Le projet de graphic novel par Marv Wolfman connaît une publication bien étrange en cette année 2019, sous la forme que l’on pensait disparue du « 100-page Spectacular« . Il était dernièrement presque réservé aux rééditions d’anciens numéros, des condensés censés faire redécouvrir un personnage ou une équipe, à de nouveaux lecteurs curieux. Pourtant, Man and Superman s’annonce comme une origin-story alternative. Un pan de l’histoire de Superman que le scénariste voulait explorer alors que ce récit devait être publié dans la série régulière arrêtée trop tôt : Superman Confidential.
Pour rappel, ce titre était une série régulière se concentrant sur l’équipe artistique, et s’octroyait la liberté d’user du personnage comme il le souhaite. En somme, une sorte de All-Star. Ce destin initial aurait été en toute logique publié sous forme de Graphic Novel. Un choix discutable. Soyons déjà heureux de voir cette histoire, à laquelle tient particulièrement Marv Wolfman, publiée, et concentrons-nous sur le contenu.
Une question d’identité
Cette histoire se construit comme un elseworld. Elle possède un objectif d’exploitation propre, qui est ici de placer Clark Kent face à la dure réalité du monde. Clark Kent n’est pas Superman, malgré ses pouvoirs. Il n’est qu’un jeune journaliste quittant sa campagne pour la dur réalité de la métropole. Marv Wolfman veut réécrire les origines de Superman, donner une lecture plus moderne, et changer cet effacement de Clark Kent derrière l’identité de Superman.
Exit le mythe du surhomme réglant les problèmes du monde. Clark Kent a des pouvoirs, et aide à son échelle. Il peut assister lors d’un effondrement, d’un incendie, aider un homme a récupérer son argent, mais le voir sauver le monde nous paraît impossible. Clark Kent a ses problèmes. Dès son entrée à Metropolis il fait face à un individualisme flagrant, et aux dures conditions de cette ville du futur. Un regard très pessimiste se fait sentir, concernant Metropolis. On toucherait presque à la dystopie. Et pourtant, Marv Wolfman laisse Metropolis vue par son personnage comme une ville parfaite, pour la bonne raison que le modèle de la ville moderne est celle ayant le plus besoin d’un héros.
Man and Superman a beau avoir été écrit en 2006, cette histoire reste profondément actuelle. Son concept de critique de la ville moderne n’est pas neuf, et pourrait sembler bien usé. Mais son association avec le traitement du personnage de Clark Kent est inédit. Car son originalité est tirée de son intention de redéfinir Clark Kent. On parle bien d’intention, car si la focalisation sur Clark Kent est une très bonne idée, le personnage semble s’effacer devant les thématiques approfondies. Cet effacement a beau être une caractéristique du personnage, cette réécriture aurait certainement gagné à faire de ce Clark moderne, un personnage avec plus de caractère.
Tu seras un héros, mon fils
Sans être concrètement présent, l’ombre de Superman plane sur notre personnage principal. Le destin du héros est omniprésent, à commencer par les pouvoirs et leurs utilisations. Le récit est malheureusement très focalisé sur une trame narrative, avec des passages d’un thème à l’autre. La structure du récit est très rigide. Seul le développement de l’action héroïque fait effet de transition. C’est tout le problème de l’écriture de Clark qui court une énième fois après son rôle de super-héros. La remise en question est formatée, et malgré l’écriture du jeune essayant de se prendre en main, Clark est à la manière de Superman. Celui qui réussit.
Ces quelques reproches touchent particulièrement au traitement par l’identité de Superman même. La distance entre Superman est Clark n’est pas assez grande. Plutôt que de dresser deux faces quelque peu opposées, Marv Wolfman fait de son Clark Kent un héros du quotidien. Le héros américain est celui qui parvient à s’en sortir dans ce monde moderne sans pitié. Le récit nuance le tout avec ses antagonistes. La réussite laisse penser au statut de héros.
Tout ce rapport au héros, au mythe se ressent autant dans l’écriture que de l’illustration. Cette histoire, malgré sa publication récente et sa conception en 2006, a toute l’allure d’un comics du Bronze Age. Claudio Castellini dessine Clark Kent dans cette dualité entre le civil et le héros urbain. Il lui procure déjà cette aura, par une musculature sur-développée, et de nombreux plans appuyant l’exagération. Les planches fourmillent de détails. Metropolis est dessinée comme une ville vivante. Les rues sont bondées, les décors sont réfléchis. On sent à la simple lecture une réflexion sur bien des points.
Man and Superman n’est pas un récit de Superman. Il ne s’accorde pas à la simple lecture du fan cherchant les apparitions des figures emblématiques de l’univers de son héros. Ce serait passer à côté de la multitude de sujets traités. Man and Superman apparaît comme un récit initiatique peu subtile, mais qui dépeint un monde vraisemblable et pose toute une réflexion sur l’univers du super-héros. Et tout cela, avec un travail esthétique minutieux de la part de l’artiste italien. Man and Superman est un petit coup de cœur, à recommander à tous les amateurs de l’univers.
Cette review me donne bien envie de lire ce numéro!
J’ai un peu cherché sur internet des images et la partie graphique a l’air de vraiment bonne qualité!