Dossier – DC Comics : Une sexualité bridée

Sommaire

Le sexe dans les comics est un sujet très en vogue, surtout chez DC. Batman Damned soulève une pensée générale d’une américaine puritaine – alors que le public américain en rit plus qu’il n’en est offensé. Il est bien plus question d’un comportement exemplaire aux regards des autres, et représentant une crainte des conséquences envisageables, qu’une véritable réaction face au public. Par ailleurs, sexe et super-héros ont toujours intrigué. De Seduction of the Innocent à La Vie sexuelle des super-héros, en passant par autres Robot Chicken, le sexe est le sujet le plus propice à la blague de super-héros.

L’attitude désengagée de DC Comics n’est pourtant pas nouvelle. On a pu vous parler du cas de Catwoman #1 de 2011, et DC n’est pas le seul. Marvel a eu des problèmes il y a quelques années avec X-men Gold #1 (où la réaction a été bien plus complexe et compréhensible sous certains angles) et plus ancien encore, avec les variants covers de Milo Manara pour des raisons évidentes. Outre le fait d’exposer un sexe, ou de représenter la sexualité des personnages, DC a suivi un long périple pour engager une histoire, un passif engageant une relation sérieuse entre ses personnages. Et contrairement aux idées reçues, la sexualité a toujours été présente, mais jamais abordée de manière concrète avant plusieurs décennies.

I – Rester officieux et conservateur

Ne me parle pas de mariage

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 15Les comics DC étaient destinés à un public jeune, et enfantin. A la manière de dessins animés aujourd’hui, certains sujets n’étaient tout simplement pas envisagés. Et alors que Max Gaines et Jack Liebowitz forcent le départ du Major Wheeler Nicholson. La pensée économique primait. L’univers DC se dressait très lentement de par un statut iconique auprès des enfants et adolescents. Le statut-quo général persistait et ne serait jamais remis en question. Les comics vendaient une dose d’aventure, et satisfaisait aussi bien les vendeurs que les lecteurs. Ces premières années marquent dors et déjà un manque d’engagement. Batman est seul, et sera rejoint par Dick. Ce qui permettra un appui sur l’argumentaire – particulièrement bancal – de Frederic Wertham dans Seduction of the Innocent.

Le première exemple venant à l’esprit chez Superman est le personnage de Lois Lane. La femme journaliste, profondément engagée et casse-cou ne sort jamais véritablement du modèle féminin de la demoiselle désirée et en détresse. Trop éloignée du modèle de la potiche chez Marvel sous Stan Lee, elle ne fait qu’établir, à son insu, le comportement cliché du personnage féminin auprès du super-héros. Le couple se tourne autour sans jamais marquer de variations ou de situations définies. Jouer avec les attentes vaines du lecteur étaient un moyen d’entretenir une attente, établir des codes qui étaient alors propres au genre.

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 16L’idée du mariage fait son entrée. L’événement commun à tous doit également s’appliquer pour Clark Kent. Pour la première fois, l’événement s’applique en 1950 dans Action Comics #143. Gardner Fox écrit l’histoire principale qui a tout d’un événement. Superman est en couverture, une mariée (Nikkie LaRue) au visage imperceptible lui tenant le bras, et Lois Lane derrière, les fusillant du regard. Les codes du Silver Age sont tous rassemblés. La couverture n’est en fait qu’un joli climax – on ne criait pas au spoiler à l’époque. Le récit se complexifie pour une enquête où Lois Lane, poussée par la jalousie, va tenter de trouver l’origine et les raisons de cette relation et de cet engagement. Évidement, la réponse est invraisemblable, mais soulève de nombreuses questions, en dehors de la relation, surtout concernant le personnage de Superman en tant qu’outil et d’individu déshumanisé.

Il faudra attendre Action Comics #206 en 1955 pour voir Superman aux côtés de Lois Lane dans le contexte marital, et surtout onirique. Ensuite, rapidement, l’éditeur et les scénaristes vont jouer de cet événement, avec sans jamais impliquer la moindre conséquence : Jimmy épouse Lois, Superman épouse Lana Lane alors que Clark épouse Lois, ou encore les célèbres divagations de Superman par John Byrne, entre Superman et Big Barda (sous les yeux de Mister Miracle). On note cependant une grande différence. Jusqu’aux années 70, rien n’était canonique. Or, sous John Byrne (et ça vaut aussi pour le titre Superman/Wonder Woman des New 52 par Charles Soule) les événements avaient bien lieux. La relation avec Wonder Woman soulevait de grandes questions sur le personnage, leurs sentiments confus et leur perception des relations humaines. Le véritable mariage entre Lois et Clark n’a eu lieu qu’en 1996 dans le numéro spécial Superman : The Wedding Album #1.

