La (célèbre ?) émission Bits (Arte Creative) a livré un épisode dédié à la transmission de la culture geek à partir du passionné de la première heure et la répercussion de cette transmission. Parmi les intervenants, entre Karim Debache et Alain Carrazé, étonnement, Marc Duveau apporte son expérience de la défense de la culture populaire avec la réédition de son ouvrage culte Comics USA. Et de manière étrange, c’est dans Comics USA que Marc Duveau raconte la considération, ou plutôt le manque de considération, des dîmes, des pulps, et des comics. Sans jamais dénoncer, il a élevé et élève encore le monde des comics vers une meilleure considération en France. Sans réel rapport, les précurseurs des comics, puis les comics eux mêmes, subissent encore un grand manque de considération. Les comics sont enfermés dans leur propre définition réduite au spectacle. Et si nous pouvions redéfinir les comics, les élever ? Les comics sont-ils destinés à n’être qu’un divertissement quel qu’il soit ?
Considérer la subjectivité
Les comics, depuis leur création, se sont inscrits dans une définition liée à leur conception. Sa forme de produit de basse qualité, mise à disposition à un large public et destiné à être accessible par tous lui a valu cette qualification de culture populaire, dans son aspect le plus péjoratif. Il est d’ailleurs assez drôle de voir qu’actuellement une grande majorité va hurler au génie face à Avengers : Infinity War sans même comprendre ce qui a fait la force de la saga du Gant de l’Infini – mais c’est un autre débat. Les comics et leurs thèmes s’inscrivent de manière immédiate dans la culture populaire, et ce malgré ce passage et cette adaptation d’une forme d’art à une autre. Les comics restent enfermés dans leur définition, à la manière d’un esprit conservateur nocif. Penser autrement les comics semble impossible ou ridicule. C’est pourtant ce que font ces personnes qui transmettent leurs passions. Ils la crédibilisent, lui donne une valeur et la définisse. Si les comics sont de la bande dessinée et la bande dessinée est un art, alors les comics ne doivent pas être réduits à sa fonction primaire : divertir. On est en droit de penser les comics comme une forme d’art qui pourrait bien changer sa définition et reconnaître ses autres fonctions qu’on attribue si facilement aux œuvres européennes.
On ne peut non plus qualifier tout comics comme produit artistique, le tout variant selon les intentions de l’auteur et d’autres facteurs. Mais cette incapacité à dissocier les comics du simple divertissement populaire reviendrait à oublier les multiples fonctions de la bande-dessinée. Le créateur de ce changement n’est autre que le lecteur, celui qui croit en ce qu’il aime et partage son ressenti. On ne doit pas se fondre dans la définition de notre passion. Si les comics n’étaient qu’un divertissement je ne le considérerais pas comme tel. C’est qu’il y a quelque chose d’autre qu’un comics a pu me procurer. Et parmi ces comics si particuliers je dois citer Le Sculpteur de Scott McCloud, qui apporte sa participation à cet article, puisqu’il utilise l’art comme thème principal et expose le résultats de réflexions longues pour une réponse qui, au final, est sous notre nez. La considération d’une chose que l’on aime ne dépend que de nous et nous seul. Et si cette chose nous tient réellement à cœur pour ce qu’elle est, considérons la comme nous l’entendons.
L’industrielle barrière et la barricade savante
Considérer un produit créé par une industrie implique le problème de briser l’idéal européen (ou uniquement français, allez savoir) d’un produit culturel créé par l’artiste pour l’art – en plus de faire la chasse au moindre élément populaire qui souhaiterait pointer le bout de son nez. Le manque de considération du comics en France relève des intentions, et faire la part des choses entre produit mercantile et produit culturel est impossible. D’autant plus concernant un produit américain où films et comics appartiennent pleinement au système de production, à l’industrie dont ils dépendent. Les artistes ne sont pas chefs, mais architectes. La solution reste de reconnaître la valeur culturelle du produit de manière totalement subjective, à partir de notre expérience culturelle, développer notre curiosité et multiplier au mieux les découvertes en tant que passionné et/ou lecteur.
Alors facilement on peut se dire que les comics n’auront jamais une place aussi importante en tant que forme d’art. Les comics sont une forme d’art associé aux bande-dessinées et mangas, seulement (et justement, comme les mangas encore aujourd’hui) sont loin d’être acceptés par tous. Cela viendra avec le temps, mais considérer les comics uniquement comme produit de divertissement, même si cela vaut pour une partie, est une erreur. L’objectif n’est pas de séparer culture savante et populaire, mais bien de leur trouver un compromis. Et comme le dit notre cher Tommy : « d’un autre côté, ça envoie une pique à ceux qui se masturbent à l’université sur le même auteur depuis 40 ans sans regarder en dehors de leur zone de confort.«
Les comics ont une importance catégorique chez certaines personnes et agit sur la vie de bon nombre d’entre nous, lecteurs.Et c’est parce qu’on demande des lectures frappantes, construites par une volonté forte et une recherche accomplie – comme Le Sculpteur, Sheriff of Babylon, Mister Miracle, ou bien même l’arc de Detective Comics : Terminal par Ben Percy et John Paul Leon – que ce type d’oeuvre mérite d’être considéré non pas comme un divertissement, puisqu’il tient bien le statut d’une oeuvre, sinon de chef d’oeuvre.
