourde pour tout cinéaste. Mais Tim Burton et Jon Peters n’étaient jamais réellement d’accord sur le ton global du film. Peters voulait que le film soit moins sombre, que Batman soit plus héroïque, ce qui était tout l’inverse de Burton. Le film subit de nombreuses réécritures même en plein tournage, la plupart de ces réécritures venant des producteurs. Quand on ajoute à tout ça que Burton a été malade pendant une bonne partie du tournage, on imagine combien cela a dû être compliqué.

Déjà, il faut souligner que dans le script de base Alexander Knox devait mourir de la main du Joker. Cependant son destin fut changé et ce ne fut pas la seule chose pour ce dernier acte. En effet, Jon Peters avait été voir la pièce Le Fantôme de l’Opéra et dans cette pièce le grand climax du film se déroulait au sommet d’une tour. Peters voulait donc que la fin de Batman se déroule elle aussi au sommet d’une tour et fit donc réécrire le script.

C’est comme ça que la scène où Batman poursuit le Joker qui a kidnappé Vicki Vale dans la cathédrale a vu le jour. Ce changement entraîna une grande frustration chez Burton qui se retrouvait à diriger une scène dont il n’avait aucune idée de l’exécution. D’ailleurs il expliquait quelque temps après la sortie du film : “Nous tournions la scène du clocher et Jack traîne Kim le long des escaliers et il me dit « Pourquoi je monte ces marches ? Où est ce que je vais ? » Tout ce que je pus dire fut  » Je ne sais pas, on en parlera une fois que tu seras en haut »  » D’ailleurs Burton, expliquait qu’il n’avait plus aucune idée de ce que la fin devait être à la base.

D’ailleurs on pourrait parler aussi d’un fait qui revient très souvent, la supposée mort de Vicki Vale. Beaucoup s’accordent pour dire que la journaliste était supposée mourir à la fin du film, mais que le personnage aurait été sauvé par Jon Peters. Cependant, une chose est certaine, le personnage ne mourait pas dans le script original de Hamm. Toutefois, comme dit plus tôt, le script est passé par d’innombrables phases de réécritures. Qui plus est, le journaliste et écrivain Tom Shone, dans son livre Blockbuster: How Hollywood Learned to Stop Worrying and Love the Summer, indique qu’effectivement à un moment le Joker devait la tuer et que cela lançait Batman dans une rage folle.

L’énième coup que Burton subit  lors de la production fut lié à la bo du film. En fait on expliqua à Burton qu’il fallait que son film comprenne de la musique pop. Selon lui, c’était nécessaire pour pouvoir promouvoir ce film qui coûtait tellement cher. Suivant les conseils de Jack Nicholson, Burton demanda à Prince, qu’il aimait beaucoup, de participer.

En effet c’était déjà deux hits du chanteur qui étaient utilisés (1999Baby, I’m a Star) lors de deux séquences dans un des premiers cuts du film. Le chanteur fut visiblement très inspiré et il ne se contenta donc pas d’une ou deux chansons, mais d’un album complet. Burton confiera trois ans plus tard, lors d’une interview pour Rolling Stones, qu’il s’est senti piégé dans cette collaboration forcée. Et qu’il ne voulait plus jamais être mis dans une situation semblable, que cela avait entaché une chose qu’il aurait jamais voulu tacher.

Et c’est sans doute pour toute ces raisons que Burton a dit pendant des années, avant d’adoucir son discours plus récemment, qu’il n’aimait pas son premier film Batman, le jugeant ennuyeux et manquant de personnalité, considérant quasiment le film comme une commande. Ce n’est pas pour rien que Batman Returns est si différent sur énormément de points comparé à son prédécesseur. Cependant, ça c’est une histoire pour une autre fois.

La promo

Alors que le tournage touchait à sa fin, nous sommes en fin 88, les fans ne s’étaient toujours pas calmés et un papier publié par le Wall Street Journal, impliquant que le film avait des sérieux problèmes, n’arrangea rien.

A ce moment là c’était un peu la panique chez Warner et ils prirent donc une décision assez osée. Jon Peters monta une première bande annonce sans fioritures (vous la trouvez ci-dessous) qui fut diffusée pendant Noël 88 dans un millier de cinéma. Pas de bande son, peu de cohérences entre les plans, il s’agissait vraiment d’une simple démonstration de ce qu’était l’esprit du film. Ils ajoutèrent à cela un poster, imaginé par Anton Furst, arborant tout simplement le bat-symbole avec sa date sortie le 23 juin. Et le pari paya.

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© Warner Bros.

