Attendu comme un événement d’envergure, La Guerre des rires et des énigmes arrive enfin en France. Après avoir divisé le public de lecteurs VO, cet arc est abordé à la manière d’une Nuit des hiboux sous la plume de Tom King. Ecrit pour diviser, cet album de Batman obligerait à prendre parti.
Les plaies de la chauve-souris
Le concept est très simple, et rappelle par son principe de flashback un Batman Arkham Origins, ou dans une autre mesure Zero Year, à travers une honte d’un personnage qu’on pensait intouchable. Le récit se construit à travers la narration d’un Bruce Wayne passant aux aveux face à Selina, à qui il ne veut rien cacher, et révèle les motifs d’une guerre entre deux clans : celui du Joker et celui du Riddler/Homme-mystère. D’office, le récit est accepté et justifié dans l’histoire du personnage de Batman par la relation entre les deux personnage. De même, cette révélation créé une intrigue et une tension, et renforce la relation entre Bruce et Selina, aux yeux du lecteur.
Cet événement aurait mérité de tenir une place plus importante. La narration s’arrête sur certains points culminants dans le rapport entre Bruce et le conflit. On assiste à des scènes incroyables comme celle du dîner, où Bruce Wayne tente d’apaiser les tensions entre les deux clans autour d’un dîner. Tom King maîtrise à la perfection le découpage original et brutale des scènes, mais suivant une logique. Cependant, cette logique nécessite d’être mise à mal en quelque sorte.
La loi de Gotham
Le scénariste fait quelques entorses à sa règle du flashback, sans en profiter pour présenter la gravité de la situation, sinon une Gotham dévastée. L’horreur est présente, mais insuffisamment visuellement pour que le lecteur ait pleinement conscience de la situation critique face à laquelle se trouve Batman.
Une grande palette des ennemis de Gotham apparaissent, chacun ayant choisi leur camp. Des faits importants se produisent en second plan dans le contexte de cette guerre. Des détails difficilement perceptibles, où l’image n’est qu’une illustration du texte pour s’appuyer sur de nombreuses ellipses et sauter d’un événement important à un autre pour atteindre la situation et la révélation finale. De même, ces clans sont composés de figures majeures de l’univers de Batman, mais très peu des motivations sont présentées. De même, le rapport de force entre Batman et ses ennemis est assez incohérent, même s’il s’agit d’un détail mineur.
Fais-moi rire
Le cœur du récit n’est pas tant l’événement, que ses figures majeures, le trio représentatif des trois camps : Le Sphinx, Batman, et le Joker. Le cœur du conflit est la relation entre ces trois personnages. Beaucoup ne retiendront du Joker de Tom King, un Joker qui ne rit plus. Or, le Joker de Tom King est bien plus que cela. Là où Scott Snyder réduisait le Joker à un stratège fou et aveuglément passionné par Batman et sa douleur, Tom King met avant son aspect intelligible, où sa folie surprend car minimisée. Cette guerre est la recherche d’une folie perdue, rendant l’esprit de Gotham incohérent. Cette incohérence en apporte une nouvelle, dans la révélation finale qui démontre inconsciemment le désir inavoué d’un retour au statut initial, à l’esprit perdu de Gotham.
Loin d’apprécier le style de Mikel Janin, on retrouve dans cet événement son défaut majeur, l’effet digital des effets d’explosion et autres. Une faute à rediriger plutôt vers la colorisation, puisque les scènes de nuits sont toutes sublimées par un jeu de lumière constant. L’artiste se surpasse et affine son rendu, notamment concernant les visages. Les expressions des personnages sont bluffantes, et les traits bien plus définis qu’à son habitude. Il en va de même pour Clay Mann qui assiste l’artiste sur certains numéros, et réussit à rester fidèle à son propre style, sans faire sortir le lecteur du récit.
On comprend tout à fait que l’événement divise. La révélation finale peut perturber, mais porte à une réflexion et une compréhension de la vision de Tom King concernant le personnage de Batman. Loin du blockbuster décérébré, on en arrive même à regretter l’absence de certaines scènes d’action qui auraient pu rendre ce décor plus vivant. Même si cet arc n’apporte que peu de choses à l’état actuel de l’univers de Batman – du moins pour le moment – il n’en reste pas moins un récit des plus agréables sur le personnage, rappelant le Batman réaliste d’un certain Christopher Nolan.
La guerre en elle-même propose quelques idées intéressantes, notamment celle du dîner évoquée dans la review. Personnellement, je retiens surtout les deux interludes qui mettent en lumière un personnage de seconde zone de bien belle manière !
J’ai trouvé ça franchement creux et trop vite expédié, à oublier !
« rappelant le Batman réaliste d’un certain Christopher Nolan » MDR
Je ne vois pas le rapport, le Batman de Tom King est intéressant et complexe…
Au passage y va falloir arrêter avec ce raccourci absurde, Nolan a pioché un peu partout pour faire ses films, de Loeb à Moore en passant par Miller ou O’Neil et j’en passe… Les scénaristes actuels ne s’inspirent pas du travail de Nolan (qui n’avait rien de novateur) ils s’inspirent de ceux qui ont inspiré Nolan à la base !
(attention ce n’est pas une critique envers toi en particulier, j’en ai juste marre de ce genre de raccourcis absurde…)
Je n’aime pas non plus, mais c’est l’impression que j’en ai eu, surtout après un Batman (toujours de Tom King) bas du front et musclé au possible. Celui-ci se présente dans une dimension de Batman réaliste à l’ambiance similaire à celle de TDK. Où Batman est plus réfléchi, dans une remise en question permanente sur sa façon de faire, tiraillé par ses ennemis, et surtout se détache de l’image de héros invincible.
Après on parle quand même du mec (Nolan) qui a réduit Batman à une boule de nerfs qui grogne sur tout ce qui bouge…
Je comprend que le Batman limite OP puisse déplaire mais si c’est pour aller vers l’exacte opposé, là où ça n’a presque plus de sens d’appeler ça « Batman », et surtout pour se targuer de faire un Batman « réaliste »
*tousse tousse* l’émetteur à micro ondes, la reconstitution numérique d’une balle avec une empreinte dessus, le téléphone sonar, le réacteur « écolo » transformé en bombe nucléaire… *tousse tousse*
Je suis sur que selon Nolan les films de Guillermo del Toro sont des films réalistes… XD
Je serais pas si enjoué que ça, certe le récit est très bon mais il y a quand même quelques truc qui peuvent déranger, que ça soit ce Riddler qui est très dangereux comme King l’écrit mais en terme de caractérisation on est très loin du Riddler classique, et il y a aussi le fait que cette arc soit très Dark inutilement comparé a d’habitude cela pourrait en déranger certains (même si sa me dérange pas ^^)
Sinon Mikel Janin n’est pas si bon que ça sur cette arc, comparé a son travail sur JLD on est très loin de ses meilleurs travaux.
Pour ma part j’ai beaucoup aimé. J’avais été très déçu du très (trop) long arc précédent sur Bane. Là, c’est consistant, bien écrit, bien rythmé.
Très d’accord avec cette review, si ce n’est qu’il n’y a rien à propos des interludes KiteMan qui m’ont assez bluffé, et je suis pas sûr d’avoir compris ce que tu veux dire par
« Cette guerre est la recherche d’une folie perdue, rendant l’esprit de Gotham incohérent. Cette incohérence en apporte une nouvelle, dans la révélation finale qui démontre inconsciemment le désir inavoué d’un retour au statut initial, à l’esprit perdu de Gotham. »