C’est vrai que l’idée que se font les gens des comics (surtout en France) et de ceux qui en lisent c’est un peu triste… On pourrait même parler de ségrégation quand tu en entends certains. Et puis je pense que le comics de super-héros souffre beaucoup plus de cette image que les autres (parce que « les super-héros c’est pour les enfants »)
Par contre, tu m’en avais parlé, mais faut vraiment que je lise Le Sculpteur ça a l’air vachement bien
« Il est d’ailleurs assez drôle de voir qu’actuellement une grande majorité va hurler au génie face à Avengers : Infinity War sans même comprendre ce qui a fait la force de la saga du Gant de l’Infini »
Tellement vrai.
A tous les coup il va pas avoir la dimension romantique de Thanos pour la mort dans ce film, qu’en pense tu ?
C’est exactement ce à quoi je pensais.
Et si il n’y avait que ça. J’espère au moins que ce film tournera les gens vers le comics dont il est censé s’inspirer. Mais je me fais des idées.
Et pour répondre également à knightwing, ce n’est plus tant « les comics pour les enfants », mais le maque d’intérêt et/ou de curiosité du spectateur en salle de cinéma qui me dérange sur ce plan.
Va falloir que t’arrêtes ta fixation sur Infinity War alors que tu ne l’as même pas vu Watch’ ^^
Déjà, personne n’a hurlé au génie. Mais tu peux comprendre la surexcitation d’un public pour qui Thanos et sa menace miroitent depuis six ans.
De deux, c’est malhonnête de dire à Infinity War qu’il ne pourra pas adapter à la lettre Gauntlet. Ne serait-ce que parce que si tu as vu les précédents Marvel Studios cosmiques, tu vois quels concepts n’ont pas été abordés, et sont donc impossible à mettre dans un film qui doit d’abord se faire apothéose sur tous les personnages présentés en dix ans. Et en 2h30.
De trois, pour avoir vu le film, oui l’inspiration des travaux de Starlin est là. Vraiment. Non, le côté romantique n’est pas gardé, mais toute sa motivation fait partie du discours qu’il livre dans Silver Surfer #35 – ce qui reste cohérent, dans la démarche d’adaptation et du compromis d’un médium à l’autre, et qui ne trahit (à mon sens) pas le personnage. De deux, et ça touche Infinity Gauntlet, y a un truc repris tel quel et qui marque clairement une surprise, dans l’idée « ils feront jamais ce truc des comics en films ». J’en dis pas plus mais j’ai pensé (bizarrement ^^) à toi à ce moment.
Enfin, ça fait plusieurs années que la chimère « les films attirent des nouveaux lecteurs », si tu suis les chiffres de ventes, tu vois que c’est en effet une chimère.
Si j’ai observé ça, c’est que ça vient bien de quelque part. Parle deux minutes de cinéma, il y aura quelqu’un qui sort de nulle part pour te dire que Infinity War est le meilleur film de l’année avant sa sortie – et que 3 Billboards et Phantom Thread sont chiants. Et si j’ai cet avis sur Infinity War, c’est bien parce que j’ai vu l’ensemble des productions Marvel Studios, et qu’après le massacre Ragnarok d’une « Adaptation de l’univers de Kirby », je pense pouvoir justifier la crainte d’une « Adaptation de l’univers de Starlin ». Pour son discours et ses motivations, c’est peut être tiré du run de Starlin sur Silver Surfer, ça n’en reste pas moins qu’il s’agissait de motivations encore obscures révélées plus tard.
L’adaptation est déjà biaisée, en plus du teasing des autres adaptations – que j’ai vu, soit dit en passant. Peut-être que le film peut changer la donne et me donner tort. Mais j’en jugerai moi même (bien plus tard).
Par contre sur ce moment où tu dis avoir pensé à moi, tu m’intrigues.
Et je n’ai pas dit que le cinéma tendait à faire lire des comics. Je dis qu’il faudrait se renseigner un minimum lorsqu’on regarde une adaptation.
C’est une tendance qu’on retrouve dans d’autres médias, et qui ne s’applique pas qu’au marché du comics. Ce n’est pas rare (et c’est un euphémisme) d’entendre le public dire qu’il ne recherche que le divertissement quand il se rend dans les salles. C’est en partie lié à la culture industrielle de la chose « une recette », un produit formaté. La masse ne cherche pas forcément à creuser pour trouver les perles, et se contente de regarder ce à quoi il a accès facilement (pour différentes raisons).
Et je dirai même que c’est lié à un problème plus global : le manque de curiosité.
Il y a de ça mais, quand une personne commence à s’intéresser et veut en apprendre plus, bah il devient le nerd de service et ce genre de réaction ça encourage pas les gens à se cultiver sur le sujet. C’est un peu comme à l’école en fait, un élève qui travaille et qui a des bonnes notes, on se moque de lui et il est critiqué par ceux qui ne bossent pas (comme quoi en grandissant on évolue pas tant que ça…)
Un excellent Off My Mind !
D’ailleurs je pense que je vais lire Le sculpteur, ça m’a l’air très intéressant.
Si on prend par la… les gens oublient vite que Maus de Spiegelman est un comics dans le sens le plus pur du terme, qui à eu un prix Pulitzer . On est loin des capes et collants… voir même du « divertissement »… d’ailleurs je crois pas avoir entendu quelqu’un dire, : Ho j’ai lu Maus, qu’est que je me suis diverti…
Le comics c’est tellement autre chose que simplement DC ou Marvel, mais en France seuls ces facettes ont marquées.