Cette semaine arrive Krypton sur la chaîne Syfy, marquant l’entrée d’une nouvelle série dans le panthéon audio-visuel de DC Comics. Celle-ci reviendra sur le passé de la planète natale de Superman, sa culture et son histoire, et cela à travers les yeux du grand-père de l’homme d’acier, Seg-El. Un territoire encore relativement peu exploré, mais qui le fut tout de même à quelques reprises. C’est ce choisit de mettre en avant l’éditeur en rééditant le premier numéro de la mini-série The World of Krypton, qui a véritablement redéfini l’histoire de cette planète pour résonner encore aujourd’hui. Un choix certainement pas innocent quand on sait que les développeurs puisent leur inspiration dans le grand historique de l’éditeur. Revenons nous donc sur les éléments de cette mini-série que pourraient contenir la série TV.
La refonte d’un univers
Un peu de contexte tout d’abord. En 1986, l’univers DC voit ses compteurs remis à zéro suite à la fin de sa première crise, portant le doux nom de Crisis on Infinite Earths. Il s’agit alors de trouver des auteurs qui sauront donner un nouveau souffle à ces héros, et c’est John Byrne qui est choisi pour redéfinir la mythologie de Superman. Cela s’effectue tout d’abord par la mini-série Man of Steel, et ensuite par les titres historiques Action Comics et Superman, ainsi que divers projets parallèles, dont trois mini-séries portant l’intitulé The World of…, visant à redéfinir les lieux emblématiques attachés au personnage. On y trouve The World of Smallville, The World of Metropolis, et pour ce qui nous intéresse ici, The World of Krypton.
Une première quasi-extinction de Krypton dans la guerre
John Byrne nous fait plonger dans le lointain passé de Krypton, des siècles mêmes avant le temps de Seyg-El et son fils, Jor-El. L’auteur établit volontairement un flou sur la temporalité du récit, avant de progressivement définir les repères au fil des numéros grâce à des vas-et-viens temporels qui ne font que renforcer la curiosité et l’intérêt du lecteur. Ainsi, même si l’on pourrait croire avec la première moitié du numéro #1 que le récit est beaucoup trop naïf et daté, Byrne donne rapidement tort en établissant une histoire bien plus moderne et passionnante que nous pourrions le croire. Car en effet, le numéro commence avec un monde futuriste dans sa technologie (selon les codes de l’époque) où les personnages portent pourtant des tenues inspirées de notre Antiquité. Un monde gentillet, naïf, lisse. Ce n’est qu’au fil des pages que nous découvrons les bases malsaines sur lesquelles repose cette société immortelle : chaque Kryptonien dispose de trois clones en état de stase sur lesquels on prélève des membres et organes pour prolonger indéfiniment la vie des originaux (il faut l’avouer, il y a une fibre Altered Carbon). Avec des protestations d’un camp prônant la liberté des clones, cela lancera finalement la quasi-perte de Krypton à travers une guerre de plusieurs siècles.
La subsistance de la planète à travers une société austère
Comme dit précédemment, les vas-et-viens dans la chronologie sont nombreux, chaque numéro apportant un nouveau point de vue. Le second s’établira tout d’abord des siècles après le lancement de la guerre des clones dans un monde ravagé où les Kryptoniens ont quasiment disparus dans leur intégralité, et à travers les yeux de Val-L, qui apprendra de tous ces événements pour reconstruire une nouvelle Krypton. Le troisième nous fera encore voyager des siècles plus tard avec cette fois-ci l’apparition de Jor-El dans un monde bien différent du précédent, se voulant tout aussi idéal, mais bien plus froid et rigide. En effet, en voulant apprendre de ses erreurs, Krypton s’est tourné vers une technologie permettant l’immortalité de façon bien plus morale, mais éteignant peu à peu la chaleur qui la définissait autrefois, ainsi que son humanité.
