Review VF – Wonder Woman Intégrale Tome 1

Vous n’êtes pas sans l’avoir constaté : cette année, Urban Comics se lance dans des rééditions de plusieurs de ses grands runs déjà publiés au lancement de l’éditeur. Parmi les personnages ayant droit à ce traitement, on retrouve notre amazone préférée, Wonder Woman, qui connut un franc succès lors de sa relance sous la plume de Brian Azzarello et les crayons de Cliff Chang pour les débuts des New 52. L’occasion de découvrir ou re-découvrir ce travail, sur lequel il est intéressant de se concentrer à nouveau, ici pour le nouveau format proposé par Urban, mais aussi par le regard rétrospectif que nous avons sur cette période bien particulière de DC Comics.

Wonder Woman, l’inté-Graal

Tout d’abord, de petites précisions s’imposent sur le contenu de cet énorme volume, qui regroupe à lui seul les trois premiers tomes publiés par Urban Comics à l’époque. C’est-à-dire les trois premiers arcs du run. Aucune surprise donc, les dix-huit premiers numéros sont bien là, avec en plus le numéro #0, intégré au début du troisième arc, comme pour le troisième tome. Néanmoins, à la fin de cette intégrale vous attendent de nombreux concept-arts, les travaux de recherche visuelle de Cliff Chang qui s’est attelé à réinventer toute la mythologie grecque ainsi que des personnages bien connus – dont notre amazone. Un ouvrage bien complet donc, qui fournit au fan du travail d’Azzarello et de Chang de  quoi profiter pleinement de leur oeuvre.

On pourrait même dire que ce nouveau format proposé par l’éditeur est bien plus adapté à ce run. Les numéros se lisant très (trop ?) rapidement, ce qu’on pourrait amputer à une narration misant beaucoup sur sa partie graphique pure. C’est à la fois un point positif et négatif, Azzarello prouvant sa confiance en son complice, mais prenant le risque de donner au lecteur une impression de lecture sans réelle substance. Sans aller jusque là, il faut bien avouer que les dialogues sont souvent creux, balancés comme pour se donner un genre, sans avoir de vrai sens quant au récit narré. Il est alors plus que bienvenue d’avoir droit à trois arcs qui s’enchaînent, afin de ne pas trop rester sur sa faim. D’autant plus que ce run, bien que composé de plusieurs sous intrigues, forme bel et bien une grande fresque à base de prophéties. La voir ainsi dépeinte à moitié dans un seul volume participe également à un sentiment de grandeur.

Un chant de guerres et de dieux

La grande force de ce run, et ce qui fait sa renommée, c’est l’exploitation et l’exploration de la mythologie grecque, plus assumée et présente que jamais ici. Il ne faut néanmoins pas s’attendre à un panthéon très glorifié, iconique et divin, mais à un ancrage bien plus terre-à-terre. En effet, la plupart de ces dieux vivent bien plus sur Terre que sur l’Olympe et se divertissent parmi les mortels pour passer l’ennui de l’immortalité. Ils jouent entre eux, comme si rien n’avait réellement d’importance, ils sont là depuis toujours et cela se ressent particulièrement. Ce sont des êtres supérieurs, au dessus des mortels, mais qui pourtant ressemblent énormément à ces derniers dans leurs caractères et motivations. Cet aspect se retrouve notamment visuellement pour certains, qui se vêtissent comme les humains, les ancrant davantage encore dans le monde dans lequel ils évoluent. De plus, chacun dispose d’un design bien particulier, reflétant souvent ce dont ils sont les dieux, et apportant une richesse supplémentaire à cet univers. Des choix esthétiques qui ne plairont forcément pas à tout le monde, mais qui ont le mérite d’apporter quelque chose de différent.

Ainsi, les dieux sont abaissés à notre niveau, mais cela n’a rien de bien novateur ou surprenant, ceux-ci étant déjà acteurs de querelles relativement puériles dans les mythes originaux (faut bien occuper son immortalité). Là où cela devient plus embêtant, c’est que le même traitement est réservé à Diana et Themyscira. Là où l’Île du Paradis porte habituellement bien son nom, on ne peut en dire autant dans ce remaniement version New 52. On fait ainsi face à une société de guerrières bloquées dans le passé et dont la morale est à revoir. En effet, si l’on garde l’indépendance aux hommes, le comportement des Amazones devient bien plus radical face à eux, n’hésitant pas à s’en servir purement et simplement. En soit, Azzarello ne fait que ramener ce peuple à ce qu’il pouvait être dans les mythes, mais oublier ce qui en fait la force chez DC est une grossière erreur. Diana s’en sort tout de même mieux que ses sœurs, gardant notamment ses valeurs d’amour et de vérité, mais de manière bien moins assumée, plus maladroite. Elle s’inscrit bien dans l’initiative New 52, qui visait à repartir à zéro, rendre les héros plus accessibles, plus humains quelque part, mais en leur faisant perdre de leur force, et de leur superbe. Diana n’est pas non plus au niveau de Kal-El, mais on ressent tout de même bien l’impact de la ligne éditoriale appliquée au personnage.

En somme, cette intégrale est une bonne initiative de la part d’Urban Comics, qui remet en lumière un pan intéressant de l’histoire de Wonder Woman, notamment pour sa ligne éditoriale nouvelle. Ces trois arcs ne sont pas sans défauts, de caractérisation ou de profondeur, mais ils présentent tout de même leur intérêt pour qui veut un nouveau point d’entrée pour le personnage, ou simplement découvrir une nouvelle version de la mythologie grecque.