II – Wonder Woman : Lutte pour une sexualité libérée

Enchaînée pour mieux dénoncer

Du côté féminin, la simple création de Wonder Woman est porteuse d’une multitude de messages – la plupart évidemment féministes. La tendance pour le bondage n’est plus tant à définir. En plus d’un code collant à l’histoire du personnage et à sa représentation originelle, le bondage possède plusieurs sens pertinents – au risque de surinterpréter la chose. Wonder Woman a toujours possédé ce sens de personnage porte-parole. Elle définit l’identité de la femme forte, n’hésitant pas à se dresser contre l’avis général et dénoncer les mœurs machistes. Avant de devenir une icône, cette habitude à être enchaînée possède d’autres lectures bien plus élevées qu’à une simple éventuelle préférence/tendance du scénariste.

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 17Le bondage serait une métaphore de l’oppression contre laquelle Wonder Woman lutterait inlassablement. Le rapport à la thématique sexuelle prend également son sens, dans le fait d’une éventuelle défense pour la liberté sexuelle. Themiscira est une île peuplée de femmes. L’imaginaire le plus enfantin serait charmé par cette vision d’un monde tout autre, adoptant des valeurs saines. La définition d’une utopie, possédant sa variante féministe. Avec les connaissances et le recul actuel, la civilisation grecque paraît bien moins propre. Et même si la conception d’une vie serait soutenue par la sculpture de l’argile et la magie de l’Olympe, le désir reste inscrit en chacun, homme comme femme. L’idée d’une sexualité libre rejoint-elle alors ce concept de cité idéale, à travers la rupture de ces chaînes d’un idéal social préconçu.

Et alors que sa rencontre avec Steve Trevor paraît comme la découverte de l’opposé, du compagnon/partenaire idéal, il s’agit d’un lien avec le modèle social, par le biais d’une expérience. Cette lecture officieuse, et possiblement faussée, n’en est pas dénuée d’intérêt. Elle permet de démontrer la capacité des auteurs/créateurs et artistes à traiter de bien des sujets opposés aux mœurs, sous les yeux des éditeurs fébriles. Et tout ceci, dans le comble d’un succès. Cette relation entre les personnages va engager l’image récurrente d’un couple, qui ne trouvera d’autre finalité qu’à travers un mariage dans le dernier numéro de la première série du personnage : Wonder Woman #329 (1986) écrit par Gerry Conway et illustré par Don Heck. Cette évolution démontre l’enfermement du personnage dans les conventions sociales. Il est mené à être ce que le public veut qu’il soit, et qu’il vive. Wonder Woman était dans une très mauvaise passe entre les années 70 et 80. La présence de Gerry Conway montrait à la fois le manque de confiance envers le scénariste et envers son titre/personnage.

Dégradation involontaire

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 18En 1968, le personnage va changer d’apparence par concession pour Steve Trevor, dans Wonder Woman  #178. L’éditeur décide de moderniser le personnage, et Dennis O’Neil décide d’en finir avec Wonder Woman pour Diana Prince. Elle perd ses pouvoirs, et devient la femme modèle forte de ses aventures… et de son apparence idéalisée et conventionnelle. Ces années marque un engagement américain, une période favorable au changement des mœurs – comprenant quelques répercutions de notre mai 68. Le scénariste Dennis O’Neil, féministe et écologiste, voyait la possibilité de changer les choses à l’aide de l’artiste Mike Sekowsky imposé par l’éditeur, ainsi que le principe d’un changement d’apparence (basée sur une mannequin). Le scénariste ne verra que trop tard son erreur d’avoir suivi les directions, et la mauvaise articulation d’un message pourtant bienveillant, qui a transformé Wonder Woman en une poupée sans pouvoir, apprenant les arts martiaux pour pouvoir se défendre. Malgré tout, ces comics ne sont pas inintéressants, mais très maladroits. Le personnage ne peut plus se défaire de ses liens. Il faudra, pour cela, attendre l’arrivée de George Perez en 1986.