Dans un monde réellement immortel, les relations amoureuses ont perdu de leurs sens jusqu’à disparaître, et la procréation n’a plus lieu d’être. Les seules naissances qui ont lieu pour remplacer les Kryptoniens morts accidentellement sont désormais conçus dans des chambres de gestation sans même que les parents ne se rencontrent, ceux-ci étant simplement sélectionnés pour leurs gènes. Des idées que le film Man of Steel a partiellement emprunté, sans toutefois aller jusqu’au bout de l’idée de Byrne, et dont Krypton semble également s’inspirer. En effet, nous savons d’ores et déjà que Seg-El évoluera dans un monde austère, froid et structuré où les relations sont définis à l’avance. A l’image de Jor-El qui dans The World of Krypton défie les lois de sa société en se permettant d’éprouver des sentiments pour la mère de son enfant, Seg-El entretiendra dans la série une relation interdite avec Lyta-Zod.
Une histoire générationnelle sur l’humanité
Si un récit aussi intelligent et fascinant n’était pas assez pour qualifier l’auteur de brillant, celui-ci nous assure de ne pas l’avoir écrit gratuitement pour le plaisir d’offrir une histoire sur Krypton. Non, son génie est révélé dans le dernier numéro, finalement narré par Superman qui raconte l’histoire de sa planète à Lois Lane. Le récit que nous a déroulé Byrne devient alors une histoire de famille avec une mise en abyme à chaque numéro : Van-L est son ancêtre lointain, et a sans le vouloir participé à empoisonner Krypton, aussi bien littéralement de par l’issue de la guerre des clones qu’il a mené, que métaphoriquement par la construction d’une société ayant perdue son humanité. Car il s’agit du propos de la mini-série : plus que de nous révéler la cause physique de la destruction de Krypton, Byrne donne à cette planète une histoire participant pleinement au mythe de Superman. Kal-El est un témoignage de la condamnation à laquelle mène l’extinction des sentiments, et une lueur d’espoir pour l’avenir. Jor-El, de par sa rébellion envers les dogmes de sa société, fait à son fils le cadeau d’une humanité perdue sur Krypton, mais encore bien vivante sur Terre. Nul ne sait si la série reproduira ce propos, mais on peut déjà trouver une similarité dans l’importance de la lignée El, de la famille. Sans partir dans une mise en abîme, Krypton s’aventurera bel et bien dans une idée de récit impliquant diverses générations puisqu’en plus de suivre Seg-El, la série jouera sur la temporalité en mettant en danger l’existence de Superman et son symbole. Il s’agira aussi de restaurer la valeur et le symbolisme du blason de la maison El, qui sera devenu une marque de honte suite à la condamnation à mort de Val-El, le grand-père de Seg, et dont les membres seront alors relégués au bas peuple.
Krypton fait donc le choix le plus intelligent possible en choisissant de s’inspirer en parti de John Byrne, qui a su ajouter une pièce d’importance à la mythologie de Superman à travers un récit d’origine. En quatre numéros, l’auteur parvient à livrer une histoire passionnante et extrêmement riche tout en jouant sur un long pan de temporalité. Krypton a alors toutes les cartes en main pour étendre cet exploit sur la durée et explorer la richesse d’une planète sur laquelle il y a en réalité beaucoup à dire, autant sur sa vie que sa destruction, et qui signifie en fait beaucoup pour l’histoire de Superman et notre propre société. Ajoutons à ça la richesse de l’univers DC dans lequel les développeurs n’hésiteront pas à piocher avec Brainiac, l’enlèvement de Kandor, les prémices de Doomsday, les Green Lanterns, les autres planètes extra-terrestres telles que Thanagar. Un potentiel infini qui, si bien exploité, pourrait marquer à son tour l’histoire de Superman et de DC.
Un bien bel article qui rappelle le parti pris fort intéressant de Byrne et montre tout le potentiel de la série. Je vais pas mentir, j’ai carrément fait ma langue de flûte quand j’ai vu « Goyer » à la tête du bousin mais force est de constater que ça a l’air top.
Continue la Pantoufle, CONTINUE ! #DCPRebirth
Un superbe article !
Une série qui a donc du potentiel. Affaire à suivre
» Un potentiel infini qui, si bien exploité, pourrait marquer à son tour l’histoire de Superman et de DC. » jolie conclusion pleine d’espoir
Merci pour l’article Moca. C’est très intéressant et j’aimerais voir Urban publier les « The World of … » du coup ^^