Qui ne connaît pas Assassin’s Creed n’a pas vu un écran depuis plus de dix ans. La licence made in Ubisoft tantôt adulée, tantôt décriée, et inversement, a bel et bien été dérivée sous toutes les formes possibles du neuvième art : manga (Assassin’s Creed Awakening), bande-dessinée franco-belge (Desmond / Aquilius) et en comics, chez DC Comics.
Adaptation ultime ?
Les comics Assassin’s Creed sont un peu à part en ce qui concerne l’adaptation d’univers jeuvidéoludique. Tout d’abord, contrairement aux autres adaptations, les comics Assassin’s Creed soulèvent un projet d’une équipe artistique, composée de Cameron Stewart et Karl Kerschel. Ces noms ne vous sont certainement pas inconnus. Cameron Stewart a accompagné Darwyn Cooke, puis remplacé lors de son passage sur le titre Catwoman scénarisé par Ed Brubaker. De même Karl Kerschel est connu chez DC Comics pour sa mini-série Teen Titans Year One, ou encore Gotham Academy. Cette même équipe est actuellement en train d’opérer sur un brillant titre indépendant : Isola.
Une équipe prometteuse et unie, puisque la tâche scénaristique comme illustrative est assurée par les deux compères – et ce sur chacun de leurs projets. Ce qui permet une unicité entre le scénario et la mise en page. Cet album publié aux éditions Les Deux Royaumes condense les deux mini-séries publiées chez DC Comics : The Fall et The Chain. Une séparation injustifiée, puisqu’elles sont complémentaires.
Création originale de qualité supérieure
Les adaptations Assassin’s Creed ont tout tenté, sans franc succès : de la reprise de Desmond/Ezio ou Edward Kenway à la création originale. L’équipe qui nous concerne opte pour la seconde option. Les premières pages laissent dubitatif. On suit ce qui semble être le stéréotype du jeune révolté. Seulement, plutôt que d’user de l’animus pour retrouver un ancêtre précis, le personnage subit des « visions » où il répète les mouvements de son ancêtre, et lui apporte quelques problèmes. Ces visions approfondissent le personnage par un passé très tourmenté, mais un rapport direct aux assassins.
A la manière du jeu, le scénario gravite autour d’un personnage et un ancêtre précis. A première vue antipathique, Daniel Cross voit son caractère rapidement changer et se justifier. Très loin du stéréotype auxquels il laisse paraître, le récit se montrera de plus en plus intelligent et rationnel. Le conflit est forcé par l’éthique des clans. D’apparence simple et progressif, chaque épisode apporte un élément surprenant, jusqu’à une conclusion qui retournera la tête du lecteur. Le récit aurait pu s’appuyer pleinement sur ses révélations, s’il n’était pas aussi verbeux. Un grand nombre de dialogues prennent une place imposante pour tenter d’éclaircir la situation, mais ne fait que la complexifier. On ressent un manque de temps pour les créateurs du titre, en particulier pour le dernier épisode. Toutefois, ces dialogues permettent à cet univers de vivre, d’apporter des informations plus ou moins utiles, mais surtout de présenter certains personnages en mettant en scène certains traits de caractère.
Il était une fois, l’Amérique…
La seconde série, The Chain, est bien différente. Alors que The Fall était un concentré d’action présentant l’assassin et son descendant dans les « règles » des premières sagas de la licence, The Chain joue une toute nouvelle approche. Daniel Cross se révèle bien plus, mais c’est tout un segment de son passé qui reste inconnu. Cameron Stewart et Karl Kerschel exploitent cet écart séparant le passé et le présent pour relier ces temporalités et l’évolution qui a eu lieu. Très loin du schéma de l’assassinat spéculé, c’est le système de vie de l’assassin et son ascension hors des codes de la confrérie qui mènent à l’assassin modèle qu’exploitent les scénaristes, avec brio.
L’équipe créative est d’autant plus brillante qu’elle propose un style hybride entre les traits souples d’une approche dite « cartoon » propre au style de Karl Kerschel – style dont l’artiste s’est définitivement écarté aujourd’hui en le faisant évoluer – et celui de Cameron Stewart dont on retrouve un jeu de couleurs clairs et harmonieuses. On relève un design soigné, à la fois fidèle à la licence par les codes de l’univers, mais faisant la part des choses. Il ne s’agit pas de gentils assassins et de méchants templiers, mais d’une rivalité datée où chaque camp se révèle plus ou moins mauvais face à notre regard, seul juge des actions.
Tout en se fondant sur certains éléments historiques mineurs propres aux époques et aux pays respectifs, cette saga Assassin’s Creed se dresse comme une réelle oeuvre à part entière, possédant une équipe créative profondément impliquée. Non pas dénuée de tout défaut, cette histoire et ces personnages génèrent des émotions, parfois fortes, et possède son lot de réflexion envers chacun des camps. Un album qui rappelle ô combien la licence possède un univers riche, et qui remet bien en question la qualité de films, mangas et jeux vidéos affiliés.
Ça me rend bien curieux de découvrir ça. J’avais lu les deux premiers tomes d’Aquilus au lycée, c’était déjà plutôt sympa il me semble. Après, il y a aussi les romans, qui adaptent plus ou moins l’intrigue des jeux. Je n’ai lu que le premier, et alors que ça reprend clairement le jeu, ça lui apporte un tas d’informations non négligeables, et le lie davantage à sa suite. Enfin bref, Assassin’s Creed est clairement un univers très riche, et c’est plutôt sympa de voir les auteurs tenter l’expérience sous d’autres supports, comme les comics dont tu parles ici.
Eh bien je ne connaissais pas du tout l’existence de ce comics, mais ça me donne bien envie de le découvrir ! J’étais plutôt fan de la licence dans mes années collège, donc pourquoi pas m’y remettre maintenant.