Toutefois, Dennis O’Neil a pu présenter son projet initial pour le personnage en 2011, à l’occasion de l’événement DC : RetroActive. L’éditeur publie les travaux des deux artistes qui, à l’origine, appuyait bien un message féministe, prônant l’indépendance, dans DC Retroactive Wonder Woman: The 70s.

III – L’amour courtois du chevalier noir

Chauve-nitouche

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 19En 1976, Steve Englehart souhaite quitter Marvel. Le statut éditorial est en crise par son manque crucial d’autorité, et ce fait, les artistes sont divisés. Il est rapidement contacté par Jenette Kahn, une amie ayant suivi le mouvement des artistes Marvel vers la concurrence. Il entre l’année suivante chez DC Comics. Jenette est éditeur et souhaite imposer une vision moderne chez l’éditeur. Seule contre une majorité, elle voit en Steve une opportunité. Accompagné de Marshall Rogers, Steve Englehart se décide à présenter la sexualité de Bruce Wayne à travers sa relation, et donc rencontre, avec Silver St. Clouddans Batman : Dark Detective en VF.

De la même manière que les codes cinémas de l’époque, le rapport est suggéré, pour ne pas tomber dans l’érotisme, et encore moins la pornographie. Le run du scénariste, aussi bref soit-il, a trouvé sa place dans les mémoires. Il se démarque par son tournant bien plus sombre, un retour du Joker – qui ne tenait pas avant ce statut d’ennemi juré – et donc cette sexualité pour la première fois exprimée, affirmant la définition du playboy concernant Bruce Wayne. Une sexualité que Kevin Smith ne manquera pas de rappeler dans son horrible Batman : The Widening Gyre – une mini-série qui aurait méritée la censure. Bruce possédait déjà quelques conquêtes (dont une éventuelle histoire avec Catwoman), les suivantes se montraient, pour certaines, plus librement traitées. On peut alors comparer Nocturna, vampire dont Batman tombe sous le charme, et Talia.

Lectures d’une sexualité désengagée

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 20Mais cette écriture est très minoritaire, même suite à sa publication. Aujourd’hui le sujet parait moins pertinent à l’heure où Tom King a développé une relation charmante entre Batman et Catwoman. Mais la théorie d’un Batman asexuel, malgré ses conquêtes, possédait des arguments crédibles. A savoir, l’unique rapport visible et canonique, celui avec Talia dans Birth of the Demon. On en vient à se demander si cette réflexion est la cause d’un éditeur fébrile et/ou d’un véritable caractère transpirant. Une théorie très fragile suite à ce récit, puisque cet exemple est facilement désamorcé par le choc d’avoir été manipulé, accompagné du refus de Bruce d’avoir un enfant, conscient de son statut d’être torturé et inconsolable.

Ceci dit, jusqu’aux années 80, cette vision d’un Bruce Wayne asexuel se tenait particulièrement bien tant le sujet était tabou. Tout comme la vision d’un Batman homosexuel dans le Batman de Frank Miller. Une lecture que l’auteur défend dans ses interviews. Celle-ci se fait pourtant assez discrète, et sous-entend un refus de la part d’un lectorat très hétérogène et en partie conservateur d’un statut-quo, qui n’est pas sans rappeler la position dénoncée de l’éditeur depuis ses débuts. Paradoxe. Et à conserver certains tabous, les médias externes les dénicheront pour tourner les personnages en dérision.

Sexualisation autorisée, mais sexualité restreinte ?

A la manière d’un fil conducteur depuis Batman #15 (qui suppose une attirance entre le justicier et la voleuse), c’est une tension sexuelle qui s’est développée entre lui et Catwoman. Désintéressée du meurtre, elle attire malgré son statut d’ennemi et se prête bien plus à un titre solo. Sous Jim Balent, dans les années 90, l’éditeur se fiche bien de la sexualisation de son personnage. L’artiste, malgré un talent affirmé, exerce une surenchère sur la représentation du personnage, au point d’en faire l’argument premier de vente.

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 21La représentation de Catwoman par Jim Balent a été dénoncé, à l’époque, par des groupes féministes. La série a pourtant poursuivi son chemin avec le même artiste. On comprend aisément ces protestations pour la représentation du personnage, devenue un exemple phare contre la sexualisation de la femme dans les comics. Ce qui n’empêchait pas au titre de proposer quelques idées intéressantes (Selina Kyle en course pour devenir maire, lutte contre les inégalités, pour une reconnaissance des droits, etc…). Malgré cette représentation sexualisée, rien ne touchait à la nudité ou à l’acte en lui-même. Les relations entre Catwoman et ses conquêtes se limitaient à un baiser (unique pour la plupart).

