Bien loin des projecteurs braqués sur le Batman de Tom King ou Heroes in Crisis, Batman : Kings of Fear a été publié de manière relativement discrète. Commencée six mois plus tôt, la dernière mini-série Batman illustrée par Kelley Jones a fait son bout de chemin, et touche à sa conclusion cette semaine.
Frayeurs introspectives
Le thème du titre était concrètement présenté à la fin du premier numéro. Cette manière abrupte d’approfondir son sujet laissait à la série une crainte de sombrer dans une théorisation littérale. Mais c’est un voyage initiatique à travers nos peurs qu’ont livré les artistes. Le récit se focalise sur les personnages de Batman et de Scarecrow, un personne devenu bien trop rare. Scott Peterson surprend par son utilisation de Scarecrow. Il le fait revenir à son identité de psychiatre, et en fait un personnage bien plus réfléchi, tout en respectant son caractère passionné par les peurs des autres.
C’est de cette manière que Batman est poussé dans ses retranchements. Scarecrow engage une thérapie torturée, remettant en question toute la nécessité d’un justicier à Gotham. On explique peu, et difficilement l’acquisition de ses éléments par le personnage. Mais la question ne se pose pas réellement. Kings of Fear est un récit réflexif, et ses personnages se définissent par le rôle à jouer sur la thérapie de Batman. L’exploit étant de rendre crédible cette mise à mal des convictions de Batman.
Pour quelle satisfaction ?
Ce parcours se réalise à travers le schéma commun de la chasse entre Batman et un ennemi. On retrouve dans ce numéro la conclusion d’une aventure classique : le retour à Arkham, puis à la Batcave. L’étape finale menant à la conclusion de la mini-série. Outre les expositions de Scarecrow et les témoignages formant le contenu et les arguments du numéro, c’est face à Alfred que la réflexion finale doit apparaître. Seulement, le numéro ne donne pas de conclusion finale convaincante en comparaison à l’ensemble de la mini-série et l’exposition de Scarecrow. On aurait préféré une réflexion plus personnelle de la part de Batman. Il semble n’être que le produit de la seule décision prise dans sa vie, et justifier son existence par celle des autres. Batman apparaît bien plus vide : conséquence de son aventure aux côtés de Scarecrow.
L’une des supposées grandes qualités du numéro est le travail de Kelley Jones, représentatif de sa performance tout au long de la mini-série. Son style est toujours aussi plaisant. Ses mises en page et ses scènes hallucinées font mouche. Marquées par des couleurs vives, elles s’approprient une dimension psychédélique et sombre à la fois. Ce numéro n’échappe pas à la règle : il comporte son lot de scènes bluffantes. Avis aux lecteurs ayant un esprit suffisamment ouvert pour accepter ce style unique, Kelley Jones ne réalise pas son meilleur travail – imprécis sur certains détails – mais livre une performance à considérer.
Loin du flop que l’on pouvait craindre six mois plus tôt, les sujets présentés trouvent leur conclusion de manière peu originale, après un développement conséquent. Scott Peterson a livré une histoire passionnante et peu commune sur le chevalier. Si les thèmes nous rappellent quelques aventures déjà lues, le traitement réalisé rend cette histoire à part. Batman : Kings of Fear est une étrangeté qui mériterait bien plus d’attention. Surveillez sa sortie reliée en Août prochain, qui saura mettre plus en valeur encore ses qualités.
C’est marrant un avis si positif quand on voit que les deux cases proposés ici sont particulièrement hideuses !