Review VF – All-Star Batman Tome 2

Batman et Double-Face, c’est fini. Au tour de Mister Freeze, Poison Ivy et The Mad Hatter d’affronter le plus grand des détectives, sur fond d’apocalypse dans la suite des aventures d’All-Star Batman.

Une succession de dessins à l’identité remarquable

À l’image d’une succession de desserts, la note sucrée – et donc toujours agréable – tient dans le défilé des dessinateurs dont le style s’écarte potentiellement des titres mainstream. Jock, Tula Lotay, Giuseppe Camuncoli et Francesco Francavilla pour la partie back-up se passent le relais dans ce deuxième tome de All-Star Batman dans un style à l’image des personnages qu’ils dépeignent. Et autant couper l’herbe sous le pied de ceux qui se demandent ce que vaut cette aventure du Dark Knight : le principal intérêt de ce comicbook réside dans la partie artistique. Jock et Tula Lotay pour commencer, avec un gros coup de cœur pour le second ou plutôt la seconde. L’artiste n’avait jamais travaillé sur un numéro complet pour DC Comics, et force est de constater que ses dessins sont une énorme réussite. Son style s’imprime parfaitement bien dans votre cerveau pourtant embrumé par les effets de manche de Scott Snyder. Tula Lotay avait exprimé son amour pour Poison Ivy dans une interview, et ça se ressent. Et quand je disais identité remarquable, l’idée concerne essentiellement l’artiste. Son style oscille entre le minimaliste et le sens du détail (oui) donnant le sentiment d’un rêve éveillé. Les lignes sont agréables, et amènent énormément de douceur dans une situation pourtant apocalyptique. Lotay s’occupe par ailleurs de la colorisation et ses choix psychédéliques relèvent encore plus et avec talent son style surréaliste. Jock, dans un style brut et une fois de plus minimaliste, ainsi que Giuseppe Camuncoli pour sa part surréaliste vont à merveille au Chapelier Fou et à l’univers de Lewis Carroll. Et constamment mis en valeur par le travail des couleurs. Francavilla s’éclate un peu moins dans la partie back-up mais son art reste tout de même agréable (que j’avais toutefois plus apprécié pour sa collaboration avec Tom King). Les traits sont toutefois plus grossiers, comme si le dessinateur apportait un certain recul à son travail, histoire de dézoomer. Voilà un aspect qui servirait à Scott Snyder.

All-Star Batman, Chevalier Noir de l’anti-apocalypse

Après le difficile road trip de Batman, le Chevalier Noir doit faire face à trois situations apocalyptiques : le cataclysme, l’épidémie et le solipsisme. Si les trois récits semblent sans rapport, ils sont pourtant l’œuvre d’une seule personne, que je vous laisse découvrir si vous n’avez pas encore lu. Le problème avec ce récit de Scott Snyder est que le déroulement reste identique, comme un calque sauf que les dessinateurs changent. Mais l’auteur ne s’intéresse pas vraiment à ses personnages laissant un peu le lecteur sur le côté de la route. Sensation décuplée par la volonté de Snyder d’utiliser constamment la même facilité scénaristique : l’illusion, le fake. Par plusieurs fois, et même rien que par le choix d’user de la philosophie solipsiste, il fait la même pirouette : haha on t’a bien eu tu l’avais pas vu venir. Un peu si quand même, ça fait deux tomes que tu nous ressers les mêmes solutions à tes fausses équations, mon cher Scott. Et ça devient lassant. L’homme qui tombe à pic. On a cette impression que rien ne peut arriver à son Batman, on ne peut pas craindre pour la santé ou la vie de son Chevalier Noir. Par ailleurs, si on pouvait penser que Scott Snyder prendrait des risques en emmenant Batman loin des rues de Gotham, dans des histoires expérimentales, singulières, et possiblement lues comme des one-shots, mais même pas. En soi, les histoires ne sont pas si mauvaises, mais finalement elles ne laissent aucun goût dans la bouche, et pas vraiment de souvenirs dans la tête, surtout avec cette fin anticlimatique, et même rushée si l’on peut dire.

Autant vous le dire, la partie graphique vaut vraiment le coup d’œil, pour les styles proposés, pour la diversité, pour les couleurs, et parce que les dessinateurs parviennent à donner du grain aux personnages qu’ils animent. Difficile de vous dire de fondre sur le tome uniquement pour l’art, mais peut-être que les planches de Tula Lotay auront un effet hypnotique sur vous. En revanche, cet All-Star Batman pèche de par son récit laissant finalement peu de place à la surprise, même si Scott Snyder vous fera croire le contraire avec le cut à la fin. Et si un auteur ne peut plus utiliser un scénario pourtant hors continuité pour prendre des risques, alors une question se pose : à quoi ça sert ?