Review VF – Final Crisis Tome 1

Je crois avoir déjà fait une analogie semblable sur le site, mais je la crois suffisamment éclairante sur ma philosophie pour la refaire ici. En cuisine, cinéma, œnologie ou comics, c’est la même chose, on peut dégager le plaisir pris en trois catégories et sans être pour le moins du monde critique culinaire ou cinéma, œnologue ou spécialiste comics. Dans la première on peut mettre le repas franchement mauvais, le film complètement nul ou très décevant (au hasard Justice League), le gros rouge qui tache ou le mousseux qui troue l’estomac (ici leur truc c’est le crémant, c’est une abomination), ou le comics sans queue ni tête (genre Suicide Squad Rebirth ou Harley Quinn depuis les New 52..). Dans la deuxième, on peut mettre les plaisirs un peu honteux, le Mc Do, la série z kiffante (je citerais Spawn par exemple ou le premier Taxi), le rosé qui râpe un peu la langue bu entre ami et le comics brainless (même parfois un peu débile) mais qui reste un bon moment (en ce moment je citerai le premier tome de Métal que je suis en train de lire).

Mais le comics dont je vais vous parler rentre dans la troisième catégorie, je le rangerais avec le resto gastronomique, le film qui vous met sur le cul au cinéma (ma première fois c’était avec Fight Club), le vin qui se révèle être fantastique. En gros dans la catégorie chef-d’oeuvre.

Oui, ni plus ni moins. Alors évidement comme tout chef d’oeuvre qui se respecte, c’est peu être un peu compliqué à aborder sans aucune référence, encore que même comme cela on peut, je pense, prendre pas mal de plaisir à profiter de l’histoire brute. Et évidement le grand architecte de ce succès à un nom, il s’agit de Grant « Five Star » Morrison.

Et on retrouve dans cette histoire tous les ingrédients qui font en général le succès de l’auteur Écossais. Des personnages un peu secondaires ou oubliés du DCverse, des références en pagailles et une histoire parfaitement obscure dont tous les fils tissés se démêlent au fur et à mesure de l’histoire..

Le tome est composé des numéros suivants : Seven Soldiers of Victory #0, Seven Soldiers : Shining Knight #1-4, Seven Soldiers : Guardian #1-4, Seven Soldiers : Zatanna #1-3, Seven Soldiers : Klarion the Witcher Boy #1-3.

L’histoire se concentre sur quatre des fameux sept chevaliers de la victoire. Il y a Klarion, le garçon sorcier, vivant dans un monde troglodyte fermé sur lui même et sur la férule d’une prédicateur un peu rigide, Zatanna la magicienne, mise à l’écart de la Justice League depuis l’épisode de « l’Identity Crisis » dans lequel elle était partie prenante et qui depuis a perdu ses pouvoirs et prend sous son aile une apprentie qui semble faire preuve d’habilité magique surprenante, Jake Jordan, qui va être engagé par le journal « The Manhattan Guardian » pour être son incarnation superhéroïque au service de la presse et de l’information, épaulé en cela par la Légion des Petits Rapporteurs, vous l’aurez compris une relecture audacieuse des personnages de Jack Kirby et Justin, le chevalier étincelant, un chevalier gardien d’un Camelot de fantasy qui se retrouve projeté à notre époque avec son cheval volant, suivit par des ennemis qui vont se révéler être le fil conducteur entre tous les personnages. Ça et un dé…

Deux éléments sont constitutifs du style Morrison et font sortir la lecture du lot. La première, c’est la parfaite maîtrise de l’auteur de ces personnages parfois un peu oubliés et souvent secondaires et de leur histoire, certes je maîtrise moins bien l’historique de Klarion ou Justin, mais pour ce qui est de Zatanna les références sur son renvoi de la Justice League sont parfaites et magnifiquement intégrées à l’histoire, pour le Guardien et ses acolytes de la Légion des Petits Rapporteurs, la relecture assez géniale des personnages crées par Simon et Kirby est aussi un morceau de bravoure. On y retrouve tout l’ADN des personnages, dans un contexte de presse un peu farfelu mais qui fonctionne à merveille.

La deuxième, c’est la construction du récit, dont on à l’impression qu’il se disperse complètement, avant de, petit à petit, se construire une cohérence amenée avec maestria même si, en tant que grand fan de l’Écossais, je l’ai senti venir. Je pense qu’un lecteur néophyte peut se laisser surprendre par cette construction et peut-être même se décourager. Grave erreur, car sachez-le, aussi barré que peut paraître un récit de Morrison, il finit toujours par donner toutes les réponses, tôt ou tard.

Côté graphique, ce sont donc cinq dessinateurs, un par mini-série, qui donnent leur identité à chaque chapitre qui parlent chacun d’un des chevaliers. À commencer par J.H. Williams III qui ouvre le livre avec une histoire reprenant une équipe qui se forme a l’époque du Far West. Et le style colle parfaitement à l’ambiance que l’on attend d’un comics de cette époque, malgré l’attelage atypique qui y figure. Pour Seven Soldiers : Shinning Knight c’est Simone Bianchi qui s’y colle est donne à la mini un style techno-fantasy. C’est beau dans l’ensemble à part peut être les arrière-plans parfois très vides, ce qui donne un côté froid à l’ensemble qui participe à cette ambiance.

C’est un style plus mainstream que compose Cameron Stewart pour mettre en scène le Guardien de Manhattan, avec une colorisation très bleutée qui donne une ambiance urbaine collant encore une fois au personnage et à son environnement. Ryan Sook, s’occupe de Zatanna, avec probablement le style le plus basique et le plus oubliable. ce n’est pas mauvais, mais les dessins souffrent de la comparaison avec les autres séries.

Et ma série chouchoute, celle qui met en scène Klarion, est dessinée et mise en couleur par Ryan Sook. Une série qui baigne dans une lumière en permanence bleue, pluvieuse, troglodyte, dépressive, qui illustre et renforce le sentiment d’urgence à mettre les voiles pour le personnage principal. Les contemporains du garçon sorcier portent des habits de colons Anglais déprimants, sont vilains et suivent des règles qui paraissent stupides à ce dernier. Tout cela est exprimé par Sook qui illustre à merveille le scénario de Morrison.

Vous l’aurez compris, ou sinon il faut que je me pose des questions parce que je ne suis pas très clair, j’ai vraiment adoré ce livre. On y retrouve la quintessence de ce qui fait le talent de Grant Morrison, à savoir exploiter les recoins les plus méconnus ou oubliés du DCVerse et en faire des pépites. Avec son run sur Batman, il était bridé par la popularité du personnage principal, mais réussissait à tirer son épingle du jeu avec les vilains. Ici, il est libre de choisir ceux dont il veut raconter l’histoire et on sent non seulement la maîtrise habituelle du bonhomme, mais aussi une certaine jubilation. Grant Morisson est chez lui et s’éclate, épaulé par des dessinateurs de talents… D’ailleurs le lecteur aussi s’éclate, en tout cas mois je me suis éclaté.