Les réactions furent phénoménales. Le public adora le résultat et à ce moment-là il se dit que des personnes achetaient spécialement des billets de cinéma juste pour voir cette bande-annonce avant de sortir du cinéma ensuite. Et c’est à ce moment-là qu’a commencé l’une des plus grandes campagnes marketing qu’Hollywood ait connu. Les produits dérivés étaient produits en abondances, il y a avait de tout et le bat-symbole était présent partout. Des t-shirts, des affiches partout, des jouets, des jeux vidéos et l’album de Prince sur lequel Warner mis bien l’emphase. On surnomma cette période la Batmania.

Et tout ça paya, Batman fut un immense succès amassant 40.49 millions de dollars lors de son weekend d’ouverture, pulvérisant le record de 20 millions établis par SOS Fantômes 2. Il est aussi devenu le film le plus rapide à avoir atteint les 100 millions de dollars de recette en atteignant cette somme en seulement 11 jours. Il finira sa course en décembre en ayant amassé 251 millions de dollars aux Etats-Unis et 160 millions dans le reste du monde, pour atteindre un box-office final de 411 millions de dollars. Ce qui revient à quasiment 800 millions de dollars en prenant en compte l’inflation.

Et tout ça c’est sans prendre en compte tout l’argent que Warner a récolté via les produits dérivés. Car ici c’est plus de 500 millions de dollars qui ont été générés. Certains parlent même de 750 millions. Un chiffre absolument démentiel. Ce qui fait que cet été là, Batman avait imposé sa domination totale contre des films qui auraient du être des poids lourds. Ces films étant Indiana Jones et la Dernière Croisade et SOS Fantomes 2. Prouvant que dorénavant les films tirés de comics devaient être pris au sérieux.

Conclusion

Le premier film Batman aura été une entreprise des plus difficiles, cependant ce paris risqué a payé pour Warner. Et aujourd’hui le film est donc devenu un précurseur de toute une nouvelle génération de film de super-héros. De son choix d’un réalisateur très jeune et assez peu expérimenté, ce qui est un schéma plus que typique aujourd’hui dans les films de s-h. Surtout du côté de Marvel d’ailleurs.

En passant par le choix d’un acteur qui fera énormément polémique et qui déchaînera les passions avant de mettre quasiment tout le monde d’accord. On pourra même aussi parler du choix de prendre un acteur plus que confirmé pour jouer le rôle d’un méchant, chose que les films de super-héros ont répété à foison. Kevin Spacey dans Superman Returns, Robert Redford dans Captain America 2, Willem Dafoe dans Spider-man.

Ajouter à ça une production tendue, ou les conflits entre réalisateur et producteurs sont permanents et l’on obtient le cocktail parfait d’un film à gros budget hollywoodien.

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Claygan

Claygan

Amoureux de la culture sous à peu près toute ses formes. Grand fan de Green Arrow (et de crêpes), je suis tombé dans cet univers infernal que sont les comics il y a de cela maintenant plusieurs années, cela sans doute un peu grâce aux films. Vous pourrez me retrouver pour parler (ou râler) de DC en long, en large et en travers, dans les podcasts, ou dans mes articles.
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Reptile
Reptile
4 années il y a

https://www.youtube.com/watch?v=BVsdNVke2ds
https://www.youtube.com/watch?v=VqnWXaewN_8
https://www.youtube.com/watch?v=HpzSOHrJi6Q
https://www.youtube.com/watch?v=XN5AgJzqoHA
https://www.youtube.com/watch?v=eHTXEwOCGVE
https://www.youtube.com/watch?v=xmA_raKKRBY

C’est cool parce que j’ai maté les 6 parties du documentaire il y a pas longtemps mais je n’ai pas tout compris à cause de la langue, merci de m’avoir éclaircit pas mal de point :)

urbanvspanini10
urbanvspanini10
4 années il y a

Très bon boulot ! C’est très plaisant à lire et très bien documenté. On en apprend des belles et de mures.
C’est d’ailleurs un sacré coup de pute pour le casting du Joker je trouve X)

Voilà une nouvelle chronique qui doit demander une quantité de travail énorme pour recueillir ces informations.
Sincèrement GG à toi Claygan ^^.

Par curiosité, j’imagine que pour ce genre de chroniques ça doit moins marcher pour les films récents vu que certaines informations concernant le tournage reste encore secret ?

Billy Batson
4 années il y a

Excellent dossier, Clay, tout à fait complet ! On aurait pu développer encore sur la partie du scénario et des changements, parfois assez radicaux entre les versions, mais c’est déjà très riche ! Merci pour cette lecture très agréable !

Yozuke
Yozuke
4 années il y a

Super article. Merci

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