Après les aventures cosmiques faisant intervenir le Multiverse lors du troisième tome, il est temps pour Superman de revenir à Hamilton auprès de sa famille. Un terrain de jeu radicalement différent pour Peter Tomasi et Patrick Gleason, qui nous livrent ici l’aboutissement d’une tranche de vie.
L’aboutissement d’une construction
Depuis le premier tome, nous avons eu l’occasion de nous familiariser avec Hamilton, que ce soit ses habitants, ses fêtes ou ses décors, nous sommes nous aussi attachés à cet endroit. Petit lieu de paradis représentant pour Jon ce que Smallville représente pour Clark, Peter Tomasi l’avait imprégné d’un certain mystère avec la découverte d’un marais sombre et énigmatique. Il est donc temps pour Hamilton de dévoiler sa véritable nature, et ce à travers une enquête de Batman qui remet en question la croissance du petit Jon, pas aussi rapide qu’elle ne devrait l’être. A travers ce récit, c’est l’intégralité de la ville que l’on découvrira être un mensonge, une bulle créée autour des Kent dans un but précis. Si cette déconstruction d’Hamilton fonctionne aussi bien, c’est grâce aux précédents récits du duo qui est parvenu à créer un sentiment d’unité familiale et d’harmonie avec leur lieu de vie. Dès lors, on se sent investi par les révélations successives s’établissant ici, par la désillusion frappant les Kent. Mais le duo artistique ne s’arrête pas à leur nombril et puise dans l’historique de l’homme d’acier en ramenant un ennemi longtemps disparu sans tomber dans la gratuité. Sa présence se veut logique, cohérente avec ce qu’il était et le propos de ce run.
Discorde paternelle
Le thème de prédilection de Peter Tomasi, et celui qui dirige l’intégralité de ce run, c’est la parenté, l’éducation. Si les précédents tomes construisaient la dynamique familiale dans un ensemble positif, la tempête frappe littéralement et métaphoriquement les Kent ici. Jon est jeune, innocent, naïf, influençable, inexpérimenté, comme tout enfant, même si son père est Superman. Et c’est de cette jeunesse que profitera le vilain de cet arc pour diffuser son idéologie auprès de la nouvelle génération de la famille Superman, après avoir échoué avant les New 52. Ce développement est quasiment méta à certains égards, Jon pourrait représenter le lecteur débutant, celui-ci qui ne comprend pas pourquoi Superman agit comme il le fait, pourquoi son code moral n’est pas naïf et idiot, pourquoi il est nécessaire. Bien qu’on ne puisse pas dire que Tomasi ait poussé le sujet extrêmement loin ou l’ait même nuancé plus que nécessaire, on ressort de cette lecture avec un sentiment de progrès. Ce n’est pas un tome vide, c’est une histoire qui fait progresser les personnages et leurs dynamiques, notamment avec le dernier numéro qui, bien que signé par une autre équipe, rebondit pertinemment et se montre touchant.
On ne peut pas gérer partout
Si Tomasi est un maître quand il s’agit de développer les relations familiales, et les dynamiques entre personnages plus généralement, il se montre moins doué quand il s’agit de créer et gérer des récits d’envergure. Et ce n’est absolument pas grave, puisque ce n’est pas ce qu’on attend de lui, mais il serait malhonnête de ne pas le mentionner ici. Attention, les scènes d’action d’envergure ne sont pas mauvaises, mais elles manquent peut-être de puissance, d’épique, de fraîcheur. Cela n’est pas forcément aidé par la présence de deux artistes sur la partie graphique : Patrick Gleason et Doug Mahnke. Les deux dessinateurs sont chacun excellent mais dispose d’un style vraiment très différent, plutôt hétérogène. Si l’on peut comprendre la présence de Mahnke sur ses numéros, le manque d’homogénéité est regrettable.
Sans surprise, le duo Tomasi/Gleason nous livre encore une fois un très bon travail en se recentrant sur ce qu’il fait de mieux : développer les relations familiales, le tout dans un enrobage de crise à Hamilton. Redéfinissant en profondeur leur terrain de jeu, le duo marque ici une transition, aussi bien contextuelle que familiale.
Un très bon arc même si je reprocherai à l’auteur de ne pas y être allé à fond (notamment par rapport à Lois Lane) et aussi la partie graphique très moyenne avec Patrick Gleason et Doug Mahnke qui n’arrivent pas à tenir le rythme Bi-mensuelle, après cet arc on a un passage à vide jusqu’à l’arrivé de Bendis.