La sexualisation n’est-elle pas plus à dénoncer que la représentation d’un rapport ? Possiblement. Dans cet exemple le style de Jim Balent tient un rôle dans la fonction dénonciatrice du titre Catwoman des années 90. Avoir cette représentation clichée, presque caricaturale, appuie à sa manière le propos féministe des scénaristes ; de Devin Grayson à John Ostrander. Le sujet a déjà été abordé, et défendu pour mettre sur un pied d’égalité la sexualisation dans les comics entre le sexe masculin et féminin. La sexualisation est cependant très relative. Entre le style de Jim Balent et d’Eduardo Risso, la sexualisation peut être considérée par le simple fait d’une représentation idéalisée (d’après les conventions sociales) du corps, comme il peut s’agir d’une exagération volontaire relative au style de l’artiste (Kelley Jones, Jim Lee, et les artistes des 90’s). D’une manière pleinement subjective, la représentation même d’un personnage de comics peut relever d’un rapport au sexe, et suggérer une lecture interprétative.

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 22Inversement, avec l’exemple récent de la relation de Catwoman avec Batman par Tom King. Avec Mitch Gerards, il est parvenu à exposer une représentation de la sexualité de manière belle. Elle en est aujourd’hui, une sorte de défi artistique double. En plus de devoir la représenter et l’amener, il doit également le faire accepter aux fans, sans engager une éventuelle crainte de l’éditeur. Cette réussite, critique et commerciale, présente le fait que la sexualité n’est pas censurée d’office, mais sa représentation ne doit pas être susceptible de choquer. Or, c’est, d’une certaine manière, restreindre les libertés de représentation, tout en engageant un débat moral. Le jugement devient bien plus complexe à la fois du côté de l’artiste libre, que de l’éditeur qui veut éviter toute mauvaise publicité, auquel s’ajoute la multitude de styles graphiques plus ou moins sexualisés.

Il s’agit jusque là d’une Catwoman intégrant l’univers de Batman à travers une représentation par le style graphique de Jim Balent, et une représentation concrète de l’acte par Mitch Gerards. L’exemple de Catwoman est de loin le plus fort sur ce sujet de la sexualité étouffée par l’éditeur. Dans Batman Year One, Frank Miller fait de Selina un prostituée de Gotham, protectrice de ses amies, dans une ville sans pitié. Cet aperçu d’une origine story du monde super-héroïque de Gotham a provoqué des remous importants chez DC. Le statut de prostituée a poussé l’éditeur à réécrire les origines de Catwoman, pour clarifier la situation auprès des fans. Ainsi, les origines de Batman sont – et restent encore aujourd’hui – canoniques avec Year One, mais pas le traitement de Selina. Elle se verra offrir plusieurs origin-stories par la suite (en mini-séries ou en one-shot), prétextant un lien entre elle et le milieu de la prostitution, sans la définir comme telle. Or, le statut de prostituée de Selina dans Year One ne salissait pas le personnage, et approfondissait l’image d’une Gotham sans foi ni loi, tout en respectant la dimension anti-héroïque indépendante de Catwoman.

IV – Représentation sexuelle moderne, donc libérée ?

Quitte à s’aimer, autant le montrer

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 23On passe alors à côté de l’essentiel : aimer. Montrer l’acte peut être utile, voir nécessaire. L’acte peut aller de lui-même, témoigner des sentiments que les personnages ont l’un pour l’autre, ou engager (plus rarement) la notion de voyeurisme et apporter un mal être recherché par l’auteur. Et sous cet angle, purement narratif, les exemples ne manquent pas : All Star Batman #7, Nightwing #135, Nightwing Annual #2 (2013), Freedom Fighters #6, Catwoman #1 (2011), Before Watchmen : Nite-Owl #3 (2014),Teen Titans #33, Titans #16, New Teen Titans #1 (Vol.2), Suicide Squad #3 (New 52), Suicide Squad #18 (Rebirth)et j’en passe. Les enjeux et la pertinence de l’acte varie selon l’oeuvre, la manière dont la scène est montrée et exploitée.

La multitude de ces exemples démontre une liberté accordée sur le plan d’une sexualité plus facilement comprise et reçue du public. L’éditeur n’évolue qu’à petit pas. Ce sont les artistes, les visionnaires, qui rendent cette évolution possible. Aussi mince soit-elle. Entre 1985 et 2010, les scènes touchant à la sexualité des personnages s’est rependue. Le rapport sexuel était montré et bien souvent évoqué. Dans Lightning Saga (un crossover entre les titres Justice Society of America et Justice League of America en 2009), Power Girl évoque une relation avec Hawkman, soulevant l’idée d’une liberté sexuelle évidente à leurs yeux. Ces messages n’avaient aucun retour choquant et étaient perçus comme de simples réflexions.

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Cet apport peut même révéler une nudité plus prononcée. Titiller le seuil de tolérance de l’éditeur. Mike Grell n’a pas hésité à exposer les seins de Black Canary dans Green Arrow #36. L’auteur a, dès sa mini-série Longbow Hunters, définit le personnage comme un homme ordinaire. La fibre réaliste du titre résonne en permanence, et la vie sexuelle du personnage en fait partie. Le sexe n’est pas uniquement porté sur une dimension humoristique ou pornographique. Concernant cette scène, un léger érotisme s’en dégage, mais plus encore, la beauté d’un héros hésitant et soucieux.

Incompréhension générale

Intervient alors cette réflexion dans un relevé plus général. La plupart des scènes de nudité apparaissent dans les années 90 jusqu’aux années 2000. La nudité se fait plus rare après 2005, et tend vers une disparition à partir de 2010/2011. En se retournant sur les New 52, on remarque que le changement a surtout été de donné pour une lecture grand public – qui explique le désarroi de l’éditeur concernant Catwoman #1. Sans l’application d’un quelconque code, la ligne éditoriale serait le seul rempart à une expression générale, se justifiant par des labels pour « lecteurs adultes ». Comme si cet univers partagé devait-être destiné à un certain lectorat, à une part précise du marché. Les grandes heures de Vertigo étaient celles où Sandman fonctionnait pour sa pleine valeur artistique, et la nudité n’était pas blâmée pour autant.

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 25Durant les New 52, le couple Superman/Wonder Woman ne se privait pas de les présenter dans un contexte quotidien. La sexualité n’avait pas à s’y présenter, ce n’est pas le regard que Peter Tomasi porte habituellement sur ses personnages. Dans le cas le plus extrême, le cadre s’orientait vers une fenêtre, ou présentait les personnages dans les draps, sans jamais exploiter une quelconque nudité, sinon le torse de Superman.

Autre exemple qui a fait polémique : lors du run (interrompu) de Cullen Bunn sur Aquaman. Il fait interagir son personnage auprès de ce qui semble être Mera, or il apprend par la suite qu’il s’agissait de sa sœur Siren. La scène était présentée sur une double page aux plans rapprochés. La nudité n’était pas représentée, mais l’acte était bien plus qu’évoqué. Le rapport est un enjeu scénaristique, et plus que la scène, la polémique blâmait surtout le retournement de situation. Le sexe devient une ligne à ne pas franchir, défendue par des fans – ce qui n’a pas empêché Green Arrow ou Nightwing d’avoir été abusés tous deux sans qu’aucune association n’ait réagi.

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 26Alors que la majorité va se dire que les mentalités aux US sont différentes, multiplier les avis subjectifs et généraux, comment réagissent les lecteurs américains face au Batman Damned ? Ils en rient, et ne comprennent pas cette décision éditoriale. Cette réaction n’engage que deux possibilités : l’éditeur reste frileux concernant des engagements artistiques qu’ils ne se sentent pas de défendre, et/ou l’éditeur suit une démarche purement commerciale en jouant sur la polémique et la spéculation en donnant de la valeur à un numéro/titre/label à partir d’une censure.

Une autre possibilité est envisageable. L’éditeur a peut-être plus craint la circoncision que la représentation même d’un pénis. Le débat du religieux dans les comics devient bien plus problématique, même si le religieux y a toujours été présent à sa manière. Or, il y a bien une différence entre user du comics comme pamphlet (Holy Terror) ou outil réactionnaire (X-men Gold #1) dans un débat relatif à la religion, et référer à l’identité créatrice du personnage de Batman par une appartenance religieuse personnelle, à peine perceptible.

Représenter qui et pourquoi ?

La sexualité est-elle justifiée ? Un pénis est-il choquant ? La sexualité – et sa représentation – a toujours été présente dans les comics. Toutes ses représentations ne sont pas justifiées, elles sont même pour la plupart particulièrement sexistes (c.f. Zenoscope ou Amazing Adventure dans les 70s chez Marvel). Mais dans cette recherche concernant l’éditeur DC, on remarque qu’elle a fait l’objet de réflexions à travers plusieurs décennies.

Dossier - DC Comics : Une sexualité bridée 27La spéculation et la controverse d’aujourd’hui n’a pas lieu d’être. La sexualité a sa place chez DC Comics, aujourd’hui elle nourrit la communication de l’éditeur. Et c’est cette utilisation de la sexualité et de la nudité qui devrait être dénoncée. Et les exemples de cet usage de la sexualité dans les comics ne manque pas récemment (Aquaman #44, Catwoman #1 et #39 qui révélait sa bisexualité, Supergirl #19 et son personnage non-binaire). Voir la représentation d’une telle diversité avec entre autre Catwoman et Supergirl – même si peu engagée et développée dans les comics – est encourageant. Mais ces représentations se résument malheureusement à des coups de pub. L’exemple le plus marquant, parmi les couples homosexuels, reste bien Renée Montoya et Kate Kayne.

On se pensait éloigné du temps de la censure, et on se retrouve à juger de sa pertinence face à une sexualité fictive. Le comics se focalise sur la question du « Qui » représenter, puisqu’il est la parole de chacun. Il doit témoigner d’une diversité, et donc d’une diversité sexuelle. On pensait ne plus devoir se poser la question du « Comment ? ». On la laissait à l’artiste avec les responsabilités que cela implique. La censure vient de l’éditeur, l’applique dans le but d’établir une barrière de défense pour les plus jeunes, et profite d’une fonction morale et bienveillante aux yeux des parents. Or, l’éditeur possède des labels pour les plus jeunes. A qui s’adresse l’univers DC et ses titres réguliers ? Le comics doit-il s’imposer des limites, et restreindre un pouvoir durement – et partiellement – acquis ?

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Watchful

Rédacteur depuis 2015, j'écris dans le but de partager ma passion pour les comics et entretenir ce sentiment de découverte. Bercé par Batman, mon cœur se dirige toujours vers l'éditeur aux deux lettres capitales.
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Reptile
Reptile
6 années il y a

Pas trop le temps de développer là mais j’avais lu dans la deuxième partie d’Arham Asylum: A serious place on a serious earth (partie ou Grant Morison explique son script), qu’il avait justement beaucoup joué sur la « non sexualité » de batman avec un Joker déguisé en femme qui se foutait de lui et faisait beaucoup de référence à la sexualité bancale et abimée de batman, complétement à la masse dans ses relations avec les femmes.

urbanvspanini10
urbanvspanini10
6 années il y a

Pas grand chose à dire sur ce dossier qui est fait réfléchir, par contre :
-« La spéculation et la controverse d’aujourd’hui n’a pas lieu d’être. La sexualité a sa place chez DC Comics, aujourd’hui elle nourrit la communication de l’éditeur. Et c’est cette utilisation de la sexualité et de la nudité qui devrait être dénoncée. »
Si je comprends bien, tu reproche à DC d’utiliser la sexualité et la nudité comme coup de pubs ? (je demande car j’ai du mal à comprendre des fois ^^) Sinon effectivement c’est dommage d’utiliser ça comme coup de pubs, c’est pareil quand ils mettent la diversité en avant.
-Sinon autant j’avais entendu le fait que Nightwing c’était fait abusé mais pour GA je savais pas, ça concerne quelles numéros de sa série ?

Claygan
Éditeur
6 années il y a
Répondre à  urbanvspanini10

Alors j’ai pas le numéro précis, mais c’est pendant le run de Grell (plutôt vers le début). En fait Green Arrow était en convalescence après s’être fait tiré dessus et alors qu’il était encore plein délire fiévreux Shado en a profité pour avoir une relation sexuelle avec lui. Ce qui entraînera d’ailleurs la naissance du deuxième enfant illégitime d’Oliver.

http://comicbookandbeyond.com/wp-content/uploads/2018/04/Dominate.jpeg

Blue
6 années il y a

I see « sex », I click.

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